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Critique de GuillaumeDONNAT


Ponthus bosse comme intérimaire en usine, mais il a une âme de littéraire et dans son crâne ça s'arrête jamais de tourner, d'épiphanie en jeux de mots, de moments de grâce en quart d'heure de souffrance pure, il est accompagné dans son labeur répétitif par tous les morts qu'il a lu.

Mais je suis un peu déçu et c'est surtout parce que "à la ligne" avait tout pour me plaire, que j'en attendais trop de lui.

Je suis ouvrier en intérim et lecteur invétéré moi aussi. J'écris de temps en temps pour moi, pour me comprendre à postériori. Je veux écrire sur cet étrange et pourtant quotidien, universel et intemporel, monde du travail manuel précaire.
Je ressens comme Ponthus l'ambivalence de mes sentiments à l'égard du travail. Je me suis retrouvé dans beaucoup de remarques qu'il fait. le mépris qui te prend pour ton ancien travail ou tes période de chômage. Cette fierté de trimer comme un con mêlé à l'indignation et la douleur qui te fait te dire "mais putain ça va me tuer" "je vaux mieux que ça" ou "ça me crame la cervelle, le soir je suis un zombie".
Ouais, c'est sûr on se sent courageux, on se sent martyr, mais dans le fond on sait très bien que ça fait surtout couler le temps plus vite, sans en perdre l'argent, qu'au chômage on en deviendrait fou à tourner comme un lion en cage à se retrouver à la rue à force.

Le travail ça occupe, mais Ponthus ne perd pas non plus la boule, ni les mots, il se défend contre la médiocrité et l'angoisse, contre la fatigue et la mort qui guettent les humains engagés dans un taf physique et dangereux. Il nous conte les failles qu'on trouve pour tenir le coup, collectivement et seul. Il raconte l'obsession du temps qui coule lentement quand on y est, qu'on y est mal. Qui est aussi ce temps qui une fois sorti donne l'impression d'avoir duré un petit instant, la vie réduite à peau de chagrin...

La forme fragmentée comme un poème donne un rythme effréné. Beaucoup de vide en définitive, on a à peine le temps d'entrer dans le livre qu'il est déjà terminé.
On en veux plus, mais c'était des feuillets d'usines, des trucs griffés sur le vif, au jour le jour. Pas de prétention littéraire sur la forme, sur les mots, même si quelques fulgurances poétiques.
C'est erratique, on voit bien que le gars a pas complétement perdu pied et pourtant... On est rempli d'effroi à l'idée qu'il se perd, qu'il se bousille sous nos yeux, tant et si bien qu'il est mort d'un cancer un an après, à 43ans.
Dire qu'il y en a qui veulent nous coller la retraite qu'à 65ans. Qu'ils y aillent dans les frigos géants pousser des vaches mortes 10 heures par jours et on en reparlera.

Bref je suis déçu parce qu'il n'y en a pas assez, qu'il ne se lâche pas assez dans la forme et que ce con est mort.
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