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Critique de Kirzy


Kirzy
03 septembre 2021
Rentrée littéraire 2021 #15

Dans cette fresque à la fois artistique, historique et intimiste, Magdalena Platzova fait revivre le bouillonnement de l'Entre-deux-guerres en s'inspirant du destin tragique de Friedl Dicker-Brandeis, artiste autrichienne assassinée à Auschwitz. On suit son double fictionnel, Berta Altmann, entre Vienne, Weimar et Prague, dans un contexte très intense mêlant années folles, crises économiques, montée du nazisme et guerre.

La très belle idée de l'auteure est d'avoir fait le choix de ne pas centrer son récit sur l'épisode le plus connu de la vie de Friedl / Berta, celui qui a occulté sa place dans l'histoire des arts, à savoir sa déportation dans le camp de concentration tchèque de Terezín où elle a perpétué les méthode d'enseignement du Bauhaus auprès des enfants internés. La collection «  dessin d'enfants » exposée au musée juif de Prague est un témoignage exceptionnel, Friedl les ayant cachés dans deux valises du dortoir juste avant d'être déportée à Auschwitz.

Cet « oubli » délibéré permet à Magdalena Platzova de proposer une exploration passionnante de ce qu'a représenté le mouvement avant-gardiste du Bauhaus, école d'architecture, de beaux-arts et d'arts appliqués fondée à Weimar en 1919, qui, imbibé d'idéaux révolutionnaires, ambitionnait de transformer le monde et de bâtir grâce à l'Art une nouvelle société plus juste. C'est au sein du Bauhaus que Berta va grandir et se découvrir.

Et c'est toute la force du roman que de nous plonger en direct dans la psyché de cette femme en quête de soi. Les différents extraits de ses carnets sont superbes pour nous faire comprendre ce qui l'anime ou la tourmente. Berta aspire à se réaliser en tant que femme et en tant qu'artiste, et toute sa vie d'adulte sera celle d'une lutte pour trouver sa voix, pour peindre comme elle le ressent vraiment en dépit d'un entourage qui juge mineure et petite-bourgeoise la peinture figurative, et surtout en dépit d'une tendance à se soumettre à la volonté des hommes qui traversent sa vie.

Si le personnage très inspirant de Berta et toute la reconstitution du contexte historique m'ont emportée, je suis moins convaincue par le procédé narratif choisi. On entre dans le roman par le XXIème siècle et le tournage d'un documentaire sur la vie de Berta. Son amie artiste Kristyna est interviewée et on découvre une octogénaire emplie de culpabilité qui raconte Berta. S'en suit un autre arc narratif autour de Milena, la petite-fille de Kristyna. C'est sur celui-ci que j'ai des réserves. Il permet certes d'introduire une réflexion sur la mémoire de la Shoah mais il m'a semblé artificiel ou du moins il m'a nettement moins intéressé. J'étais complètement happée par Berta et les atermoiements amoureux de Milena me donnaient juste envie de retrouver Berta.
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