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Critique de le_Bison


Tu te souviens de ces images qui repassaient en boucle sur ton téléviseur Samsung dernier cri ? Des flashs spéciaux se multipliant jusqu'à fusionner avec ton temps pour te tenir informé à la minute près, 24/24 – 7/7. L'info en continu. Comme le présentateur semble apprécier cette phrase. La guerre, de nos jours, se passe river sur son écran dans ton salon, un logo sponsor en bas gauche de l'écran et un clignotant ‘DIRECT' en haut droite. Des éclairs dans la nuit et des feux d'artifice de technologie. Pendant que toi, tu bois une bière, humide et mousseuse. Irak, printemps 2005.

Le soldat Bartle et le soldat Murph, deux jeunes recrues envoyés dans le désert. Pas vraiment d'explication, ni même de justification à cette guerre. Ils y sont sous l'ordre du sergent Sterling, un habitué de cette campagne. La guerre, pour ceux-là, c'est du concret. Un casque, un fusil, une lunette de visée et du sable. Beaucoup de sable et de chaleur. Un soleil à rendre fou, à moins que cela soit la guerre qui rend ‘fou'. Je ne sais pas.

Kevin Powers, un premier roman, « Yellow Bird ». Un coup de poing, un coup de coeur. L'histoire est touchante bien que cruelle. C'est la guerre, normal. Des morts et des innocents morts. Mais au-delà du scénario – nul doute que cela pourrait devenir un film – il y a la construction du roman en lui-même qui est appréciable. Les souvenirs se mélangent dans la voix du ‘héros', images de la guerre, images de la libération, retour en ses terres, images de sa Virginie natale – avant. Puis après, douloureux retour, incapacité à vivre après avoir survécu à cette parade meurtrière, sentiment de culpabilité, d'avoir laissé partir des gars là-bas et être revenu.

Une pensée est apparue sous la chaleur de mon casque : j'étais heureux de ne pas m'être pris une balle. Je m'étais dit combien j'aurais souffert si j'avais été celui étendu là en train de mourir, à regarder les autres qui l'observaient agoniser. Et moi aussi, même si c'est avec tristesse à présent, j'avais songé intérieurement, Dieu merci, il est mort et pas moi. Dieu merci.

De quoi il est question en fait ? de se demander pourquoi une telle guerre ? de se demander pourquoi je suis un survivant et pourquoi mon camarade de chambrée, celui sur qui je devais veiller juste parce que j'avais trois ans de plus, n'est pas revenu. J'avais promis à sa mère de veiller sur son fils, mais cette promesse fut vaine et inutile. Je suis vivant, à quoi bon ? le retour à la vie civile, une vie normale, m'est devenu inenvisageable, surréaliste même. Voilà le constat fait de la vie de ce soldat, trop jeune pour mourir, mais pourtant qui a trop vécu pour survivre après cette guerre.

La guerre, Kevin Powers ira de bon gré. Pas besoin de se poser la question du bien-fondé, de délibérer sur une éventuelle justification. La solidarité envers ses frères d'armes, voilà ce qui compte. le retour sera plus douloureux, plus dramatique même que cette période dans le désert. Parce que de nouveau au pays, il se rend compte que cette guerre ne reposait sur rien, ou si, sur de pieux mensonges. Les soldats gardent une part d'humanité qu'à leur retour on semble leur retirer ; Mais lorsqu'ils tirent sur des civils, juste par peur ou par ordre, la plume de l'écrivain témoigne encore d'une note de poésie et de magie. L'oeuvre d'un grand écrivain. Peut-être ne sera-t-elle qu'une unique oeuvre dans la vie de cet ex-soldat, mais celle-ci est tellement forte qu'il ne faudrait pas détourner les yeux.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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