Pour en finir avec l'enfer familial

Un dernier aspect du sentiment d'isolement est directement lié à l'autre parent , le conjoint sur lequel le pervers narcissique exerce son emprise. L'enfant est doublement orphelin de ses parents : il réalise l'impensable, il lui faut faire son deuil et surmonter l'anachronisme qu'il y a à vivre avec ceux qu'il a déjà enterrés.

... "L'enfant est parvenu à faire de sa souffrance l'oeuvre d'art de sa vie." ...

Cet enfant éprouve un isolement profond et une immense solitude. Tout d'abord, il n'existe entre le parent pervers narcissique et lui aucune transmission, et il en souffre terriblement. Rien ne lui est dit, rien ne lui est jamais raconté.
Au fil des années, il prend conscience qu'il y a des trous dans son histoire, car il n'a jamais eu de véritable récit à ce sujet. Les bribes d'information que l'enfant finira par obtenir ne seront que celles qu'il aura pu glaner de-ci de-là, au fil des conversations avec certains membres de la famille, ou de recoupements que lui seul parviendra à établir. Car le pervers narcissique ne se dévoile pas, il ne livre rien. L'enfant comprend très tôt qu'il doit tout découvrir et tout apprendre par lui-même. Il sait qu'il devra grandir seul, chose qu'il aura beaucoup de mal à pardonner.
L'enfant a par conséquent du mal à se situer dans son histoire, à trouver sa place, comme si le lien de filiation n'existait finalement que sur les registres d'état civil. Il éprouve d'ailleurs beaucoup de mal à prononcer le mot "papa" ou "maman". Il se fait expert dans le maniement de la périphrase afin d'éviter un mot qui fait si mal, qui représente tout ce qu'il n'a pas, qu'il n'aura probablement jamais. Voilà un nouveau paradoxe : ses parents sont bien vivants, mais en réalité, l'enfant se sent orphelin, à ceci près qu'il n'a aucune chance d'être adopté, ce à quoi il pense parfois, car pour lui cela signifierait avoir un parent, un vrai, c'set-à-dire quelqu'un qui sait que l'essentiel est dans le don et le partage.