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Critique de Derfuchs


Dans une ambiance glauque et lourde à souhaits, chacun essaie de se débattre dans sa vie quotidienne vide de sens.
Chacun est né dans ce trou à rats. le ghetto pour les uns et des bicoques façon après guerre de sécession pour les autres, les plus nantis, les blancs.
Le mot d'ordre est de fermer son clapet, même si pépé, mémé ont été froidement abattus et que tout le monde connait le salaud qui a fait ça.
Ce qui compte c'est de bouger, la dope y a pas mieux, le jaja c'est pas mal non plus, je deale, tu deales, il deale, ça passe le temps et quand on plane on ne voit pas ou moins la pourriture qu'il y a en bas.
Bien sûr Price aurait pu commencer en faisant sonner les trompettes de Jericho, hurler les sirènes de pompiers, faire cavaler tout le monde dans tous les sens, stop ! Il a choisit la difficulté, sentez moi ça les gars, ça pue pas , hein ? T'as vu tous les mecs qu'attendent aux urgences et le toubib qui t'explique que son diplôme il ne vaut pas tripette, ici, lui il ne vient pas du New Jersey mais de Jakarta ou d'ailleurs où c'est encore plus la dèche.
Et on monte d'un cran, paf, une mère de famille, les mains en compote, agressée par un black, ça va faire mousser la mayonnaise, tu penses, faut regarder ailleurs c'est plus noble.
La cavalerie arrive, les cow-boys blancos (c'est rare un cow-boy black !), des mandats de perquise plein les poches, alors allons y gaiement, un coup d'épaule dans la porte c'est plus pratique que de frapper avant d'entrer, pas besoin de s'essuyer les pieds sur le paillasson !
Un ton au-dessus encore, vas-y Richard, on te suit ! On boucle le ghetto déjà bouclé, c'est nouveau du jamais vu, on vient de l'inventer. Mais, attendez, faut pas se méprendre, on est dans notre droit.
Le vide j'vous dis, le vide, rien, scènes banales de la haine ordinaire, alors pourquoi se presser et puis tout le reste, c'est ça: (abrège Bernard, c'est pas ton rôle de récrire le bouquin)
La Brenda qui se referme dans son monde avec les chansonnettes de Ike et Tina Turner et d'autres. Comme si ce qui lui arrive lui passe au-dessus de la perruque. Ce qui est faux ? Peut-être, joli masque !
La journaliste qui attend le Pulitzer, assise sur son derrière, dictant les situations plutôt que de les écrire elle-même, paumée, le frangin qui l'étouffe, le flic qui la rabroue, Brenda qui la snobe, la joie, quoi !
Lorenzo, Saint Lorenzo, ancien poivrot, madame est partie vingt-cinq fois, deux fils diamétralement opposés, qui n'en peu plus de fatigue, dodo chez maman. Son chef, le chef de son chef, le maire, le proc, que des empêcheurs de tourner en rond, café à la main, cigare au bec, bref des têtes pensantes pendant que l'autre est dans la rue à se coltiner la fange quotidienne. Il y a de quoi se faire une balle à la roulette russe. Trop simple. Qui s'occuperait des gamins dans la cité ? 
Les pasteurs qui pasteurisent : on se laissera pas faire ! Cause toujours mon lapin !
Le comité de boy-scouts en jupon, qui a de l'expérience, champion du coucou fais moi peur. Elles gagneront le mickey du manège ces braves dames, chapeau !
L'intrigue : un fait divers de journal, du sang à la une et la page de couverture pendant trois jours, ensuite ça rentre dans les pages intérieures pour finir en entrefilet en dernière page. C'est tout, fermez le ban.
Comment pouvait-il y avoir une autre fin, un autre dénouement, non, sinon paf, le pétard du 4 juillet en pleine figure.

Price a concocté, à mon avis, un livre magnifique, d'une puissance rare et dont la lenteur du début contribue au malaise prenant au fur et mesure de l'avancée dans l'histoire. Il a écrit avec ses tripes, malmené qu'il devait être, mal assis. Ses dialogues sont percutants comme un uppercut au visage, un marteau piqueur de trottoir, on vibre, je vibre. Merci à lui pour cet excellent moment de lecture.

Un grand livre, un coup de coeur
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