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Citations sur L'honneur d'être un homme (15)

Un fracas de coups de feu.On fusille Alexéi Ivanovitch Mourougov et ses camarades. On les fusille en plein air, sous un ciel radieux, le 21 juin 1943. Ils ne sont qu'à une cinquantaine de mètres de nous, qui sommes massés dans la baraque.Ils tombent morts, Alexéi Ivanovitch Mourougov et ses dix camarades, nos camarades, Juifs, prisonniers de guerre soviétiques.
Nous sommes là près de soixante-dix , le visage blême, presque pétrifié, agité d'un imperceptible tremblement. Le silence.....
Mais il n'est qu'à l'extérieur, tandis qu'en nous les coups de feu se prolongent comme un écho. Les fracas des coups de feu.Nos camarades sont morts....
Nous sommes en Autriche, au camp de concentration de Mauthausen. Lorsqu'il y a quatre jours , deux gardes m'ont conduit au wagon qu'ils appelaient le wagon des condamnés, et que j'ai dit aux autres qu'on nous emmenait au massacre, personne ne m'a cru.
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Le lendemain matin nous, les arrivants, sommes alignés devant la baraque.Le chef de la police reparaît en compagnie de plusieurs policiers et du sous-officier à moustache noire.Nossov commande; 《 Fixe! 》 Le chef de la police fait un pas en avant.
- - Messieurs les officiers! A l'heure qu'il est, vous le savez, l'armée victorieuse de la grande Allemagne poursuit son avance vers l'est.Les jours de Moscou, de Leningrad et d'autres centres soviétiques importants sont comptés. Mais Bolcheviks et Juifs continuent à résister.Dans cette situation, le devoir de tout patriote russe est de songer à dispenser la Russie d'une effusion de sang inutile. Un nouveau mouvement prend naissance parmi les larges couches de nos prisonniers de guerre.Nous offrons à tous les prisonniers loyaux de s ' engager dans l'armée russe de libération. ..Qui d'entre vous est volontaire?
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Je partis au front comme engagé volontaire.
Le 14 décembre 1941, par une matinée claire et froide, je vins frapper à la porte de l'isba où logeaient le commandant et le commissaire d'une unité venue de l'oral et cantonnée momentanément dans un grand village de la région de Vologda.
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Épilogue
.....Une brise fraîche souffle sur notre terre.Elle dissipe les relents de la méfiance, de l'injustice. Elle balaye les déchets, les encombrements funestes de notre chemin , elle éclaircit l'horizon et rend bien visible le monde qui se nomme communisme.
Je crois entendre grincer secoué par le vent, un bout de ronce à l'emplacement de la colonie《postale》.Je Crois voir se cacher ,cramponnés aux souches , ceux que ce vent contrarie. Nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle, d'un monde nouveau, sans guerres de rapine ni camps de concentration.
J'ai parfois l'impression de vivre une septième vie.Une vie qui me paraît ne jamais devoir finir. C'est vrai, dans le fond , qu'elle ne finira pas:derrière ce mur, dans la chambre d'à côté, mes enfants dorment d'un paisible sommeil; et là, sur ces rayonnages, s' alignent mes livres; dehors un vaste pays repose dans la nuit, le pays que j'aime de tout mon coeur: MA PATRIE.
1961-1963.
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Le Mausolée de Lénine m'avait paru énorme et de couleur sombre, alors qu'il n'a rien d ' écrasant et que sa teinte est d'un rouge chaud tirant sur le mauve.La cathédrale de Basile-le-Bienheureux est également autre que je ne l'avais supposé:moins grande, multicolore, et puis ce n'est pas une cathédrale, c'est une énigme, le conte du tsar Saltan matérialisé. La place est moins large, la muraille crénelée moins haute, mais c'est tout de même de la féerie , la merveille des merveilles! ....
C'est pourtant moins la beauté qui me rend muet que la conscience d'être vivant et libre, moi, ancien prisonnier rescapé du camp de la mort de Mauthausen, et de me trouver sur la place Rouge, face au symbole de ce qui incitait mes camarades à braver la mort, la main du bourreau, les périls de l'attaque suprême.
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Après l'appel et la distribution de soupe, tout le monde afflue vers les barbelés qui séparent notre Block du camp commun. Chacun de nous a des amis étrangers qui habitent les blocs 《 libres》.Ils ne se font pas attendre.
Le premier à se montrer est , comme toujours , un homme ridé, un peu contrefait, aux yeux c lignes. Son matricule est à trois chiffres:c'est l'un des plus anciens détenus de Mauthausen. .......
C'est Joseph Kohl, surnommé le père , un communiste autrichien. Il est en bons termes avec nous tous , mais ne donne à manger qu'aux plus faibles.Il distribue des tranches de pain, des rutabagas crus, et trouve en outre des paroles aussi simples que réconfortantes. Il dit en russe 《 Droujba》 ( amitié) et joint les mains , les doigts entrelacés: cela signifie que tous les détenus de Mauthausen doivent être unis; puis, le sourire aux lèvres , il dit en allemand: 《 Bald nach Hause》 ( on rentrera bientôt chez soi) Il n'en dit pas davantage et se retire après avoir porté deux doigts à la visière de sa casquette bleue , à la Thaelmann. C'est fort, c'est expressif.Et c'est affectueux, Chacune de ses visites réveille en nous l'espoir que nous sommes pas solitaires dans cette hideuse geôle fasciste, que des amis énergiques et fidèles suivent notre lutte....
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Le train roule toute la nuit.Au début nous entendons encore la canonnade et nous conservons l'espoir d'être délivrés. Mais les détonations décroissent, nous ne percevons bientôt plus que le refrain saccadé des roues et parfois le mugissement inquiet de la locomotive.
Nous restons toute la nuit debout.Impossible de s' asseoir, faute de place.Nous sommes si serrés qu'on peut dormir sans risque de tomber.Une puanteur parvient de la porte: c'est la tinette.
J'ai soif.Je suffoque.Les poux me tourmentent.A deux reprises, je me sens mal, je dis adieu à la vie , mais je ressuscite. De braves gens me poussent vers la fenêtre .La tête renversée , je happe les gouttes  d'air frais.
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La nuit, nous attaquons avec les cavaliers.Les Allemands ripostent par une violente mitraillade. Quatre fois de suite nous nous ruons sur la route , et quatre fois nous sommes repoussés.Nous retournons dans la forêt après avoir perdu la moitié de notre effectif et tiré presque toutes nos munitions.
Nous restons tout le jour dans la combe.Le moral est bas.De noires pensées remuent dans ma tête. ...
Que signifie 《 nous ne savons pas nous dégager autrement?》 Nous sommes incapables de sortir de l'encerclement? Peut-être ne suis -je pas le seul à ne rien savoir faire, peut-être sommes -nous mal préparés à des choses aussi désagréables que les nasses ennemies et notre retraite forcée? ....
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--Bien , fait le professeur en se levant--et je le vois sourire, pour de vrai cette fois.Je suis heureux de ne
pas m'être trompé, poursuit il, et de constater le discernement de ceux qui vous ont recommandé.Vous pouvez vous estimer admis.
--Mais j'ai été prisonnier...dis-je tout bas.
--Je comprends, je comprends parfaitement. Mais quelle est , dites moi, la loi qui interdit à un ancien prisonnier l'accès de l'institut de littérature? .... Je suis heureux pour vous .Ce que vous m'avez lu est épatant. Félicitations!
Je sens dans ma main le contact de sa main , assez petite et douce mais qui me serre fortement les doigts. Voilà que mes angoisses et mes doutes refluent. ...Peut-être n'est-ce que pour une minute? Pour un jour? Ou pour une heure? Je ne sais .
EN ATTENDANT , JE TRIOMPHE.
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Ce désir de me confier à Dacha, de même que le besoin croissant , quasi physique, de coucher sur le papier ce qui oppresse mon âme, et surtout la certitude naïve de Léliakine de pouvoir rétablir la justice par les documents et les témoignages qu'il a recueillis tout cela me travaille systématiquement , jusqu'au début d'une matinée de juin où je pose devant moi un gros cahier, sur la première page duquel je trace en grosses lettres , avec un crayon bien affûté:《 Souvenirs de captivité》.
Oui, je suis réveillé et ne veux plus fermer les yeux sur le passé ni sur le présent; je parlerai de ce que j'ai vécu, car mon destin fut celui de centaines de milliers d'autres; que tout le monde sache que les Soviétiques n'ont jamais cessé d'être des Soviétiques entre les murs impénétrables des camps fascistes. Mon but est de dire la vérité au peuple.C'est ainsi que je défendrai les droits humains et civiques de mes camarades et que je me rendrai peut-être même utile au Parti qui ne doit pas --surtout pas! --tolérer la violation de la justice dans notre pays.
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