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Critique de Osmanthe


Dans la foulée de l'anthologie de la poésie japonaise classique, j'ai eu l'occasion de faire un focus sur la période Heian (794-1185), qui a vu naître de grandes poétesses, avec ce remarquable ouvrage, un de plus, édité par Philippe Picquier, Songe d'une nuit de printemps.

Et ce sont bien ces nobles dames de Cour qui livrent ici leurs sentiments, souvent en réponse à des billets de leurs prétendants, de leurs compagnons, qui se languissent d'elles ou les quittent, les trompent. On les devine dans leurs lourds kimonos aux larges manches, souvent citées, pour enfouir quelques larmes. Car on pleure beaucoup, on s'ennuie et on rêve, aussi. Les mots sont une arme de séduction massive, ils sont savamment travaillés pour exprimer, parfois de manière sibylline sous le poids des codes, la peine, ou le désir. L'écriture devient une occupation artistique, et le vecteur incontournable de l'expression amoureuse, car « Il n'est à la Cour de Heian de rapport amoureux qui ne commence par un poème. »

L'ouvrage est d'une lecture très agréable. Après un avertissement préalable qui n'est autre qu'une passionnante introduction au contexte historique et sociétal de l'époque, il retranscrit parfaitement ce jeu de l'amour, le soupirant et la dame se répondant comme de redoutables pongistes par versets interposés, des waka encore très inspirés de la poésie chinoise, l'auteur commentant tout le cérémonial, la symbolique, et décryptant le contexte de l'échange.

Le lecteur, au-delà de se délecter de ces poèmes, apprend beaucoup sur les us et coutumes de cette haute société médiévale nippone, par exemple « Tracer un waka de sa main, sur un papier soigneusement choisi selon la circonstance, souvent plié autour d'un rameau de saison, était la meilleure manière de gagner les faveurs d'une femme, ou même d'obtenir une promotion, si la femme en question faisait partie de l'entourage d'un personnage influent. Il s'agissait pour le galant d'avoir le goût littéraire sûr, l'allusion fine et la répartie affûtée, mais aussi une belle main, c'est-à-dire une écriture capable de séduire au premier regard. Aussi n'était-il pas rare de voir des soupirants demander à une personne plus douée qu'eux d'exercer ses talents dans cet indispensable et redoutable travail d'approche. »

Une calligraphie en nuances de gris ouvre chaque chapitre, d'une de ces Dames, qui fait largement honneur à l'ampleur de son kimono, à la fois lourd de multiples couches de tissu et miraculeusement léger tant il semble voler dans le vent.

Les artistes féminines sont multiples. Si beaucoup ne sont pas connues, mais néanmoins talentueuses, on reconnaît le génie des grandes poétesses de l'époque comme Murasaki Shikibu et autre Ono no Komachi.
Encore une belle promotion de la littérature japonaise, bien mise en valeur par cet ouvrage paru en 1998.
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