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Critique de Nastasia-B


Alexandre Pouchkine nous sert ici deux toutes petites pièces ayant pour traits communs : une scène d'amour centrale, une dose de surnaturel et une référence à un mythe assez affirmée. Ces pièces présentent, de surcroît, un petit côté inachevé, tant elles sont courtes et tant l'intrigue y est dépeinte rapidement, comme simplement esquissée. Lire ces pièces, c'est un peu comme d'admirer une étude au crayon d'un grand peintre.
L'inachèvement est quasi certain en ce qui concerne La Roussalka qui s'arrête assez brutalement, mais à un endroit suffisamment psychologique pour permettre au lecteur de s'imaginer mille dénouements différents.
C'est un peu moins net en ce qui concerne le Convive de Pierre et je n'ai rien lu qui aille spécialement dans ce sens, mais j'y ressens exactement la même tendance " premier jet ", d'une oeuvre qui aurait mérité d'être étoffée par la suite si l'issue d'un duel stupide n'avait pas bêtement été déterminée par le deuxième coup de pistolet de ce gros Alsacien, homonyme d'Edmond Dantès, et à qui l'on pourrait décerner le titre de Comte de Montez-Lourdaud.
Bref, nous avons ici, avec ce Convive de Pierre, un épisode de Don Juan très différent de l'original de Tirso de Molina.
Dans la première version espagnole, si Don Juan est bien l'assassin du vieux commandeur, c'est pour avoir voulu ternir l'honneur de sa fille que le vieillard avait pris l'épée. L'amour entre la fille et le commandeur était donc d'ordre filial et la différence d'âge, entre les deux belligérants, importante.
Ici, rien de tout cela puisque le commandeur devait avoir sensiblement le même âge que Don Juan et s'il a perdu la vie, c'est en défendant l'honneur de sa femme.
La nuance est d'importance. Ce qui était une dénonciation de l'abaissement moral de l'aristocratie chez Tirso de Molina, devient du pur romantisme chez Pouchkine. Car il aime son Don Juan au point de rendre la veuve du commandeur, enfoncée dans un deuil sans fin, non insensible aux galanteries de l'assassin de son mari. Vous m'avouerez que la morale y perd un peu au change.
Et, malgré la brièveté de la pièce, l'auteur trouve le moyen de rendre plus ambiguë encore la position de Doña Anna, en lui prêtant des sentiments très mesurés à l'égard du défunt commandeur. Nous sommes donc en plein dans le drame romantique et Don Juan, loin d'être le suppôt du démon pervertissant ces dames, est en quelque sorte l'expression du rejet de la gent féminine pour les mariages imposés et dénués d'amour...
La Roussalka fait référence à une mythologie slave qui a plusieurs fois inspiré des auteurs au cours du XIXème siècle. le plus vibrant avatar en est très certainement le superbe opéra d'Antonín Dvořák (je conseille à quiconque le fameux air de la Chanson de la Lune que Renée Fleming sait si bien restituer).
Les roussalkas sont des sortes d'équivalents de sirènes, au sens homérique du terme, mais officiant dans les fleuves ou les rivières. Elles sont supposées être les réminiscences de jeunes femmes trépassées dans les eaux.
Elles ont la réputation d'attirer vers la noyade tous ceux qui s'abandonneraient à leur prêter attention.
Toujours aussi romantique, Pouchkine nous narre l'amour candide d'une fille de meunier pour un beau prince de l'aristocratie. ELLE, veut croire en l'amour, tandis que LUI, ne la considère, vous vous doutez bien, que comme une passade, qui doit prendre fin dès lors qu'il se mariera avec une femme de son rang.
Voilà quelques jours qu'ils ne se sont vus ; ELLE, a cette émouvante nouvelle à lui apprendre sur ce qui gît en son ventre, et LUI cherche ses phrases pour lui annoncer qu'il va la quitter à jamais.
La rencontre est glaciale et d'ailleurs de courte durée. le beau prince s'en va, comme il était arrivé, sur son beau cheval, dont on entend le pas s'éloigner.
ELLE, tellement folle de chagrin et se jette dans le Dniepr et...
... et je vous laisse découvrir la suite...

Ces deux pièces se lisent très vite et très facilement. Elles sont au théâtre ce que la nouvelle est au roman. Elles mettent sur la langue une saveur agréable et fugitive, mais n'ont pas cette profondeur en bouche que seuls révèlent les plats magnanimes, ayant autant de corps que de finesse et dont jamais notre palais ne se lasse.
Mais ceci n'est bien évidemment que mon avis, une pensée folle lancée au fleuve, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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