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Critique de Alzie


Alzie
11 novembre 2014
Saint-Exupéry a connu cette époque aventureuse et héroïque où piloter un avion relevait de l'exploit physique. De son baptême de l'air en 1912 à son brevet de pilote quelques années plus tard, il a accompagné de toute sa fougue juvénile les débuts de l'aéropostale et de l'aviation. Conquête des airs. D'essai, de ligne, de guerre sera le pilote. Du Maroc à l'Argentine, de la Lybie à l'Indochine, bien des avaries et des accidents spectaculaires. Il en réchappe tout le temps et organise lui-même les recherches d'Henri Guillaumet tombé dans l'immensité des Andes en 1930. Il a connu Mermoz, aimé Louise de Vilmorin et l'a raconté un peu plus tard, devenu chef d'aéroplace dans le désert marocain de Cap-Juby ("Courrier Sud" 1929). Il a Rencontré des généraux et des artistes, cru en l'amitié ou croisé l'hostilité.

Célébrité (Vol de nuit en 1931), gloire, blessures, fractures, déchirements et solitude ont accompagné sans discontinuer cet écrivain affecté d'avoir dû quitter un jour les ailes de son enfance, la petite tribu de Saint-Maurice où les bicyclettes étaient à voiles. Aussi, voler, toujours voler, mais écrire des lignes, aussi. Journalisme, reportages, ("Terres des Hommes" 1939). Et puis, une fois de trop, la guerre et la France divisée. Breton qui accuse et Antoine qui répond "[...] vous êtes l'homme des camps de concentration spirituels" (Ecrits de guerre). Années américaines avec "Pilote de guerre" (1942), "Lettre à un otage" pour léon Werth (1940), l'ami juif resté en France et le "Petit Prince" (1943) bien sûr, "Citadelle", oeuvre posthume plus tard (1948). L'Afrique du nord à nouveau, et un jour de 1944, la disparition en Méditerranée.

Elle relate tout cela, la préface de Frédéric d’Agay et bien d'autres choses encore, pour présenter l'écrivain "Commandant des oiseaux" à laquelle s'adjoignent très rapidement le dessin et les esquisses aquarellées d'Hugo Pratt. Ils amorcent à eux deux l'intention de cet album, une ultime rêverie du pilote. Avec son talent d'aventurier de la BD, au trait allusif et puissant, Pratt réussit à sertir le destin de celui que l'introduction a profilé, dans les cases du récit de son dernier voyage aérien. Contrôler la durée et trouver des raccourcis, amadouer la couleur, il n'y a pas d'autre boussole pour le dessinateur : ce 31 juillet 1944 à la mi-journée, Saint-Exupéry s'est envolé en mission de reconnaissance à bord de son Lightning P 38 pour regagner la Corse. De 11 h 54 à 12 h 06 : soixante-douze minutes et quatre vingt pages exactement, pour raconter ce dernier vol, en bleu très pâle avec quelques escales de sable, souvent forcées ; souvenirs éparpillés en bulles, d’un temps devenu bien incertain et d'où surgissent Consuelo Gomez Carrillo, François, Simone et Gabrielle, Henri Guillaumet ou Marcel Bouilloux, Hemingway le casse-pied et Felicia Morales dans le combat désespéré de quelques républicains espagnols. Poussières de vents, éclaboussures de noir, rafales de mitrailleuses, escadres de nuages en forme de moutons. La mer qui se soulève en montagne et la crête des dernières vagues remontées des abysses qui submergent une cordillère. Du noir, et puis enfin l'appareil devenu tout bleu avant de s'abîmer et de disparaître à jamais dans la Méditerranée.
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