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Critique de CeCedille


La réalité dépasse la fiction, dit-on. Un journal annonce des attaques de corneilles sur un troupeau de brebis, au même moment où l'on ouvre le roman de Victor Pouchet qui s'interroge sur les chutes mystérieuses d'oiseaux morts, près de Rouen, dans son village natal.
La question intrigue l'auteur. Il décide d'enquêter, pour trouver l'explication du mystère en scrutant les berges de la Seine, où ont été trouvé les étourneaux estourbis. Pour cela, rien de mieux, à son idée, que d'embarquer sur un croiseur fluvial, le Seine Princess, hôtel flottant pour touristes américains fatigués et d'un autre âge que le sien.

Le cours de la Seine s'avère aussi sinueux que sa démarche, qui suit la fantaisie du voyageur plutôt que la logique du détective. L'auteur n'a pas oublié dans ses bagages ses soucis de thésard abandonnique ("J'espérais faire de ma fuite une expédition"), de fils rebelle, d'amant largué. Il transporte aussi quelques livres savants, des références un peu cuistres d'universitaire et un air de chien battu dont l'intérêt pour les oiseaux est assez étranger à la chasse.
Il s'agit, en réalité, d'une déambulation métaphysico-politique, parsemée d'insolites rencontres. Sont évoqués, en vrac, le "Project Pigeon" de l'armée américaine -aussi pittoresque que l'inoubliable affaire française des "avions renifleurs"-, l'élimination des moineaux friquets planifiée par le président Mao -à l'origine d'une famine meurtrière en Chine-, la controverse homérique sur la génération spontanée entre Pasteur et Pouchet, lequel, à défaut d'être l'ancêtre de notre auteur voyageur, est le créateur du musée d'histoire naturelle de Rouen où l'on trouve pas mal d'oiseaux empaillés.
Une brève et torride rencontre avec une officier de la marine marchande, une évocation des croisières mouvementées dans la Manche sur le petit voilier d'un père aussi farfelu que son fils pourraient faire oublier la question des oiseaux morts, attestée pourtant par Pline l'Ancien comme par l'adage anglais qui étend ce genre d'averses aux chats et aux chiens.
La mélancolie cocasse et obstinée de l'auteur épargne le lecteur qui prend, au contraire, un vrai plaisir à cette insolite équipée sur les traces de Maupassant -pour la descente de la Seine jusqu'à Rouen-, de Jean Rolin -pour l'ornithologie-, de Patrick Deville -pour les pasteuriens- et de Jean Echenoz -pour l'imagination farceuse-.
Pourquoi les oiseaux meurent. Poucher pose une fausse question, dépourvue de point d'interrogation. Car c'est moins la réponse qui l'intéresse que les circonvolutions du récit autour du sujet. C'est en somme ce qui distingue un roman d'un entrefilet de journal (sur les attaques de corneilles) ou d'un article de Wikipédia sur les pluies d'animaux. La littérature a tout à y gagner, avec en prime la découverte d'un écrivain !
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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