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Critique de Lenocherdeslivres


Un homme au physique de géant, à la longue chevelure désordonnée et qui se confond avec la peau de bête qui lui protège les épaules, à la posture voûtée de celui qui a reçu plus d'un coup du destin, des yeux noirs d'où coulent des larmes sombres, indélébiles. Et, dans la main, un gigantesque hachoir, qui attire immanquablement l'oeil par ses dimensions et sa forme reconnaissable entre toutes. Voici Rondel, vagabond aveugle, sans cesse à la recherche d'êtres maléfiques qu'il fait passer de vie à trépas.

Il était une fois… plein de vilaines sorcières très laides aussi bien sur le plan physique que sur le plan moral. Pas grand-chose à en tirer de ces vieilles peaux purulentes qui ne souhaitent que causer du mal et des souffrances. La durée de vie d'un jeune garçon qui désobéit à sa mère et s'éloigne de la maison est de quelques minutes. Car elles aiment la chair fraîche, ces monstrueuses créatures. Mais à présent, elles trouvent sur leur route un obstacle aux arguments tranchants. Car Rondel s'est fait une spécialité de débarrasser l'univers de ces créatures sans coeur qui créent tant de souffrances.

Ce premier volume est composé de quatre histoires (et un carnet de croquis). Dans la première (sans titre), on découvre les causes de cette haine qui porte Rondel. le traumatisme gît dans son enfance. Et dans le genre traumatisme de compétition, Eric Powell a gâté son héros. Je n'en dirai rien, mais c'est ainsi que se forge une destinée. Dans le sang, la tristesse la plus cruelle, la vengeance. On y découvre aussi d'où vient cette arme particulière. À ce propos, les croquis de la fin du volume sont accompagnés de commentaires qui expliquent certains éléments de la genèse du personnage. Et l'on y découvre qu'en première idée, Rondel utilisait un mousquet, l'auteur a vite dévié vers une hache, car il voulait pouvoir utiliser des épées aussi. Or, contre une arme à feu, elles sont quasi inutiles. Son coup de génie, du moins à mon avis, c'est l'invention du hachoir. Un objet banal, moins connoté que haches et autres instruments traditionnels de ce genre de récits. Après, avec le dessin, il en a fait un objet impossible à oublier.

Les histoires suivantes n'ont pas de lien entre elles. Elles permettent de découvrir l'univers dans lequel vit Rondel. Un monde de souffrance, où la trahison peut venir de partout, où la malveillance peut prendre n'importe quelle forme, même la plus paisible, où les enfants eux-mêmes peuvent être les vecteurs de la cruauté et de la mort. La mort, justement, apparaît dans le deuxième récit, « In Rode Death ». Elle m'a un peu fait penser au personnage de Terry Pratchett, avec son côté flegmatique et, surtout, implacable. Sans volonté de faire le mal, elle est là et fait ce qui doit être fait. D'ailleurs on apprend même d'où elle vient. Et là, c'est plutôt drôle. Autre preuve qu'Eric Powell ne se prend pas au sérieux.

Le troisième chapitre met un scène un objet magique volé, plusieurs êtres étranges et un lynx gigantesque. Rien pour effrayer la compagne de Rondel, dont je n'avais pas encore parlé. Car il ne promène pas seul à travers les montagnes. Il partage son destin avec Lucille, une ourse gigantesque, adorable par moments, tueuse sans pitié le plus souvent. Un couple vraiment parfait et très attachant. Ce côté, Lucille est là en roue de secours est très sécurisant. On sait bien que Rondel viendra d'une manière ou l'autre à bout de ses ennemis. Ce qui compte, c'est le nombre de souffrances qu'il n'aura pas pu empêcher. Car, je l'ai déjà dit, ce n'est pas un joli monde. Ici, on a mal.

Dès les premières pages, j'ai été marqué par le coup de patte d'Eric Powell. C'est lui qui s'occupe de tout : Hillbilly est son oeuvre à lui tout seul. le trait est gras au premier plan, plus fin dans l'arrière-plan ; les détails sont rares, mais tranchés et significatifs. Les silhouettes aussitôt reconnaissables. Les personnages ont de ces trognes qui font qu'ils sont tout de suite attachants ou détestables. En regardant le visage de Rondel, j'ai tout de suite perçu une infini tristesse. Avec ses yeux, noirs, fendus (l'explication de cette forme et de cette couleur vient dans le premier chapitre). Et sa pose voûtée renforce cette impression de détresse. On sent l'homme qui continue envers et contre tout, mais sait, au fond de lui, que des crocs-en-jambe vont parsemer son existence et qu'il sera témoin d'horreurs.

Les couleurs aussi sont importantes. L'auteur choisi une tonalité et en varie la clarté, allant du gris clair au gris foncé, du jaune sale au jaune plus vif. Ce choix donne une superbe unité à l'ensemble et renforce l'idée que nous sommes dans un conte noir, un conte où les choix sont tranchés (comme les têtes et les bras, d'ailleurs).

Enfin, j'ai adoré l'efficacité des scènes d'action. L'auteur réduit au minimum ce qu'il représente. Plus de décor, parfois certains morceaux du corps seulement : des yeux au-dessus de crocs menaçants. Et le couperet du Diable, qui n'hésite pas à sortir de son carde pour montrer avec plus de force la menace qu'il représente.

C'est grâce à Thomas Day qui a parlé de cette série sur le forum du Bélial' que j'ai découvert Hillbilly. Et je ne saurais le remercier assez tant j'ai adoré cette lecture. Elle correspond tout à fait à ce que j'apprécie : des personnages forts qui luttent face à un destin, mais sans véritables illusions ; un dessin efficace, marquant, tranché ; des monstres en veux-tu en voilà. La suite m'attend sur mes étagères. Normal…
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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