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Critique de Titine75


La condition féminine au XIXème est au coeur de ce court roman de Charlotte Perkins Gilman. Ce thème, très présent dans les romans de cette époque, est traité ici de manière tout à fait originale. le confinement sociétal des femmes est matérialisé par un véritable enfermement.

La narratrice et son mari passent l'été dans une grande demeure louée pour l'occasion. le couple vient d'avoir un enfant. On comprend assez vite qu'ils ne sont pas venus dans le domaine pour des vacances mais pour s'isoler du monde. La jeune femme souffre d'“une simple dépression passagère, un léger penchant à l'hystérie.” Son mari médecin décide qu'elle a besoin d'une cure de repos pour se rétablir. Au début du récit, le mari est présenté comme attentif, aimant et ne voulant que le bien être de son épouse. En réalité ce qu'il cherche c'est à faire rentrer sa femme dans le rang, qu'elle se consacre à ses devoirs : la maison, les enfants et les relations mondaines. Notre narratrice n'a que faire de ce type d'occupation, ne s'intéresse que peu à son enfant : “Il m'est impossible de m'en occuper moi-même, cela me rend trop nerveuse.” Elle aimerait écrire, elle pense que cette activité créatrice l'aiderait à sortir de la neurasthénie.

La cure de repos imposée par son mari est sévère quant aux activités intellectuelles. Tout l'entourage estime que c'est l'écriture qui a rendu malade la jeune femme. Il faut donc l'empêcher de se livrer à ce penchant. Pour ce faire chaque activité de la journée est prévue, contrôlée. La jeune femme ne peut voir personne, pas d'amis en dehors de la famille de son époux. Ils reçoivent d'ailleurs la soeur de ce dernier, décrite ainsi : “C'est une maîtresse de maison parfaite et convaincue; elle n'a pas d'autre ambition.” L'anti-thèse de sa belle-soeur!

Celle-ci se confine alors dans sa chambre dont le papier peint jaune et malodorant devient son unique obsession. “Rien que la couleur en est hideuse, douteuse, exaspérante, quant au dessin, il est une véritable torture. Vous croyez l'avoir maîtrisé, mais juste quand vous pensez en avoir fait le tour, voilà qu'il s'inverse et vous laisse ahuri. Il vous gifle, vous assomme, vous écrase - un vrai cauchemar.” La jeune femme est absorbée par le papier-peint jusqu'à la folie.

Charlotte Perkins Gilman écrit “La séquestrée” (en vo “The yellow walpaper”) en 1890 et c'est une oeuvre en grande partie autobiographique. La mère de l'auteur l'empêcha très tôt d'exprimer ses talents littéraires. Charlotte tomba en dépression dès le début de son mariage et dut rencontrer un médecin qui préconisait l'isolement total des patients. Ce même médecin fût consulté par Alice James (la soeur de Henry) et Edith Wharton, toutes deux également en dépression comme nous le montre la remarquable post-face de Diane de Margerie. Toutes ces femmes avaient des vélléités créatrices qu'il fallait réprimer, il fallait laisser aux hommes les joies de la littérature.

La séquestrée” condense toute cette thématique. La chambre exigüe au papier-peint mortifère est le symbole de la place occupéee par la femme dans la société victorienne. On exigeait d'elle qu'elle soit une potiche sans cervelle, respectable et respectée des autres membres de la communauté. La jeune narratrice voit apparaître une femme derrière le papier-peint qui se libère la nuit. Elle aimerait elle aussi passer derrière le papier-peint, se libérer des obligations qu'on lui impose.

La séquestrée” est une oeuvre intense, incandescente. le récit de la folie est saississant, j'ai senti le glissement lent vers la démence. C'est un roman tout à faut essentiel, que m'ont fait découvrir les excellentes éditions Phébus, aussi bien du point de vue littéraire, que du point de vue du témoignage sur la condition des femmes du XIXème.
Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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