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Critique de pompimpon


"Regarde ton pied, Kochi !" disait la voix de l'ombre."(…) Allez, Kochi ! contente-toi de vendre tes ignames et oublie les jupons ! Tu trouveras pas une femelle pour goûter ton coco !..."

Léonce, vingt ans en 1932, meurt d'amour pour la belle Myrtha qui passe et repasse devant sa case, un seau sur la tête et balançant son très joli corps, pour aller chercher de l'eau.
Il a tout pour lui, cet homme, un beau visage, un corps bien découplé, il est travailleur et possède son lopin de terre où il cultive les ignames qu'il vend au marché sans difficulté.

Mais, mais, mais, Léonce est né avec un pied-bot, que la vilaine petite voix dans sa tête ne cesse de lui rappeler.

Heureusement, sa manman Ninette veille sur son enfant chéri, et ne le laissera pas dépérir, caché dans le fossé pour voir passer sa belle.

Gisèle Pineau brode l'histoire de Léonce et de Myrtha, mais aussi celle de leurs parents, de leurs enfants et de leur entourage, entre réel et fantaisie, convoquant les ancêtres et leurs fantômes, des revenants qui veillent sur les vivants et des vivants qui jettent des sorts…

Dans une langue pleine d'inventivité et d'images saillantes, elle emmène son petit monde accroché à Haute-Terre et à ses mornes des années 30 aux années 70, leur faisant traverser un temps de deux générations plein de malédictions à empêcher et de grands malheurs à subir.

Traversant les évènements qui les touchent directement, comme le souvenir du cyclone de 1928, le "Tricentenaire de l'arrivée des Français", le blocus britannique pendant la Seconde guerre mondiale, ou de plus loin comme la mort de De Gaulle, les personnages s'aiment et se désaiment, se déchirent sans se comprendre, se frôlent comme des ombres.

Qui est maudit, qui est béni ?
Qui peut échapper à son sort ?

Gisèle Pineau donne surtout la parole aux femmes, gardiennes des traditions comme elles peuvent en être les victimes, pour dérouler ces destins qui viennent d'ailleurs pour s'établir ou s'échouer, c'est selon, au bourg de Haute-Terre, loin de Pointe-à-Pitre.

Les hommes, eux, sont surtout victimes de leurs sens, sans avoir à en payer le prix contrairement à celles qu'ils séduisent et abandonnent enceintes.

Sur tout le roman court cette malédiction des femmes et des hommes qui ne vivent pas la même réalité, n'en subissent pas les mêmes conséquences et peinent à se rencontrer vraiment.
Court surtout comme une autre malédiction, qui poursuivrait Léonce et ses enfants, par ricochet depuis papa Sosthène…

Mêlant les expressions créoles et de belles métaphores, le style de Gisèle Pineau emporte l'imagination vers ce bourg et ses habitants, les cases entourées de leur jardin et les mornes autour.

C'est un plaisir de relire cet ouvrage et de retrouver cette éloquence qui m'avait déjà emballée à la première lecture.
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