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Critique de Darjeelingdo


« Bankruptcy ! Ils n'ont plus que ce mot là à la bouche. Détroit vient d'être déclarée en faillite, ça fait les titres dans tout le pays, même à l'étranger. »
Nous sommes en août 2013 quand s'ouvre le roman de Judith Perrignon, sur les ruines du Brewster Douglas Project où Ira, flic afro-américain a passé toute son enfance et son adolescence. C'est Eléonore Roosevelt qui est à l'initiative de la construction de ce vaste ensemble de logements sociaux pour les Noirs qui débute en 1935, après la Grande Dépression. C'est là que vont loger les ouvriers des usines automobiles qui font la fierté et la richesse économique de Détroit. Détroit «  berceau du monde moderne qui a inventé la voiture et aimanté les travailleurs et les cultures du monde entier », véritable eldorado industriel où, dans les années 50, les populations afro-américaines ont le meilleur niveau de vie et où se développe une véritable bourgeoisie noire car « C'est ici que les salaires et les retraites sont les plus élevés du pays, alors forcément tout le monde grimpe ».
C'est aussi à Detroit qu'au milieu des années 60 émergent une foule de talents musicaux tous signés par la fameuse Motown : les Suprêmes, Martha et les Vandellas, Marvin Gaye, le tout jeune Stevie Wonder....Non loin du siège de la Motown prêche le révérend Franklin, père d'Aretha.

Mais le racisme et la discrimination sont bien présents, notamment au sein de la police et, en 1967, éclatent les très violentes émeutes qui mettent un brutal coup d'arrêt à cette réussite . Detroit fait de nouveau parler d'elle lors de la crise des Subprimes qui voit s'effondrer le modèle économique et la laisse en ruines , en faillite , avant que de nouveaux investisseurs blancs reprennent les choses en main, quite à reproduire les erreurs du passé ...

C'est donc les 40 ans d'effondrement de la ville que nous conte Judith Perrignon par la voix de ses habitants : Ira, flic d'élite, Géraldine sa mère, Archie son oncle, Sarah sa collègue qui tente de percer l'identité d'un jeune homme retrouvé mort dans les décombres des immeubles....

L'écrivaine et journaliste connaît bien Détroit, elle s'est imprégnée de l'atmosphère de la ville, a écouté et dialogué, et son livre est à la fois un formidable reportage et un émouvant roman choral à la gloire d'une ville et de trois générations de ses habitants qui en ont été dépossédés . «  Un épais brouillard était tombé sur nous, ville noire, pauvre, criminelle et corrompue. Ce brouillard nous isolait, nous dévorait, nous laissait seuls face à nous- mêmes. Quarante ans plus tard, il se lève. Changement de décor. Il suffisait donc d'une décision pour qu'on rallume la lumière dans nos rues. Ce qui prouve qu'il y a eu décision de l'éteindre. »
Et quand vous fermerez le livre, peut être aurez-vous envie, comme moi, de réécouter quelques standards des Suprêmes, à l'époque où Diana Ross ne faisait pas encore bande à part !

I need love, love
Oh, ease my mind
And I need to find time
Someone to call mine
My mama said, "you can't hurry love
No, you'll just have to wait".....
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