Le totalitarisme naît précisément du refus individuel de prendre quelque recul par rapport à soi, c'est la forme de sociabilité qui convient à des hommes qui ont cessé de vouloir, ou de pouvoir réfléchir; à des hommes qui ont cessé d'avoir une conscience; à des hommes qui ont perdu tout ressort moral intérieur. (p.122).
Le pouvoir dans un système totalitaire vient d'en bas, et si la tyrannie existe au sommet, c'est parce qu'elle existe d'abord à la base. (p121).
On comprend que les privilèges de la Nomenklatura sont en réalité seulement la partie émergée de l'iceberg, et que, du haut en bas de l'échelle sociale, tous sont privilégiés car chacun ne cherche qu'à se procurer le privilège, si mesquin soit-il, accessible à son échelon. (p.120).
Le totalitarisme, c'est ainsi le plébéianisme à son zénith, qui culmine dans la terreur parce que la vulgarité ne peut régner sans partage que par la terreur. (p.119).
Le communisme n'est pas la paix, contrairement à ce que les commerçants veulent nous faire croire, mais une guerre formellement pacifique, d'où la rancœur n'est jamais absente. (p.114).
Le totalitarisme n'est peut-être que la forme achevée d'une société où l'homme a perdu la faculté d'être l'ami de l'homme. (p.108).
La notion d'ennemi objectif est bien en vérité la clé de voûte d'un système totalitaire. Mais le nazisme n'eut qu'un concept en quelque sorte restreint de l'inimitié objective: il fallut le communisme pour en formuler un concept généralisé. (p.98).
En développant à l’extrême le sentiment en chacun de la précarité de sa situation, le communisme a développé en chacun un conservatisme lui aussi extrême, dont bénéficie l'idéologie. (p.94).
Il se tapissait au fond de l'hitlérisme un monstre plus redoutable encore que ce que les images reçues permettent d'y voir et qui n'est autre chose que la forme achevée du totalitarisme, la haine de tous pour tous. (p.78).
Le vrai totalitarisme commence lorsque l'individu devient indiscernable du tout, et d'abord de celui qui est censé en incarner l'unité. (p.68).