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Critique de michfred


Qui pourrait, quatre heures durant, non seulement assister aux débats d'une assemblée constituante sans décrocher, mais surtout y assister avec passion, avec les joues roses d'excitation et le coeur qui bat, et y assister avec raison, avec le sentiment de devenir plus clairvoyant et plus vif, à chaque minute ?

C'est exactement ce que j'ai éprouvé à la représentation de Ça ira (1) fin de Louis, ce que j'ai ressenti devant cette leçon d'histoire en actes et en paroles , cette vaste fresque mythique de notre révolution française, inspirée par les comptes- rendus des réunions de l'hôtel de ville, des assemblées de quartier et bien sûr de l'Assemblée du Tiers Etat à Versailles -mais réactualisée par des costumes contemporains, la présence de femmes députées et une absence volontaire de marqueurs historiques – à part Louis, aucun personnage ne porte son nom historique.

J'ai vu l'Histoire en marche, mais je n'ai pas vu une énième pièce historique sur la Révolution. J'ai assisté, sur mon petit fauteuil rouge, aux Amandiers de Nanterre, à l'éclosion délicate et difficile, souvent tumultueuse, de la démocratie.

Pas une reconstitution historique, mais la reconstruction d'un processus, d'une dynamique.

Privé de ses repères de cours d'histoire –ah, tiens, ça c'est Danton, celui-là, c'est Robespierre, l'Incorruptible- le spectateur est « placé dans un état de découverte des événements », dit Pommerat, « comme s'il était lui-même contemporain de ce qui se déroule sous ses yeux. »

Un passé réactualisé, un « passé-présent » parce que, dit toujours Pommerat, « on ne peut pas reconstituer le passé. le passé n'existe plus, il s'agit toujours d'une fiction pour l'historien comme pour l'écrivain ou le metteur en scène. Ça ira est une fiction vraie, c'est-à-dire une fiction que j'ai voulue la plus vraie possible. »

Le spectateur n'est pas pris à parti comme dans un spectacle d'Ariane Mnouchkine: tandis que les acteurs arpentent la salle -devenue assemblée de citoyens, de députés, ou font irruption sur la scène, lieu des débats officiels, lui reste spectateur, libre, comme un citoyen de l'époque, de choisir son camp, d'hésiter, d'en changer. de se faire une opinion.

Une vraie leçon de civisme et de citoyenneté, bien utile par les temps qui courent où l'on ne vote plus, ou mal, ou contre et rarement pour, où le vote est une sorte de billard à deux bandes, une stratégie d'évitement plus qu'une façon d'assumer son choix et sa détermination, ou pire un vote recyclable et jetable comme les sacs du même nom, - il faut dire que l'offre politique n'a rien pour nous… emballer !

Autant le spectacle Au monde m'avait laissée froide, et m'avait même ennuyée profondément, autant Ça ira, rejoué cet automne aux Amandiers, m'a enthousiasmée : je n'étais pas seule, la salle tout entière a salué debout, comme aux temps de fièvre citoyenne et révolutionnaire.

Nous avons senti, le temps d'une représentation, le grand vent revigorant de la démocratie souffler sur nous et rafraîchir l'air vicié et pesant du temps présent.
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