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Critique de Thomas_Anne


L'Oasis est le sixième roman de Xavier-Laurent Petit, le premier publié chez l'École des loisirs, dans la collection destinée aux adolescents, Médium en 1997. Roman pour lequel, l'auteur a reçu plusieurs prix, dont le prix du roman historique jeunesse 1998. Xavier-Laurent Petit est un auteur important de l'École des loisirs. Sur ses vingt-sept romans, onze ont été publiés dans la collection Médium. Dans ce livre apparaissent des thèmes – la guerre, le terrorisme,… – ainsi qu'un choix narratif – l'histoire vu à travers les yeux d'un enfant – qui deviendront récurrent dans le travail de l'auteur.

L'histoire se déroule en Algérie dans les années 90, aux prémices de la guerre civile (la décennie noire), où les groupes terroristes islamistes entament une série de manifestations et d'attentats. Au milieu de cet environnement hostile, nous suivons le quotidien d'Elmir (narrateur), jeune collégien, et de ses amis Ismène et Naïa. Leur âge n'est pas mentionné, mais certains éléments nous indiquent qu'ils viennent de rentrer au collège, ils ont donc probablement douze ans. Ismène habite dans la haute ville, le quartier pauvre. Il est fils d'une famille nombreuse et peu éduqué. Tandis qu'Elmir est fils unique et habite le quartier de la Source, comme Naïa. Les trois comparses mènent une vie normale, dans l'âge de l'insouciance. Ils rendent visite à la vieille Nourrédia qui les accueille en bougonnant et les sermonnant, mais qui ne peut s'empêcher de les gâter de beignets. Eux, lui sont restés fidèles. Ils ne sont pas allés au nouveau café occidental qui a ouvert en face du collège. Tout semble se passer pour le mieux, mais en quelques pages à peine, la tension monte. Elmir et Naïa, rentrant chez eux, se retrouve au milieu d'une inquiétante manifestation.

L'histoire oscille tout le long du livre entre ces moments d'insouciances de la vie du petit Elmir, et ces rappels brutaux à une terrible réalité. Celle de la guerre et du terrorisme. Comme l'agression d'un monde totalement étranger à ce qu'il connaissait jusque ici. À chaque fois, Elmir glisse dans cet environnement dont il ne voudrait pas être concerné. Lui qui voudrait simplement rester ami avec Ismène et écouter Mickaël Jackson, que sa mère puisse continuer à faire la lecture dans la haute ville, que son père puisse travailler sans être menacer de mort, que la fille du prof d'histoire ne soit pas victime d'attentat, que Naïa ne soit pas obligée de partir…
X-L Petit montre comment les affaires politiques et religieuses des adultes viennent briser l'innocence de la jeunesse, de leurs propres enfants. Il montre l'horreur de la guerre civile, par le prisme de l'enfance, ce qui la rend d'autant plus injuste et déraisonnée.
Dans ce roman, il est aussi question de liberté, enfin surtout de libertés bafouées : celle de la presse – qui est la cible répétée des terroristes, puis du gouvernement ; celle de penser – on oblige les jeunes à choisir leur camp ; celle de rester vivre dans son pays – la fuite de Naïa et de ses parents en France ; etc.
L'autre grand thème du livre, il me semble, est la fidélité. Ou plutôt les fidélités, et comment chacune d'elles peuvent rentrer en conflits avec les autres. La fidélité d'un ami, et d'un amour : que ce soit Elmir qui se préoccupe malgré tout d'Ismène, la fidélité des enfants envers Nourrédia, ou l'amour d'Elmir pour Naïa. La fidélité envers la famille : les enfants sont fidèles aux idées des parents, à leur conditions, quitte à défendre l'indéfendable (Ismène et son frère Larrid). La fidélité aux idées et aux valeurs : le père d'Elmir restera journaliste coûte que coûte, malgré les menaces de mort ; la mère d'Elmir restera fidèle à ses livres, jusqu'à en perdre la raison ; les « combattants de l'ombre » sont fidèles à leur engagement, quitte à commettre des attentats…

L'auteur a le bon goût de ne pas user d'un langage de la jeunesse qui pourrait apparaître comme caricatural, et culturellement daté. Pas d'expressions « à la mode », de vocabulaire trop spécifique. le style reste relativement sobre, et plutôt efficace puisque l'on passe d'une ambiance à une autre étant pris par les mêmes angoisses qu'Elmir. le point de vue du garçon est bien retransmit, et l'on comprend parfaitement ses doutes, ses peurs,… L'auteur a l'intelligence d'équilibrer son récit entre une distance historique sur les événements, que le garçon subit totalement, et une intimité qui permet au lecteur de s'identifier s'en trop de difficultés au jeune collégien. Il y a une forme de pudeur dans le style (pas d'excès de bons sentiments), qui procède presque par touches – un peu d'humour distillé ici et là, un peu de tendresse, de suspens,… Au sein d'une grande fresque historique. L'écrivain évite un manichéisme trop évident et facile sur ce genre de sujet. Si l'on ne peut excuser les terroristes et leurs actes meurtriers, on peut comprendre, par exemple, la fidélité d'Ismène à sa famille, ainsi que la colère d'une partie de la population (plutôt pauvre), qui l'a poussée vers l'extrémisme et la haine. le gouvernement n'étant pas présenter comme exempt de tout reproche.

Pour toutes ces raisons, le livre réussit le pari de parler de sujets importants et graves aux adolescents (et pré-adolescents), en les plongeant au coeur des événements. En les amenant à réfléchir, à prendre position sur l'actualité et à commencer à développer un regard critique sur le monde et ses évènements. Ce qui est l'objectif de la collection Médium dans laquelle s'inscrit pleinement cet ouvrage.







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