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sur 629 notes
Il est bien dommage qu'en français " sublime " ne rime avec Pouchkine car ç'eût été justice, pour un flamboyant tel, qu'un mot tel que " sublime " rimât avec son patronyme. le français est mal fait et c'est une méchante langue, car l'on perd en le parlant les trésors uniques et la mélodie douce du Russe-Chantant.
Le Russe-Chantant est un très timide enfant, qui ne se montre que fort rarement. Si vous regardez clair, si vous écoutez bien, au creux du calamus noirci d'encre de spleen la plume qui servit jadis à Pouchkine pour brosser son Onéguine, vous croiserez son petit regard espiègle, sa musique et sa voix. N'allez surtout point quêter ailleurs — Malheureux ! — vous seriez horriblement déçus.
Quel drôle de truc, franchement, que cet Eugène Onéguine ! Un roman, oui, mais un roman en vers, ce qui est déjà plus rare, et qui plus est rythmé uniformément de strophes de 14 vers, comme autant de poèmes soudés les uns aux autres (pas tout à fait exact puisque certaines strophes se poursuivent sur la suivante, mais dans l'ensemble, c'est à peu près cela).
Chaque strophe onéguienne est composée de trois quatrains (le premier en rimes croisées, le second en rimes plates et le troisième en rimes embrassées), lesquels 12 vers sont flanqués de deux derniers vers en rimes plates qui viennent clôturer la strophe.
Il y a donc une rythmique et une musique forte et incomparable dans cet étonnant roman et je tiens à signaler dès à présent la gageure (pour ne pas dire l'hérésie folle et vaine) que d'essayer de le traduire comme tel en français.
Personnellement, avant de me lancer dans cette lecture, j'ai comparé la traduction rimée d'André Markowicz chez Babel et la traduction non rimée de Jean-Louis Backès pour Folio. Ma préférence est allée, et de loin, à cette dernière, car il a compris qu'il n'arriverait jamais à tout retranscrire de l'écriture de Pouchkine et a donc fait un choix, que je juge judicieux.
Il a laissé tomber les rimes et les nombres de pieds, par contre, il a choisi de conserver le rythme et la fluidité du verbe. le résultat est vraiment remarquable, car à plein de moments, j'avais l'impression de lire de la poésie, de la belle et vraie poésie, sans la moindre rime ni le plus petit respect de la quantité syllabique.
Chapeau bas, donc, pour Jean-Louis Backès avec cette belle traduction très osée.
Vous dire que l'ensemble de l'oeuvre me laisse rêveuse serait mentir, j'ai surtout goûté l'esprit espiègle de l'auteur et sa flamboyance stylistique, son romantisme pur jus première pression à froid, directement inspirée de Byron.
Eugène Onéguine, c'est l'histoire d'une rencontre. C'est l'histoire d'un avortement amoureux. C'est l'histoire d'une erreur de timing qui rend chacun malheureux.
Eugène est un dandy russe, viveur mais déjà blasé, des choses comme des gens, des amours également. Fuyant l'univers mondain, il se réfugie à la campagne, tâcher de redonner quelque sens à sa vie.
Tatiana, elle, est jeune, intacte, non encore abîmée dans ses rêves et dans sa vie, prête à croire et à s'enflammer.
Onéguine est celui qu'elle attend, au creux de ses rêves. Mais elle, est-elle celle qu'Onéguine espère ?
Olga, la soeur de Tatiana en pince pour Lenski, l'ami d'Onéguine.
Deux amours, un orgueil offensé, en faut-il davantage pour convoquer un duel ? le reste, je vous le laisse à découvrir.
C'est surprenant de savoir, après coup, combien le duel dépeint dans Eugène Onéguine annonce la fin réelle d'Alexandre Pouchkine, mort lui aussi dans un duel, par un froid hiver...
Adieu Pouchkine, adieu l'ami...
Onéguine
Tatiana
Tatiana
Onéguine
À défaut du reste, au moins les rimes se seront-elles embrassées... dans ce bel ouvrage en vers, qui vaut plus, probablement, pour sa facture que pour son intrigue, du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Que dire sur cet "Eugène Onéguine", oeuvre ô combien sublime, portant le nom d'un personnage ô combien à part... J'aimerais rendre grâce à la magnificence de ce chant avec mes simples mots, et je sens d'emblée que cela va s'avérer une tâche ardue… Mais je me lance quand même !

Parlons d'abord intrigue. Eugène Onéguine, c'est une histoire d'amour entre Onéguine et Tatiana, histoire d'amour évidemment impossible – même si ici elle est plutôt rendue impossible et perdue pour toujours à cause de l'aveuglement et du mépris d'Onéguine, personnage blasé et fatigué par tout ce qui constitue la vie, et notamment par les hommes et surtout l'amour. le tout est ponctué par l'intervention du poète qu'est Pouchkine, qui nous délivre avec délice son trait d'esprit.
A travers ce roman, nous faisons également une rencontre magnifique, celle du touchant et tendre Lenski, jeune poète romantique qui ne répond qu'à la voix du coeur, et suis d'ailleurs cette même voie - celle-là même qui lui fera perdre sa précieuse vie pour l'Amour. Il apparaît ainsi comme un anti-Onéguine dans ses épanchements amoureux et sa foi en la vie, et son sacrifice fait de lui un héros splendide.

Pour ce qui est de la forme - de grâce, ne passez pas à côté de tant de beauté -, j'ai trouvé l'écriture en vers juste divine, et je n'ai pas pu résister à l'envie de lire à voix haute cet extraordinaire chant que nous offre Pouchkine, le Grand Alexandre Pouchkine...

Bref, j'ai adoré ce roman, qui, pour moi, ne constitue rien d'autre qu'un chef d'oeuvre de la littérature, aussi bien russe que mondial.
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Quelques années avant le Jocelyn de Lamartine, Pouchkine publie son Eugène Onéguine. le grand poète a choisi le tétramètre iambique pour composer ce roman en vers. Cela a causé un véritable malaise aux traducteurs qui se voyaient dans la perplexité de choisir entre une traduction en vers ou en prose, garder la forme ou l'essence. Ainsi la traduction que j'ai trouvée dans cette édition « J'ai lu » était en prose ; une oeuvre de Michel Bayat. Peut-être moins connue que celle d'André Markowicz, mais si l'on prend la remarque d'un certain O. W. Milosz selon laquelle « une traduction est excellente quand, tout en suivant pas à pas le texte original, elle peut être lue avec plaisir à haute voix », je crois que Bayat a bien réussi son défi.

Revenons maintenant à l'histoire de ce jeune homme qui se nomme Eugène. Il s'agit bien d'une intrigue assez simple qui s'éloigne de la tendance littéraire de cette période du XIXème siècle ou comme dit l'un de ses premiers traducteurs « on n'y trouve ni banqueroute, ni suicide, ni prostituées, ni adultères » (Paul Béesau). Mais ce n'est point là l'intérêt de cette oeuvre singulière. Ce qui fait d'elle un livre majeure de la littérature russe, c'est l'omniprésence de Pouchkine dans le roman par ses commentaires et ses digressions pleins de finesse malicieuse et d'ironie espiègle. Il présente ce qu'on nommerait l'âme russe dans toute son étendue.

Le roman nous apprend davantage sur l'art poétique de Pouchkine et sur ses préférences artistiques que sur son personnage blasé qui trouve un refuge dans la campagne, rencontre un poète assez médiocre que l'auteur lui-même s'amuse à mettre en dérision et une fille rêveuse et romantique et qui finalement change de caractère en brûlant de passion, lui le séducteur léger. Ainsi le roman s'avère comme une parodie ingénieuse des oeuvres romantiques de ce siècle (et surtout Childe Harold de Byron) mais aussi comme une représentation réaliste de la vie russe.

Ce roman inaugurera peut-être la thématique de l'individu oiseux et ennuyé qui trouvera un écho dans d'autres ouvrages russes. Cet ennui qui conduira Eugène à se jouer de la pauvre amoureuse et de contrarier son ami lors d'un bal, ce qui engendrera des suites funestes. Cet amour de la liberté qu'on retrouve chez Eugène rime avec cette liberté avec laquelle Pouchkine transgresse les formes littéraires connues dans son pays ainsi que les clichés romantiques. Alexandre nous livre aussi des descriptions pittoresques et vivantes des lieux et des personnages.

Sans doute, il s'agit là d'un ouvrage central dans le parcours de Pouchkine mais aussi dans la littérature russe ; Un vol libre qui nous transporte par sa nostalgie, son ironie, sa culture et son humour à travers l'art de ce poète unique au destin tragique et à travers la Russie de Tolstoï, de Dostoïevski et de Tourgueniev.
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Ce chef-d'oeuvre d'Alexandre Pouchkine mérite toute notre considération. Ce roman en vers est d'une beauté admirable et la plume de cet auteur est vraiment d'une finesse exceptionnelle.
Voici le portrait d'un jeune homme, Eugène Onéguine, le héros de ce livre, parfaitement singulier, qui s'ennuie de la société russe et vit cloîtré dans son manoir, las des femmes et des amis, recherchant la paix essentiellement dans ses livres. C'est également l'histoire d'une rencontre, celle de Onéguine avec Vladimir Lenski, un poète de dix-huit ans, qui le surprendra par sa joie de vivre et ses espérances concernant son futur. Pouchkine oppose ces deux caractères : l'un, misanthrope et l'autre, assoiffé de société et d'amour. Malheureusement, cette amitié conduira Lenski à la plus fatale des possibilités...
Enfin, c'est une histoire de femmes : tout d'abord, Olga, la fiancée de Vladimir, d'une grande beauté, mais infidèle et qui oublie bien vite Vladimir ; et bien évidemment, Tatiana, celle qui tombera sous le charme d'Eugène, une femme touchante, fidèle et sincère, qui séduit avec facilité le lecteur.
Nous suivons donc l'histoire d'amour qui unit Tatiana à Eugène mais qui hélas, ne pourra point aboutir à une fin heureuse.
Ces quatres personnages, chacun à sa façon, écrit l'histoire d'Eugène Onéguine, et de Pouchkine lui-même.

Mais quel bonheur de lire ces vers, de les sévourer délicatement ou passionnément selon le moment de l'histoire, bref, de dévorer cette magique tragédie !
Tout simplement sublime.

A lire absolument !!
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Sublime, tout simplement sublime !

Je ne sais pas ce que ce texte donne en rimes et en russe. J'imagine qu'on approche du divinement merveilleux mais, traduit par Jean-Louis Backès, en français et même en prose, c'est de toute beauté.
Le rythme est là, les mots sont mélodieux et portent cette histoire d'amours croisées d'une bien belle manière.

Je comprends beaucoup mieux le roman de Clémentine Beauvais "Songe à la douceur" inspiré d'Eugène Onéguine après avoir lu ce chef d'oeuvre russe.
L'art poétique est là. Les mots deviennent une douce musique et le lecteur n'a plus qu'à se laisser bercer.
Enfin...pas trop tout de même ...car Pouchkine n'en finit pas de malmener ses lecteurs par cette histoire tragique et si romantique ! Il espère dans les dernières strophes quitter son lecteur en bons termes. Soit, on lui pardonne toutes ces émotions ressenties au chagrin de Tatiana, au destin malheureux de Lenski, et surtout au spleen de ce dandy, Eugène Onéguine.
Mais nos âmes tourmentées ne lui en veulent pas. C'est si beau !


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Il est minuit passé, votre coeur bat à tout rompre. La serrure que vous êtes entrain de crocheter va céder d'un instant à l'autre. Ces courtes secondes vous paraissent durer une éternité mais il faut garder votre sang froid jusqu'au déclic métallique et libérateur de la gâche. D'un léger coup d'épaule, vous enfoncez la porte qui s'ouvre sur l'immense salon de votre victime. Bingo! Cela va être une véritable razzia d'objets de valeur ! le seul problème est que le propriétaire, téléphone en main, vous observait depuis de longues minutes. À peine, avez-vous le temps de réagir face à cet imprévu que les forces de l'ordre vous plaquent déjà au sol. Vous êtes hors la loi et venez de faire connaissance avec les limites clairement définies par un État de droit.

Ce cadre juridique, en plus de protéger chaque individu, structure les rapports sociaux. Nous sommes soumis à des règles qui régissent nos vies afin de garantir un minimum de vivre-ensemble. Personne, par exemple, ne voudrait vivre dans une société sans garde-fous où les crimes resteraient impunis. Mais cette réglementation de l'existence prend une tournure totalitaire quand la somme des individus que nous sommes, se plaît à ériger des injonctions populaires qui varient suivant les époques. Ne suivez pas le courant et vous voilà déjà d'une certaine manière hors la loi aux yeux du plus grand nombre.

À ce titre, Alexandre Pouchkine a rédigé, entre 1823 et 1830, une oeuvre phare où un héros flirte avec ses propres limites mais aussi celles de la société. Je vous propose ici une courte analyse d'un classique de la littérature russe, à savoir Eugène Onéguine.

L'Histoire est celle d'un jeune Pétersbourgeois, enclin à la mélancolie, qui bouscule l'existence de plusieurs personnes rencontrées sur son passage. Il côtoie la vie à la campagne et le servage, la vie mondaine et ses réceptions, l'amour et ses variations, la trahison et ses célèbres duels. Tout cela avant que le destin ne le rattrape en lui offrant des regrets sur un plateau d'argent.

Eugène Onéguine est considéré comme le premier roman de l'âge d'or (XIXème siècle) de la littérature russe. Il suffit de lire les oeuvres d'auteurs qui lui ont succédé, tels que Lermontov, Tolstoï ou Dostoïevski, pour se rendre compte que Alexandre Pouchkine a écrit une trame narrative qui changea la manière d'écrire des fictions. Ce long poème, écrit en vers et divisé en huit chapitres, évoque des thèmes qui jalonneront l'écriture russe pendant plusieurs décennies. L'auteur russe utilise sa plume avec une légèreté inhabituelle pour l'époque et devient, à lui seul, le point de bascule entre une littérature qui imite sa voisine européenne et une littérature qui creuse son propre sillon.

“ […]

Mais, Seigneur Dieu, quelle corvée !

Rester au chevet d'un malade

Nuit et jour sans pouvoir bouger !

Et quelle vile hypocrisie !

On fait risette à un mourant,

On redresse ses oreillers,

On arbore un air lamentable

Pour lui apporter sa potion ;

Et l'on pense: qu'il aille au diable ! ”

C'est grâce à ce roman que Pouchkine devient le vecteur d'une écriture moderne en Russie. Il s'écarte des allusions récurrentes aux mythologies afin narrer des faits qui parlent à la majorité. Il s'immisce dans la psychologie de ses personnages. Ainsi, nous pouvons lire, en parallèle, l'évolution d'Eugène Onéguine et Tatiana. L'auteur nous fait entrer dans les pensées des protagonistes. Pour l'un l'ennui désincarné qui le poussera jusqu'à un duel morbide et pour l'autre une passion dévorante dont elle finit par faire le deuil. Pouchkine nous montre cette progression au fil des pages et trouve son paroxysme dans les deux lettres que les amoureux s'échangent … à des années d'intervalle.

Au niveau de l'écriture, l'auteur russe savait jouer avec le rythme et les bons mots. Il est d'ailleurs difficile de le traduire en français sans perdre la saveur originale du texte. La version française a fait le choix, intelligent à mon sens, d'éliminer les rimes afin de ne pas tomber dans une traduction littérale pataude. Cette option permet au lecteur francophone de rentrer directement dans l'oeuvre de Pouchkine et de goûter aux différentes variations d'une histoire qui a marqué un tournant littéraire dans la Russie du XIXème siècle. Un des nombreux intérêts de ce roman réside aussi dans les nombreuses incursions d'un narrateur … qui n'est autre que l'écrivain lui-même:

“ Fleurs, amour, campagne, loisir,

Champs ! Toute mon âme est à vous.

J'ai toujours plaisir à noter

Ce qui me distingue d'Eugène,

de peur qu'un lecteur malicieux

Ou je ne sais quel inventeur

de calomnies alambiquées

Ne fasse une comparaison

Et ne déclare impudemment

Que j'ai, tel l'orgueilleux Byron,

Barbouillé ici mon portrait.

Dirait-on pas que le poète

Est condamné quand il écrit

A ne parler que de lui-même? ”

Enfin, les aventures de ce roman peuvent sembler naïves à un premier degré de lecture. Il faut pourtant s'approcher du protagoniste principal pour se rendre compte qu'Eugène Onéguine se confronte aux limites de sa vie de dandy. Il sera d'abord cet anti-héros désincarné qui vit au-dessus des choses avant qu'une provocation de sa part ne l'entraine dans un duel. Il devra tuer ou être tué. Affronter la mort ou sa conscience. Et puis il y a cette soudaine révélation de l'amour qui lui remet les yeux bien en face des trous.

Trop tard. 😉

Pour ceux qui s'intéressent à la langue russe, sachez que certaines phrases issues de ce roman-poème sont devenues des dictons populaires encore utilisés à l'heure actuelle. Ainsi ne vous étonnez pas d'entendre des russophones prononcer:

- Quand nous n'aimons pas une femme, nous lui plaisons plus aisément, et la prenons plus sûrement au filet de la séduction.

- Il vous faut du fruit défendu. Sans quoi l'Éden est insipide.

- Moscou, on entend en écho dans les syllabes de ton nom, tout ce qu'aime le coeur des Russes.

Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Il y avait un truc que je ne comprenais pas avec Eugène Onéguine : à peine avais-je fermé le bouquin que j'oubliais la totalité de son contenu. Pas que je ne l'aime pas, au contraire. Mais en quelques jours à peine l'histoire disparaissait de ma mémoire. Et puis un jour j'ai découvert l'opéra (mais quelle idée de le découvrir aussi tard aussi), et après je ne risquais plus de l'oublier. le livret m'a donné un indice : Tchaikovski et Pouchkine n'avaient pas la même vision de l'histoire…

Rappelons un peu cette dernière. Dans une province russe quelconque le héros, un jeune aristocrate blasé de tout, accompagne un jour son ami Lenski dans une visite à la fiancée de ce dernier, Olga. Celle-ci à une soeur jeune, romantique et idéaliste, Tatiana, qui au premier regard tombe amoureuse d'Eugène Onéguine. Elle prend l'initiative de lui écrire une lettre, où elle lui avoue son amour avec toute la vivacité et l'enthousiasme de sa jeunesse. le lendemain, le jeune homme lui rend visite, et brise toutes ses illusions en quelques phrases froides et polies...

Quelques jours plus tard, au cours de l'anniversaire de Tatiana, Eugène, agacé par son ami, entreprend de badiner avec Olga pour le rendre jaloux. Il y réussit tellement bien que l'intéressé, furieux, le défit en duel. Et bien qu'il regrette ses actes, il ne peut faire autrement que l'affronter et le tuer… Désespéré d'avoir tué son meilleur ami, il part à l'étranger. Quand il revient quelques années plus tard, il croise par hasard Tatiana, qui entre temps c'est mariée. Et il réalise qu'il l'aime…

On est bien loin de la gaité et la simplicité de ‘La fille du capitaine'. le point de vue qu'on suit dans le livre, c'est celui d'Onéguine. Et comme Pouchkine est incroyablement doué, il parvient à nous le rendre sympathique. Je suivais ses aventures, ses états d'esprit, son ennui. Naïf, je refermais le livre sans me poser de question. Mais peut-on se rappeler d'un héros plus ou moins sympathique mais auquel on ne s'est pas attaché ?

Au contraire, l'opéra adopte le point de vue de Tatiana. Et toute la personnalité du héros y est résumée dans cette phrase que lui jette Lenski : « vous êtes un triste sire ». Eugène Onéguine n'est ni une ordure ni un homme bon. Il écrase la jeunesse de Tatiana sans méchanceté, mais avec la négligence qu'on met à broyer du talon une noix pourrie. Il est bon avec ses paysans, mais affiche son mépris pour l'ensemble du monde. Et quelle sorte d'ami est-ce là, qui s'amuse à courtiser la personne que vous aimez simplement pour vous faire enrager ?

Pour lire cette oeuvre, je vous incite donc à regarder également l'opéra. Pour ma part, je suis au final partagé. D'un côté, j'admire Pouchkine qui par la seule force de son talent parvient à rendre sympathique ce qui n'est finalement qu'un dandy pas méchant mais creux et inconsidéré. de l'autre, sachant (et ceci explique cela) qu'il s'identifie à son héros, je m'interroge sur sa personnalité… Mais sans oublier que Lenski en est l'autre facette.
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Voici un poème génial, un récit vivant, enlevé, léger, plein de vie et d'humour. Pouchkine a l'art de décrire les sentiments, d'amour mais aussi de haine et d'indifférence. Il se dégage beaucoup de romantisme, de lyrisme et de tragique dans ce récit,
ainsi, dans la lettre d'Onéguine à Tatiana :
« Non, vous revoir à chaque instant,
Vous suivre, être fidèle,
Guetter, brûlant et palpitant,
Votre sourire, vos prunelles,
Vous écouter longtemps, sentir
Vos perfections, et, - gratitude ! –
Auprès de vous, pâlir, mourir,
S'éteindre… Ô vraie béatitude »
Pouchkine anime son récit en adressant des clins d'oeil à son lecteur, il crée ainsi connivence et complicité avec beaucoup de légèreté, de malice et d'ironie parfois.
le sujet de ce long poème est somme toute banal, séduction, amour, passion, querelle, duel… le tout délicieusement raconté.
Pouchkine ajoute des strophes « fantômes » non écrites ou à écrire je ne sais pas trop ? Il faut lire les notes du traducteur pour tenter une approche.
J'ai aimé la traduction de Markowicz pour son rythme et ses sonorités qui j'espère rendent compte de l'écriture en Russe originale. Je ne maitrise pas assez cette langue pour le lire dans le texte, et je le regrette. Certaine strophes illustrent très bien ceci :
« le merveilleux, l'atroce ensemble :
Ce crabe, à cru sur l'araignée,
Ce crâne à bonnet rouge tremble,
Cou de canard entortillé ;
Un moulin danse à la cosaque,
Il bat des ailes, siffle, claque ;
Ça piaule, piaille, jappe, crie,
Bêtes, qui battent, parleries ».
Emerveillée, J'ai passé un excellent moment en compagnie d'Alexandre Pouchkine le « chouchou » de tous les russes !


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Ce livre est incontestablement un chef d'oeuvre de la littérature. Une oeuvre tantôt en vers tantôt en prose d'une virtuosité et d'une puissance magistrale.

Pouchkine nous a laissé avec son Eugène Onéguine des vers sublimes sur la jeunesse et ses vanités, le temps qui passe, le destin, la création, la nature sauvage de Russie et l'effervescence des grandes villes russes du XIXème siècle.

C'est bien plus qu'une histoire d'amour et une oeuvre atypique par sa forme (un roman-poème !) .

Que dire de plus ? Utiliser trop de mots pour en parler est déjà une insulte à l'auteur.
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Le livre le plus extraordinaire que j'ai pu lire depuis des années, voire de toute ma vie, si cela n'avait été pour la fin avortée et son sentiment d'inachevé terrible, malgré la logique et les justifications de Pouchkine... le tout dans une superbe traduction française en vers de Jean-Louis Backès. Je l'ai quelques fois dit : Je lis peu de littérature russe, mais quand j'en lis, quel bonheur à chaque fois... Et en tant que romantique, je découvre là un auteur et une oeuvre qui avalent complètement tous mes maîtres et toutes mes références : Autant Les Souffrances du jeune Werther qu'Hugo et Edmond Rostand!! Pour tout romantique, pour tout amateur d'histoires d'amour tragique, pour tout gourmand de poésie et même, pour n'importe quel lecteur amoureux de notre langue, c'est une lecture absolument indispensable. J'ai revécu mes 17 ans pour la première fois depuis plusieurs années, et c'est cela qui m'a tant touché. le thème central, l'incandescence et le sublime de la passion lors de la jeunesse, qui se refroidiront avec l'âge et ne nous laisseront plus dériver que vers la mort et le dessèchement du coeur, m'a bouleversé, tant je m'y suis reconnu. Il y a une véritable scission entre le moi adolescent et le moi d'aujourd'hui, même si l'évolution n'en fait pas non plus deux êtres diamétralement opposés. Ce n'est pas tant le personnage d'Onéguine, bien peu sympathique durant tout le livre hormis à la fin, qui m'a séduit, mais le narrateur qui, un peu comme chez Nabokov ensuite, nous régale de ses commentaires sur son propre récit et devient même un personnage à part entière du roman. Ses considérations sur la passion, la dichotomie jeunesse/âge adulte, la vie, la mort, le meurtre, ses descriptions hallucinantes de la nature... TOUT était là pour me séduire, avec en plus l'ampli du romantisme, dans tous les sens du terme, branché sur 120. Un chef d'oeuvre absolu que j'ai avalé en quelques jours. Ça aussi, ça ne m'était plus arrivé depuis des années. La structure si fluide de ce roman en vers (!!) facilite la tâche, on ne peut plus s'arrêter de lire.

Le narrateur nous raconte donc l'histoire du personnage d'Eugène Onéguine, pré-dandy baudelairien/wildien absolument blasé de tout, et peu attachant, entre deux digressions magnifiques. le début en ville m'a plu, mais dès que ça part à la campagne, je me suis d'autant plus envolé. Nous faisons connaissance avec la jeune Tatiana dite Tania, amoureuse éperdue d'Onéguine à sens unique, et les passages avec elle, dans sa chambre, sous le ciel étoilé et la lune, dans la nature, dans la bibliothèque d'Onéguine... font également partie des plus beaux de ce joyau de la littérature. Je ne peux pas ne pas mentionner non plus le personnage de Vladimir Lenski, ami poète d'Onéguine, qui est le sujet de tant d'extraits fabuleux, dont je ne peux dévoiler toute la teneur pour éviter le spoiler. le lecteur est sur un nuage constant, et dérouté que le personnage-titre soit au fond le moins passionnant.

On enchaîne donc à plus soif les strophes magistrales, on voudrait souligner tout le livre, tant telle ou telle description ou digression nous fait magnifiquement écho, avec si peu de mots, encore plus que tout ce qu'on a pu lire avant. J'aurais sans doute été totalement obsessionnel de ce livre si je l'avais découvert adolescent... La dernière partie et son changement de lieu, en symétrie avec la première, réussit le tour de force absolu de nous émouvoir sur le destin d'Onéguine, puis le narrateur nous coupera l'herbe sous le pied avec cette fin qui n'en est pas une, taquine, ouverte. Qui est, encore une fois, le seul point négatif de cet objet tombé du ciel, même s'il s'explique. J'aurais pu lire 400 pages d'une telle écriture, d'une telle profondeur, d'une telle beauté. Il ne se passe pas grand chose au fond, l'histoire peut se résumer très vite, et est morcelée des méditations du narrateur. Mais ce sont les beautés de celles-ci, et de celles des personnages, ainsi que les représentations de la nature qui en font un sommet de la littérature, à ranger aux côtés de tous les plus grands et de tous les maîtres...

Puisqu'il y a deux périodes chez Pouchkine si j'en crois Internet, et que ses romans suivants ne ressemblent pas tellement à celui-ci, j'appréhende... Mais quelle découverte! Encore à 31 ans, il est rassurant de se dire qu'on a encore tant de trésors à lire...
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