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Critique de horline


Cible nocturne fait partie de ces livres qui se cabrent à la compréhension immédiate du lecteur. Pas de trame linéaire et simpliste. Ce roman audacieux et mystérieux dépasse la fiction policière en invitant le lecteur à faire un effort de concentration et de réflexion car si d'ordinaire « les romans policiers résolvent avec élégance ou avec brutalité les crimes pour rassurer les lecteurs », il n'y a pas de cloison rassurante dans l'oeuvre de Ricardo Piglia. « Tout le monde est suspect, tout le monde se sent poursuivi », « personne ne comprend ce qui arrive ; les pistes et les témoignages sont contradictoires et laissent flotter dans l'air les soupçons, comme s'ils changeaient au gré de chaque interprétation ».
De manière surprenante, l'auteur a enfoui l'intrigue dans deux histoires, avec deux logiques narratives différentes. L'enquête policière menée et racontée par un commissaire iconoclaste issu de la vieille école en conflit avec sa hiérarchie. le combat d'un jeune idéaliste en conflit avec sa puissante famille et à la tête d'une usine en faillite convoitée par des investisseurs. Et au milieu un meurtre.
Ces deux histoires, portées par un commissaire guidé par une certaine perception intime qui échappe à la conscience et par un journaliste témoin de la vie de Luca Belladona faite de la matière de ses rêves, s'entrecroisent sans cesse brouillant la vérité. Elles laissent plus d'énigmes en suspens qu'elles n'en résolvent. Il est difficile de fixer une version des faits et des personnages.
Le paysage n'est certainement pas étranger à cette construction. Piglia offre une vision panoramique de la province de Buenos Aires où la pampa tisse une immense plénitude favorable aux chimères même si celles-ci se heurtent aux collines, de sorte que lorsque le rêve devient réalité, il se révèle insupportable.


Trame complexe, écriture tour à tour rythmée, dynamique et grave, ces deux histoires sont pourtant reliées par les maux qui agitent l'Argentine des années soixante-dix : corruption, trafic de devises, rancoeurs familiales, combines locales, la rumeur du retour de Perón…
L'auteur n'est pas tendre avec la société argentine cernée par les spéculateurs étrangers, présentée comme cloisonnée, hostile, pleine d'orgueil et de conviction absolue au sein d'une ville oubliée qui se partage entre propriétaires terriens influents et péons.
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