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Critique de YvonS


YvonS
22 novembre 2021
Attention, ceci n'est pas un roman. C'est le récit détaillé d'une histoire vraie... 

Valérie Portheret nous livre ici le résultat de 25 ans de recherches sur cet épisode méconnu de l'Occupation : le sauvetage de 108 enfants juifs destinés à la déportation. On sait ce que cela veut dire quand il s'agit d'enfants... Tout se déroule sur 5 jours, du 26 au 31 août 1942. Vichy, et surtout Pierre Laval, allant au-delà des réquisitions allemandes rafle le 26 août un millier de juifs étrangers venus travailler ou se réfugier en France à l'abri des persécutions nazies. Oui, c'est Pierre Laval QUI PROPOSE aux Allemands de leur livrer les enfants aussi.
Valérie Portheret va pendant 25 années partir à la recherche des survivants, des témoignages et des documents. Elle voyage à travers le monde pour rencontrer les gens, les filmer, collecter photos et documents écrits. Et elle nous livre au travers de quelques personnages emblématiques le récit de ces 5 jours. "Vous n'aurez pas les enfants !" proclamait un tract de la résistance lyonnaise. C'est sous la protection virulente de Mgr Gerlier, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, jointe au travail acharné de l'abbé Alexandre Glasberg, d'assistantes sociales, d'un médecin, de résistants infiltrés jusque dans les services préfectoraux qu'aura lieu cet incroyable et douloureux sauvetage. 
1016 personnes arrêtées, 545 personnes  déportées dont la presque totalité gazés à l'arrivée à Auschwitz... mais 471 libérées avant le départ vers la Pologne grâce au travail sans relâche des bénévoles de l'Amitié Chrétienne qui se démènent pour faire passer au travers des mailles du filet ceux qui correspondent aux critères d'exemption (quitte à trafiquer quelques dates de naissance). Et sur ces 471 sauvés,  il y a 108 enfants de 2 à 16 ans.
Douloureux, ai-je dit. Monstrueux est le mot exact. Les parents (juifs réfugiés Ils savent ce qui les attend) devront abandonner leurs enfants dans un monde en folie aux bons soins de l'association Amitié Chrétienne qui se chargera de les cacher. Dans des familles juives ou pas, chez des catholiques, des protestants (qui savent ce que persécution veut dire), des citadins, des paysans, des résistants ou de simples citoyens révoltés qu'on s'en prenne aux enfants. Il faudra la détermination farouche de Mgr Gerlier face aux menaces et à la colère de l'infâme préfet Angéli pour, de justesse, faire "s'évaporer" 108 enfants en moins de 24h.
Scènes atroces de pères et de mères abandonnant leurs enfants sans même un adieu pour ne pas les paniquer, puisque c'est le seul moyen de leur sauver la vie. Ce livre est non seulement indispensable à votre culture, mais c'est aussi un livre où on a la gorge serrée à chaque page, les larmes aux yeux plus d'une fois. Puis Valérie Portheret, après une série de courts chapitres terribles, conclut par l'énumération des destins : les 3 pauvres petits repris et gazés, les 90/105 qu'elle a retrouvés, les très très rares qui ont retrouvé un parent après la guerre, ceux qui ont été protégés, aimés, choyés même après le conflit mais aussi ceux qui les ont cachés religieux, bénévoles et familles, et les "collabos" (on est effaré devant la légèreté des sanctions). Un important cahier photographique au centre du volume permet de mettre un visage sur les noms : Mgr Gerlier, l'abbé Glasberg, et Rachel, et Justus, et Lili, et les 4 soeurs Fixler, Paul et Hélène, Marcel, Jean... et tant d'autres. Ceux qui vivent encore, ceux qui ont émigré, ceux qui ont fondé une famille, ceux qui n'ont jamais oublié leurs protecteurs. 
Vous verrez comment une paire de boucles d'oreilles peut vous mettre les larmes aux yeux, comment ce terrible sacrifice a rendu fous certains parents, ou les a poussés au suicide. Vous verrez l'inconscience abyssale de certains fonctionnaires 
( "Mais pourquoi les parents pleurent-ils ?"). Effrayant. 
Un livre absolument essentiel au travail de mémoire. 
Tous ne furent pas récompensés. 
Tous ne furent pas punis.
Tous ne furent pas sauvés. 
Aucun ne doit être oublié....
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