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Critique de colka


colka
04 novembre 2019
N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani a été pour moi un moment fort de lecture avec son cocktail d'émotions, de poésie et d'indignation devant le tragique sort réservé aux tziganes français à partir de 1940. C'est donc avec confiance que j'ai abordé la lecture de : Venus d'ailleurs .
Mais le bel enthousiasme éprouvé à la lecture du premier n'a pas été au rendez-vous car très vite j'ai senti que je ne serais pas sous l'emprise de la mystérieuse alchimie qui s'opère dans les bons romans.
Ce dernier répond pourtant aux mêmes principes : de courts chapitres qui racontent la terrible odyssée d'un frère et d'une soeur, Mirko et Simona, obligés de fuir leur Kosovo natal à feu et à sang pour se retrouver sur les chemins de l'exil comme des milliers de Kosovars qui, en 1999, ont dû fuir la guerre .
La qualité de l'écriture est toujours là : art de croquer un portrait en quelques traits, de suggérer une ambiance de rue vivante, colorée, odorante ou bien feutrée et irréelle sous le poids de la neige et de la nuit. Paola Pigani a un oeil de peintre et la plume poétique. Mais une succession de scènes bien vues ne suffit pas à faire un bon roman et entraîner la lectrice ou le lecteur dans son sillage. Et c'est vrai que je n'ai pas suivi pas à pas Mirko et sa soeur dans leur parcours du combattant pour obtenir le droit de vivre sur le sol français, à Lyon plus particulièrement, ville choisie par Mirko parce "qu'avec deux fleuves et deux gares, cette ville pouvait bien ressembler à un port."
Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Je pense que c'est d'abord dû au fait qu'il n'existe pas la tension créée par un fil narratif bien tissé : trop de scènes répétitives -visites au libraire de la Croix-Rousse- ou presque digressives comme celles qui ont pour cadre le milieu des taggers. Trop de scènes convenues aussi : celle ou une vilaine "mèmère à chienchien" xénophobe humilie Mirko publiquement ou bien celle où il se fait massacrer par un groupe de skins.
Quant aux deux héros de cette histoire Mirko et Simona, j'ai trouvé qu'ils manquaient d'étoffe, de complexité, surtout Simona dans sa rage d'intégration dépeinte, me semble-t-il, de façon un peu caricaturale.
Je me suis donc demandée si la différence de qualité que j'ai perçu entre ces deux romans ne venaient pas d'un problème de mise à distance de la réalité pour le deuxième. J'ai senti Paola Pigani tiraillée entre d'une part la volonté de rendre compte au plus près de la tragédie des migrants et d'autre part la nécessité de s'approprier en tant que romancière le parcours de deux d'entre eux en suivant les règles de l'univers fictionnel qui obéit à d'autres critères que ceux du simple témoignage.
Et ce n'est pas la première fois que je constate que, de façon paradoxale, l'univers fictionnel lorsqu'il fonctionne bien par la force et la densité des récits qu'il propose est beaucoup plus efficace dans l'effet qu'il produit sur le lecteur que le simple témoignage. C'est ce que j'ai ressenti dans N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures et pas dans ce roman.
Mauvaise pioche pour moi ce qui ne veut pas dire que d'autres lectrices ou lecteurs éprouveront les mêmes ressentis...
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