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Critique de Darkcook


Le livre le plus extraordinaire que j'ai pu lire depuis des années, voire de toute ma vie, si cela n'avait été pour la fin avortée et son sentiment d'inachevé terrible, malgré la logique et les justifications de Pouchkine... le tout dans une superbe traduction française en vers de Jean-Louis Backès. Je l'ai quelques fois dit : Je lis peu de littérature russe, mais quand j'en lis, quel bonheur à chaque fois... Et en tant que romantique, je découvre là un auteur et une oeuvre qui avalent complètement tous mes maîtres et toutes mes références : Autant Les Souffrances du jeune Werther qu'Hugo et Edmond Rostand!! Pour tout romantique, pour tout amateur d'histoires d'amour tragique, pour tout gourmand de poésie et même, pour n'importe quel lecteur amoureux de notre langue, c'est une lecture absolument indispensable. J'ai revécu mes 17 ans pour la première fois depuis plusieurs années, et c'est cela qui m'a tant touché. le thème central, l'incandescence et le sublime de la passion lors de la jeunesse, qui se refroidiront avec l'âge et ne nous laisseront plus dériver que vers la mort et le dessèchement du coeur, m'a bouleversé, tant je m'y suis reconnu. Il y a une véritable scission entre le moi adolescent et le moi d'aujourd'hui, même si l'évolution n'en fait pas non plus deux êtres diamétralement opposés. Ce n'est pas tant le personnage d'Onéguine, bien peu sympathique durant tout le livre hormis à la fin, qui m'a séduit, mais le narrateur qui, un peu comme chez Nabokov ensuite, nous régale de ses commentaires sur son propre récit et devient même un personnage à part entière du roman. Ses considérations sur la passion, la dichotomie jeunesse/âge adulte, la vie, la mort, le meurtre, ses descriptions hallucinantes de la nature... TOUT était là pour me séduire, avec en plus l'ampli du romantisme, dans tous les sens du terme, branché sur 120. Un chef d'oeuvre absolu que j'ai avalé en quelques jours. Ça aussi, ça ne m'était plus arrivé depuis des années. La structure si fluide de ce roman en vers (!!) facilite la tâche, on ne peut plus s'arrêter de lire.

Le narrateur nous raconte donc l'histoire du personnage d'Eugène Onéguine, pré-dandy baudelairien/wildien absolument blasé de tout, et peu attachant, entre deux digressions magnifiques. le début en ville m'a plu, mais dès que ça part à la campagne, je me suis d'autant plus envolé. Nous faisons connaissance avec la jeune Tatiana dite Tania, amoureuse éperdue d'Onéguine à sens unique, et les passages avec elle, dans sa chambre, sous le ciel étoilé et la lune, dans la nature, dans la bibliothèque d'Onéguine... font également partie des plus beaux de ce joyau de la littérature. Je ne peux pas ne pas mentionner non plus le personnage de Vladimir Lenski, ami poète d'Onéguine, qui est le sujet de tant d'extraits fabuleux, dont je ne peux dévoiler toute la teneur pour éviter le spoiler. le lecteur est sur un nuage constant, et dérouté que le personnage-titre soit au fond le moins passionnant.

On enchaîne donc à plus soif les strophes magistrales, on voudrait souligner tout le livre, tant telle ou telle description ou digression nous fait magnifiquement écho, avec si peu de mots, encore plus que tout ce qu'on a pu lire avant. J'aurais sans doute été totalement obsessionnel de ce livre si je l'avais découvert adolescent... La dernière partie et son changement de lieu, en symétrie avec la première, réussit le tour de force absolu de nous émouvoir sur le destin d'Onéguine, puis le narrateur nous coupera l'herbe sous le pied avec cette fin qui n'en est pas une, taquine, ouverte. Qui est, encore une fois, le seul point négatif de cet objet tombé du ciel, même s'il s'explique. J'aurais pu lire 400 pages d'une telle écriture, d'une telle profondeur, d'une telle beauté. Il ne se passe pas grand chose au fond, l'histoire peut se résumer très vite, et est morcelée des méditations du narrateur. Mais ce sont les beautés de celles-ci, et de celles des personnages, ainsi que les représentations de la nature qui en font un sommet de la littérature, à ranger aux côtés de tous les plus grands et de tous les maîtres...

Puisqu'il y a deux périodes chez Pouchkine si j'en crois Internet, et que ses romans suivants ne ressemblent pas tellement à celui-ci, j'appréhende... Mais quelle découverte! Encore à 31 ans, il est rassurant de se dire qu'on a encore tant de trésors à lire...
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