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Critique de Melpomene125


Quatrième tome d'une série de cinq romans policiers et historiques consacrés à la Première Guerre mondiale, Les Tranchées de la haine est dédié au frère d'Anne Perry, chirurgien militaire. S'est-elle inspirée de lui pour inventer le personnage du Dr Cavan, courageux chirurgien qui tente comme il peut de sauver la vie des blessés que Judith, l'ambulancière, et Joseph, l'aumônier du régiment, lui amènent ? Peut-être.

Ce roman offre en tout cas une reconstitution sans doute fidèle des conditions de vie épouvantables qui devaient être celles des soldats dans les tranchées d'Ypres, il y a un siècle. Nous sommes en 1917 et un souffle de mutinerie se propage sur le front car le taux de mortalité est si élevé que les soldats survivants se révoltent. Lorsque le major Northrup, fils d'un général, vient remplacer le précédent commandant, décédé au combat, il se montre tellement incompétent que les soldats ne peuvent que désapprouver ses décisions. Elles ont en effet provoqué la mort d'un nombre incalculable d'hommes ou des blessures d'une gravité extrême, des mutilations irréversibles, des amputations dont le Dr Cavan a été le témoin.

Chacun de ces hommes était l'ami ou le frère d'un autre. Aussi, pour faire comprendre au major ses torts et le forcer à écouter les conseils de soldats moins gradés mais plus expérimentés, le capitaine Morel, un ancien élève de Joseph, à l'époque où il enseignait les langues bibliques à l'université de Cambridge, et le Dr Cavan ont l'idée d'un simulacre de cour martiale qui se terminerait par un verdict de condamnation et un peloton d'exécution avec des balles à blanc.

Mais un des douze soldats impliqués déteste tellement Northrup qu'il tire avec de vraies balles pour se venger. Judith et Joseph vont tout tenter pour sauver les onze accusés du peloton d'exécution car un seul homme est coupable de meurtre. Lequel ?

Ce quatrième tome est poignant et décrit un quotidien insoutenable qui a marqué et détruit toute une génération. Que reste-t-il pour les survivants ? le désir de s'accrocher à des idéaux d'amitié, de solidarité, de camaraderie qui pousse Judith à aider les accusés à s'évader au péril de sa vie puisqu'elle risque elle aussi d'être condamnée à mort. Quant à Joseph, son frère, il va devenir l'avocat de ces soldats qu'il côtoie depuis trois ans et qui sont tous originaires de la même région que lui, même s'ils n'appartiennent pas au même milieu social.

J'ai aimé sa ténacité, ses doutes et l'énergie du désespoir qui l'anime. Il est le personnage charismatique de cette série de cinq romans. Ses échanges avec le capitaine Morel, son ancien élève, sont un des moments marquants de ce livre. Que feront-ils, s'ils survivent, après la guerre ? Plus rien ne sera comme avant 1914, l'ancien monde a été englouti pour le meilleur et pour le pire. Les morts ne ressusciteront pas mais tout va changer et le capitaine Morel imagine déjà un monde nouveau et plus juste, où les hommes nés pauvres ne serviront plus de chair à canon, où il n'y aura plus d'injustice sociale et de cloisonnement strict en fonction de la naissance.

Un autre idéaliste nettement plus ambigu, sombre voire machiavélique domine cette série de romans. Son identité est une énigme. Les quatre enfants Reavley, Joseph, Matthew, Judith et Hannah l'ont nommé « le Pacificateur » car il est prêt à tout, même au meurtre, pour obtenir la paix. Il a même fait assassiner John et Alys Reavley, leurs parents. Il souhaitait avant-guerre que l'Angleterre et l'Allemagne signent un traité dans lequel elles se partageraient le monde et qui garantirait à l'Angleterre de récupérer ses anciennes colonies dont les États-Unis.

L'énigmatique et insaisissable « Pacificateur » que Matthew, officier des services secrets, ne cesse de traquer depuis le début, aimerait désormais que des hommes innocents soient fusillés pour l'exemple. Une condamnation cruelle et injuste provoquerait une révolte légitime, sur le modèle de la Russie avec la révolution de Lénine et Trotski qui renverse le gouvernement de Kerenski. Elle mettrait enfin un terme à la guerre.

Mais Joseph, qui désire comme tous les soldats la fin de ce conflit, ne peut accepter que ses amis soient sacrifiés sur l'autel des idées et de l'idéologie. Il est la figure positive de ce roman, la lumière au milieu des ruines. Parviendra-t-il à sauver ces hommes otages de la folie d'autres hommes ? Richard Mason, journaliste proche de Judith, ne croit pas cet exploit possible. Désabusé, il est persuadé que tout sacrifice est vain alors que Judith et Joseph sont prêts à risquer leur vie pour leurs amis accusés de meurtre et d'insubordination. Deux conceptions du monde s'affrontent dans ce récit prenant. J'attends avec impatience de connaître dans le dernier tome l'identité de ce mystérieux « Pacificateur ».
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