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Critique de SZRAMOWO


S'il n'est pas autobiographique, le docteur Rubinov est pour le moins biographique. Il raconte une vie, des vies, des personnages cherchant à survivre dans l'univers soviétique, cet univers dont on a encore du mal à comprendre le fonctionnement.
Le récit pose la question des conditions de cette survie. Vous ne pouvez être indifférent au système et vous n'êtes pas indifférent au système. Il vous catalogue en bon ou mauvais citoyen avec des critères qui vous échappent et dont lui-même n'est peut-être pas aussi certain.
L'histoire repose sur une boucle, un retour sur soi, sur ce qu'on l'on a été, sur ce que l'on est devenu et avec une angoisse permanente la question de savoir ce que l'on va devenir.
Léon Shertov a quitté l'URSS pour les USA. 1953. Il Jouit du statut de transfuge géré par la CIA. Il est chargé d'une série de conférences dans des universités américaines.
Sa rencontre avec Ilana Davita, une étudiante dont le père est un ancien journaliste soviétique qui a couvert la guerre d'Espagne, le convainc d'écrire son histoire : « Qui pourrait s'intéresser aux histoires d'un juif de plus ? », pense-t-il.
1ère Guerre Mondiale : Dans l'armée rouge, commence-t-il, les juifs étaient considérés comme de mauvais soldats et cantonnés à des rôles mineurs. « J'empilais des caisses d'obus sur des chariots. »
Mais la guerre se soucie peu de rôles majeurs et de rôles mineurs, elle veut de la chair à canon.
Après une embuscade allemande il se retrouve en compagnie de 18 survivants, il entend « les soldats marmonner que c'était à cause des juifs que les Allemands remportaient des victoires en Pologne. »
Il se retrouve pourtant un fusil à la main et suit le mouvement, tirant quand les autres tiraient, s'arrêtant quand les autres s'arrêtaient. Il apprend vite la guerre. Servant d'une mitrailleuse. Soldat monté sur la jument alezane d'un cosaque mort. Il apprend aussi à obéir et à se faire apprécier de ses chefs malgré son surnom de « Kalik le Youpin. »
Il finit à l'hôpital de Petrograd. C'est là qu'il rencontre le docteur Pavel Rubinov. Ce dernier lui évite l'amputation du bras. Les deux hommes se lient. Rubinov, fils d'une famille juive qui ne l'a pas élevé dans la religion veut apprendre à lire les textes sacrés en Hébreu. Il a entendu Léon prier lors de l'opération.
Rubinov lui fournit un sauf conduit qui lui permet de regagner son village puis de repartir à la guerre contre les Polonais cette fois.
Sans savoir pourquoi, il se retrouve à Moscou dans une unité spéciale chargé de veiller à ce que les paysans remplissent les objectifs du plan. Pour éviter de liquider les paysans qui refusent, comme font le plupart de ses collègues, il cherche à convaincre, utilisant tous le subterfuges possibles. Alors qu'il veut simplement sauver des vies, il obtient des résultats qui font dire au commandant qu'il avait « accompli un travail magnifique » et qu'il était « prêt désormais pour la tâche qu'on allait lui confier. »
Inscription au Parti, Ecole du Parti, voilà Léon lacé sur les rails de la renommée et du succès.
« Au royaume de l'espérance il n'y a point d'hiver, dit un proverbe russe. Eh bien, grâce à une tradition, qui s'était transmise à travers les siècles, d'une génération d'inquisiteurs et de tortionnaires à l'autre, nous apprenions comment anéantir ce royaume et plonger nos prisonniers dans l'hiver éternel de désespoir. »
Voilà Léon face à son destin : Commandant en 1930, Colonel en 1941, il exécute les ordres et les membres du parti devenus « Ennemis du peuple »
Bien qu'il ait signé le pacte Germano-Soviétique, Staline impute la responsabilité de l'invasion de l'URSS par l'armée allemande à ses généraux accusés de comploter contre lui.
Léon est à la manoeuvre. « Frappez, frappez et frappez encore. », avait ordonné Iosif Vissarionovitch…
Novembre 1952. Léon est en charge du dossier du complot médical contre Staline. Devinez qui il va rencontrer à nouveau ? Rubinov qui le confronte à lui-même. C'est alors qu'il prend la décision de quitter l'URSS, peu après la mort de Staline.
En terminant la lecture, on s'interroge sur ce qui a guidé Léon Shertov pendant toutes ces années : la volonté de vivre ? La conviction que s'il n'était pas là, un autre le remplacerait, peut-être plus cruel ? le hasard ?
Sa fuite aux USA, n'effacera jamais les souvenirs tenaces de ce qu'il a fait. Comme le parasite intestinal qu'il a contracté en Crimée, « Ça va et ça vient. Cela se soigne (…) Mais cela ne se guérit pas. »

Lien : https://camalonga.wordpress...
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