AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colimasson


L'époque à laquelle vécurent Socrate et Platon n'est peut-être pas si différente que ça de la nôtre. Déjà, Socrate se plaignait de la dégradation des moeurs, « tant est grande l'absence d'éducation et de culture où nous en sommes venus ! » Déjà, Socrate souffrait de l'incompréhension de ses pairs. Déjà, la politique se révélait dans ses formes les plus médiocres, asservie à la volonté de puissance des hommes les plus forts, vendue comme pitance de réconfort au peuple qu'il s'agissait de flatter. Cet aspect est encore parfaitement compréhensible pour le lecteur moderne qui comprendra la virulence avec laquelle Socrate combat la rhétorique considérée comme une partie de la flatterie –et si la flatterie fait parfois plaisir, elle n'est pas forcément bonne.


La partie de l'argumentation la plus difficile à saisir pour nos conceptions modernes sera peut-être celle qui consiste à faire comprendre que la flatterie, si elle fait parfois plaisir, n'est pas bonne en soi. Socrate part du principe que le seul bien est la justice, et que ce seul bien est aussi le bon et l'utile. Puisque la flatterie est agréable, ne peut-on pas dire qu'elle est également bonne ? Non, car l'agréable peut naître du mal, alors que le bon ne peut jamais naître du mal. Donc, le bon et l'agréable seraient incompatibles. L'articulation logique semble très claire mais le lecteur moderne doit faire un effort de contextualisation pour comprendre le sens de telles valeurs dans la société grecque antique. Celles-ci n'ont pas une portée immanente qui réduirait leur signification à la sphère des affaires humaines : elles ont aussi une portée transcendante, ainsi qu'elles le sous-entendent lorsque Socrate affirme qu'il est meilleur d'être puni injustement que de punir injustement :


« SOCRATE : L'homme qui se trouve puni subit donc quelque chose de bon.
POLOS : Il semble bien.
SOCRATE : La punition est donc quelque chose qui lui est utile. »


Visiblement, il n'est pas utile à un individu d'être puni pour mieux vivre parmi ses semblables, puisque des hommes déraisonnables peuvent être portés à la gloire et puisqu'il est possible de se disculper lors de procès (et c'est ici que la rhétorique se montre particulièrement venimeuse, lorsqu'elle prétend pouvoir rendre la justice). En revanche, c'est en raison de sa relation avec le divin qu'il lui est bon d'être puni :


« SOCRATE : […] Car personne n'a peur de la mort, si on la prend pour ce qu'elle est, ou alors il faut être incapable de faire le moindre raisonnement et ne pas être vraiment un homme –non, ce qui fait peur, c'est l'idée de n'avoir pas été juste. En effet, si l'âme arrive aux portes de l'Hadès, toute remplie d'injustices, elle se trouvera dans la pire des conditions et souffrira les maux les plus douloureux. »


Socrate critique donc un mauvais emploi de la rhétorique comme outil de flatterie sans aucun rapport avec la justice. Face au constat déplorable qu'il dresse de la situation politique, il lui propose une réforme philosophique. La philosophie est ici conçue non seulement comme discipline mais comme art de vie et fondement des valeurs morales. A terme, elle conduit sur une manière d'être et de penser dont les effets s'étendent au quotidien des hommes comme à l'éternel des dieux.


Si on ne cherche pas à résoudre l'aporie suivante : quelle est la connaissance apte à fonder l'action morale ? il faut reconnaître que l'argumentation du Gorgias est exigeante mais brillante. La pureté reposante du langage prend la forme d'une proposition politique qui calmerait à elle seule déjà bien des maux.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          233



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}