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Critique de mosaique92


Roman paru il y a un an et qui a déjà recueilli plus de 200 critiques, très positives à 80%. J'ai lu les critiques négatives (peu nombreuses) ; il semble que la majorité d'entre elles aient été rédigées par des lecteurs(trices) qui n'apprécient guère ce genre de littérature en général (coeur de cible raté). Je peux comprendre ; mettez-moi un thriller gore sous les yeux, même le meilleur du genre : si j'arrive au bout, je pondrai sûrement un billet négatif, si ce n'est bien saignant.

En début d'année, j'ai décidé d'inclure ce roman dans ma PAL : réservation à la médiathèque et liste d'attente. Finalement, je l'ai récupéré il y a 3 semaines, l'ai mis sur ma table de chevet (avec les 4 livres qui étaient déjà là)… et n'ai pas trouvé l'envie de le lire. Pourquoi ? Trop d'attente, trop de critiques positives, trop de prix littéraires pour cette autrice, la peur d'être déçue ? Peut-être un peu de tout ça et aussi, parce que, comme dit @rabanne : «J'avoue avoir eu au premier abord des craintes et quelques préjugés. Ne vous fiez pas à la 1ère ni la 4ème de couverture, encore moins au titre à l'eau de rose, car ce n'est absolument pas un roman feel good».
Réalisant que j'étais partie pour devoir rendre le livre en fin de mois sans l'avoir lu et que j'aurai alors des regrets (je déteste ça), j'ai sauté le pas : j'ai ouvert ce pavé samedi en milieu de matinée et ne l'ai lâché qu'au milieu de la nuit après avoir tourné la dernière page. J'ai alors réintégré mon univers dont j'étais totalement sortie pendant quelques heures pour vivre dans celui de Violette… Pour paraphraser la narratrice qui termine la lecture du journal d'un personnage secondaire : « Je referme le journal d'Irène le coeur lourd. Comme on referme un roman dont on est tombé amoureuse. Un roman ami dont on a du mal à se séparer, parce qu'on veut qu'il reste près de soi, à portée de main. » J'ai eu du mal à me séparer de ce beau roman, une complète réussite à mes yeux ; «Pourquoi va t-on vers des livres comme on va vers des gens ?» dit Violette.

Que vous dire qui n'ait déjà été dit ? Violette est une battante malgré les chausse-trappe que la vie lui a envoyés dès sa naissance (comme dit une de mes amies babélionautes : Violette est née sous le signe ‘'pas de bol'' ascendant ‘'scoumoune''). Elle a une détermination immense et la foi chevillée au corps qu'elle peut construire une vie ‘'normale'' et heureuse ; quand elle croit l'avoir atteint le destin détruit tout (le coup de tonnerre de la page 221 m'a cueillie comme un uppercut) et elle doit repartir de zéro. Après un passage à vide où elle baisse les bras, elle se remet à la tâche, avec des ambitions moindres mais toujours la même détermination : «un brin d'herbe peut pousser n'importe où, et j'étais faite de ce n'importe où. Oui, une racine peut prendre vie dans du goudron. Il suffit d'une micro-fissure pour que la vie pénètre à l'intérieur de l'impossible. Un peu de pluie, de soleil et des souches venues d'on ne sait où, du vent peut-être, apparaissent». Dans les romans et dans la vie, j'aime (que dis-je, je kiffe à mort) les personnes positives qui passent l'essentiel de leur vie à construire et qui ne se dispersent pas en prêtant attention à ceux dont le passe-temps favori est de diviser, vilipender ou détruire.

La construction de ce roman est remarquable (V. Perrin est scénariste, ça joue forcément).
Il y a une montée en puissance rythmée par le présent de Violette ‘'gardienne de cimetière'' alternant avec des épisodes chronologiques de sa vie qui éclairent le lecteur sur son parcours et son univers. Des personnages apparaissent et prennent peu à peu de l'épaisseur et leur place dans ce parcours : ils surgissent avant même qu'on ait l'impression qu'il y avait un manque dans le paysage. Quel talent…
Des personnages secondaires qui pouvaient paraître stéréotypés (Philippe, le mari de Violette, par exemple) prennent tout-à-coup le premier rôle d'une histoire parallèle et deviennent humains ; cela évite tout manichéisme. Des histoires secondaires, comme celle d'Irène et Gabriel, s'imbriquent parfaitement dans la trame du récit.
Enfin, en intitulé de chaque chapitre, il y un extrait de poésie (Jacques Prévert) ou de chanson, très bien choisi au demeurant, (Barbara, Georges Brassens, Claude Nougaro, Serge Reggiani, ou encore Jean-Jacques Goldman, Benjamin Biolay, etc…) : un pur régal tant l'intitulé colle à ce qui suit.

Et que dire des univers dans lesquels V. Perrin nous fait entrer ? Celui d'une adolescente déboussolée, celui des garde-barrières de la SNCF, celui des vacanciers de la calanque de Sormiou, celui des prétoires et enfin – et surtout – celui des gardiens de cimetières avec les amitiés et le quotidien ; j'ignorais l'ampleur de cette tâche. Dans les remerciements en fin de livre, l'écrivaine fait allusion à un Norbert Jolivet, fossoyeur (nom inchangé pour ce personnage réel qui figure dans le roman) : «grâce à l'écriture de ce roman, cet inventeur de la joie et de la bienveillance est devenu mon ami»… voilà pourquoi, probablement, toute cette vie du petit monde des cimetières, paraît si vraie, si réelle et si riche ; une communauté soudée et à l'écoute des autres.
Pour beaucoup, les cimetières sont synonymes de peine, de tristesse, voire de morbidité. Lisez ce roman : vous verrez que cela va bien au-delà…



PS : Valérie Perrin est une écrivaine de grand talent : je vais, de ce pas, me procurer son 1er roman, ‘'Les oubliés du dimanche''. Le livre de chevet de la narratrice est ‘' L'oeuvre de Dieu, la part du diable'' de John Irving ; je vais le joindre à ma commande.
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