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EAN : 9782867467851
208 pages
Liana Lévi (27/08/2015)
3.52/5   98 notes
Résumé :
En 1999, Mirko et sa soeur Simona, des Albanais du Kosovo fuient leur pays déchiré par la guerre. Après avoir passé quelque temps en Italie puis dans un centre de transit de Haute-Loire, ils décident de s'installer à Lyon. Simona trouve rapidement du travail, apprend le français et noue des amitiés tandis que Mirko vit dans la nostalgie de son pays. Une nuit, il rencontre Agathe.
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
3,52

sur 98 notes
Ils s'appellent Mirko et Simona. Leur passé les rejoint parfois, au coeur de la nuit, envahis par des scènes de violence, celles-là même qui les a contraint à partir, partir d'une région où l'on ne cherche plus à vivre mais à survivre, avec la peur permanente accrochée aux tripes. L'Italie, puis la France. Lyon. Dans une précarité totale : logements provisoires, travail épisodique, lutte pour comprendre et se faire comprendre, incertitudes… Si Simona joue le jeu de l'intégration, luttant jour après jour pour effacer l'identité révélée dans une prononciation approximative, Mirko exorcise ses fantômes sur des terrains vagues, armé de couleurs et signifiant son existence dans un paraphe revendiqué.

C'est avec une grande délicatesse et un art de sublimer l'infortune que Paola Pigani nous fait partager le quotidien de ces deux immigrés kosovars, qui pourraient être originaires de biens d‘autres contrées mises à feu et à sang, condamnant leur peuple à fuir pour ne plus jamais se sentir chez soi.
Perte des illusions, patience infinie et peut-être vaine, ou trait sur l'histoire, chacun lutte avec ses ressources.

L'auteur épingle aussi le mépris et l'amalgame, l'inconstance de la compassion qui varie avec l'accoutumance, les absurdités d'un système empirique, qui subit ce qui était prévisible depuis longtemps et qu'aucun nationalisme ne pourra ignorer.

La plume est subtile, tout en nuance, et aborde ce sujet délicat avec pudeur mais détermination.

Une belle découverte
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani a été pour moi un moment fort de lecture avec son cocktail d'émotions, de poésie et d'indignation devant le tragique sort réservé aux tziganes français à partir de 1940. C'est donc avec confiance que j'ai abordé la lecture de : Venus d'ailleurs .
Mais le bel enthousiasme éprouvé à la lecture du premier n'a pas été au rendez-vous car très vite j'ai senti que je ne serais pas sous l'emprise de la mystérieuse alchimie qui s'opère dans les bons romans.
Ce dernier répond pourtant aux mêmes principes : de courts chapitres qui racontent la terrible odyssée d'un frère et d'une soeur, Mirko et Simona, obligés de fuir leur Kosovo natal à feu et à sang pour se retrouver sur les chemins de l'exil comme des milliers de Kosovars qui, en 1999, ont dû fuir la guerre .
La qualité de l'écriture est toujours là : art de croquer un portrait en quelques traits, de suggérer une ambiance de rue vivante, colorée, odorante ou bien feutrée et irréelle sous le poids de la neige et de la nuit. Paola Pigani a un oeil de peintre et la plume poétique. Mais une succession de scènes bien vues ne suffit pas à faire un bon roman et entraîner la lectrice ou le lecteur dans son sillage. Et c'est vrai que je n'ai pas suivi pas à pas Mirko et sa soeur dans leur parcours du combattant pour obtenir le droit de vivre sur le sol français, à Lyon plus particulièrement, ville choisie par Mirko parce "qu'avec deux fleuves et deux gares, cette ville pouvait bien ressembler à un port."
Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Je pense que c'est d'abord dû au fait qu'il n'existe pas la tension créée par un fil narratif bien tissé : trop de scènes répétitives -visites au libraire de la Croix-Rousse- ou presque digressives comme celles qui ont pour cadre le milieu des taggers. Trop de scènes convenues aussi : celle ou une vilaine "mèmère à chienchien" xénophobe humilie Mirko publiquement ou bien celle où il se fait massacrer par un groupe de skins.
Quant aux deux héros de cette histoire Mirko et Simona, j'ai trouvé qu'ils manquaient d'étoffe, de complexité, surtout Simona dans sa rage d'intégration dépeinte, me semble-t-il, de façon un peu caricaturale.
Je me suis donc demandée si la différence de qualité que j'ai perçu entre ces deux romans ne venaient pas d'un problème de mise à distance de la réalité pour le deuxième. J'ai senti Paola Pigani tiraillée entre d'une part la volonté de rendre compte au plus près de la tragédie des migrants et d'autre part la nécessité de s'approprier en tant que romancière le parcours de deux d'entre eux en suivant les règles de l'univers fictionnel qui obéit à d'autres critères que ceux du simple témoignage.
Et ce n'est pas la première fois que je constate que, de façon paradoxale, l'univers fictionnel lorsqu'il fonctionne bien par la force et la densité des récits qu'il propose est beaucoup plus efficace dans l'effet qu'il produit sur le lecteur que le simple témoignage. C'est ce que j'ai ressenti dans N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures et pas dans ce roman.
Mauvaise pioche pour moi ce qui ne veut pas dire que d'autres lectrices ou lecteurs éprouveront les mêmes ressentis...
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En 2001, comme plusieurs kosovars fuyant la guerre, un frère et une soeur arrivent en France, à Lyon plus précisément ; c'est leur parcours que nous retrace l'autrice. Chacun des deux a une volonté différente, leur avenir l'est aussi : l'une souhaite ardemment s'intégrer à la société française ,
J'ai beaucoup apprécié les descriptions poétiques de l'hiver lyonnais, j'ai parcouru avec les protagonistes de l'histoire les rues et les quartiers que je connais bien, j'ai compris sans regarder le lexique un des seul mot albanais que je sais.
Hélas, la situation est bien différente maintenant, près de vingt ans après et il n'est plus guère question de droit d'asile et d'accueil décent pour ces migrants venus de l'Est !
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"On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments." Rarement cette phrase de Gide n'a été aussi vraie, car peu de livres ont suscité chez moi autant d'agacement et d'irritation. Il m'a même carrément horripilée.

J'attendais beaucoup de ce sujet prometteur et actuel, mettant au centre d'un roman un frère et une soeur kosovars, migrants et désireux de s'intégrer en France, mais condamnés à des boulots alimentaires à Lyon, après un passage par toutes les administrations et associations qui gèrent l'accueil des demandeurs d'asile.

Hélas, je n'ai trouvé dans ce livre, par aileurs bien écrit, qu'une vision misérabiliste, pleurnicharde, et surtout fausse à tous points de vue, tant sur le plan factuel que sur le plan psychologique, des problèmes des migrants.

De quel droit porter un tel jugement ? Eh bien, française de père étranger, je me trouve enseigner le FLE depuis fort longtemps, plusieurs heures par semaine, à des étrangers de toutes origines et nationalités, migrants ou non.

Je ne retrouve leur volonté de construire une nouvelle vie que dans le personnage de Simona. Tous veulent tourner une page et des traumatismes dont ils ne sont pas près de parler au premier venu, comme Mirko. Même si certains dépriment devant les obstacles que dresse la société francaise face à leur désir d'intégration, ils sont là pour réussir et ils s'en donnent les moyens. Et d'abord il faut survivre, puis simplement vivre et il y a d'autres urgences que celle que de se complaire dans une mélancolie négativiste.
A propos de l'enseignement du français ou FLE, tout est faux. Tous les autres détails sonnent irrémédiablement faux, la liste en serait trop longue.

Le parti-pris poétique, esthétisant, mélancolico-nostalgique, la vision systématiquement négative participent d'une sorte d'imposture. On pourrait faire une recension des termes à connotations négatives du roman, cela serait interminable et en montrerait bien la dimension caricaturale.
Il ne suffit pas de de montrer un pauvre migrant de façon geignarde et misérabiliste, d'ajouter un zeste de sexe et de violence raciste pour avoir traité le sujet. Il faudrait d'abord le connaitre et se refuser à la facilité d'imaginer une psychologie dont l'auteur semble tout ignorer. Que dit-elle de la discrimination ? D'une xénophobie qui ne se limite pas à des agressions violentes mais se traduit par une indifférence méprisante ou hostile ?

"Se pencher" sur un problème humain et social n'a jamais été une entreprise salutaire, mais c'est ici une exploitation de l'actualité à des fins pseudo-littéraires dérisoires.
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Beau roman d'une grande sensibilité, magnifiquement écrit, qui amène le lecteur à partager le quotidien de deux demandeurs d'asile kosovars, Mirko et sa soeur Simona, leur histoire passée et leurs espoirs présents.

Sans en rajouter, à petites touches, Paola Pagani décrit par bribes l'horreur d'un conflit, la fuite à l'étranger comme seule solution à une spirale de violence, l'arrivée dans un pays étranger où tout est inconnu, angoisse et incompréhension, à commencer par la langue.

La langue, c'est ce qui soutient Simona, qui se projette dans son désir d'intégration. Elle se veut comme les autres et pour se faire apprend la langue française, mot par mot, avec la complicité taquine d'Ousman, le vigile du magasin qui l'emploie.

Mirko, de chantiers en chantiers, côtoie la communauté bigarrée des travailleurs étrangers. Ses pauses, ses déplacements, sont autant de moments où son esprit erre encore là bas, au Kosovo. Plus âgé que Simona, il ressort plus marqué de ce qu'il a vécu.

Par moments, dans sa nouvelle vie à Lyon, il retrouve un groupe informel de tagueurs. Un univers d'où vient Agathe, désormais passée à peinture, et qui commence à exposer lorsqu'elle croise Mirko. De non dits en regards croisés, Agathe et Mirko se rapprochent. Mirko se laisse aller avec elle à verbaliser ce qu'il a vécu et subi.

Ce beau roman a le grand mérite de ramener ces « venus d'ailleurs » à leur quotidien, au plus prés, sans esbroufe. Bien au delà des statistiques et des chiffres.

Au passage, la ballade dans Lyon, vue au niveau de la rue et des quartiers si différents, recrée bien les ambiances de la ville, pour qui la connaît un peu.

La fin du livre perd un peu de la magie que les mots avaient su créer, mais qu'importe ; ce court roman mérite une plus large diffusion.
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Il s'étonne de ces agencements à l'occidentale, préfère le baroque des cimetières de son pays où Turcs, Albanais, Serbes se côtoient dans un désordre séculaire. C'est le premier et le dernier cimetière qu'il découvre en France. Pourquoi est-il désert ? Là-bas, dans son pays, la rue se poursuit entre les tombes, chiens, chats, enfants et vieilles dames avec leurs seaux, leurs fleurs. On s' y assoit, on y mange. Il y a du bruit, des pleurs, des cris. Ici, ce n'est qu'un monde minéral qui l'enserre.
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Avait commencé pour eux une longue représentation théâtrale. Il fallait jouer le rôle unique des demandeurs d'asile. Ne pas essayer d'en faire plus. Entrer dans la peau des requérants. S'armer de patience et acquérir tous les codes. Apprendre à répondre aux questions et à prononcer des chiffres, donner des dates. Naissance, arrivée sur le sol français. Mort du père, exode. Nombre de frères et soeurs. Nombre de jours, de mois passés avant la frontière. Après la frontière. Nombre de kilomètres. Nombre de vaccins à recevoir, de papiers à fournir. Nombre de jours d'accueil possibles, nombre de jours à ne pas dépasser avant d'envoyer le dossier de demande d'asile à l'OFPRA, nombre de semaines à attendre la réponse. Le probable, l'improbable, et en attendant, vivre. Au milieu d'hommes, de femmes et d'enfants venus du monde entier. Rwanda, Mali, Turquie, Sri-Lanka, Chine, République du Congo. Arrivés jusqu'ici le plus souvent par miracle. Sur une île boisée entourée d'une France inconnue.
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Simona garde les mots en bouche comme des bonbons. Elle en suce le silence jusqu'à ce que son cerveau veuille bien associer les images aux sons., aux lettres, et restituer une partie de leur corps. Elle roule sa voix sur cette nouvelle langue. Elle l'aime. Elle la crache. Elle la chante avec toute la hargne qui l'habite. C'est une histoire tendre et nerveuse qui lui coûte du temps.
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Il la regarde penchée comme sur l'eau d'une rivière. La fatigue le berce tout autant que les gestes qu'il découvre. Elle prend sa matière première, du gris-brun dans une écuelle de gouache. Elle peint avec la tranche de la main. Un balayage doux et sombre sur des reliefs bleus. Lui reste suspendu au mouvement de son bras, aux couleurs qui se rencontrent. C'est trouble. Plus encore l'expression de son visage, un rien douloureuse. Ses cheveux tombent sur ses joues, elle pince ses lèvres. Une fossette qu'il ne lui connaissait pas apparaît. Un CD tourne dans le lecteur. Une musique indienne qu'il a jamais entendu.

Le balancier du corps d'Agathe est régulier entre ses couleurs, son matériel et la grande toile. Mirko voit les marques du châssis sur ses genoux, deux traits rouges sur sa peau blanche. Elle n'a sur elle qu'un vieux sarrau noué par deux attaches en haut du dos. À chaque mouvement, le tablier se fend, laisse voir un peu de sa peau nue. Il touche un à un les petits cailloux de ses vertèbres, en partant du bas de ses reins. Ses doigts remontent lentement toute la colonne vertébrale. Lorsqu'ils atteignent enfin sa nuque, Agathe a cessé de peindre. Dans un mot, il égrène son approche, gravit ce dos offert jusqu'au noeud osseux des cervicales où la peau est tendue et tiède sous la masse de cheveux. Un parfum de savon et d'orgeat. L'odeur de sa peau se révèle à lui alors qu'il ne voit pas ses yeux, sa bouche, alors qu'il est à présent tout contre son corps sans visage.
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– Tu veux repartir, c’est ça ?
Pour tout aveu, il l’enlace un court instant.
Agathe frissonne, gagnée par la désolation des lieux. Tout est si flasque, ici. Plus rien ne ferme rien. Pas même les bras de Mirko autour d’elle.
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Videos de Paola Pigani (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paola Pigani
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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