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Critique de nadejda


«Mes vertèbres sont en place. Mon sang coule dans mes veines. Je viens de Russie.»
p 152

Même si l'aspect politique est important au gré des chroniques qui composent «Je viens de Russie» ce que je retiens, qui m'a touchée, c'est avant tout qu'à travers ces textes qui couvrent les années 1997 à 2011, apparaît un homme attachant, passionné, vivant, plein de contradictions, qui assume ce qu'il est en prenant des risques, en s'engageant, un homme qui aime ses semblables aussi, qui prend part à leur destin :


«Courage et patience, pitié et colère sont les quatre points cardinaux du Russe.

(...) Je n'ai absolument pas souvenir d'une seule personne dont je pourrais dire : c'est un salaud de première qui ne mérite que la mort. Tous les hommes que j'ai rencontrés brillaient par leur extravagance, leur cruauté ou leur bassesse extrême. Tels qu'ils sont, on aimerait les protéger et les choyer.

Bien sûr, on peut toujours tuer quelqu'un, mais en règle général, il vaut mieux éviter. Laissez-les vivre, tous.

Je me sens un lien de parenté avec eux.» 
(chronique «Tous les russes autour d'une même table»)



Prilepine quand il parle de son enfance, de son grand père qui a combattu les nazis («Nikolaï Egorytch, mitrailleur») et de son amour fusionnel pour la terre mère, la terre russe, le sang de cette terre, s'inscrit dans la lignée des écrivains et poètes russes qui l'ont précédé (Essenine, Bounine, par exemple, qu'il semble beaucoup aimer) :


«La terre a des qualités indubitables. A la différence des hommes, elle se tait. On peut prêter l'oreille à son silence et en capter la nature : est-il sombre ? tendre ? majestueux ?


Le sang aussi est silencieux, son flux est semblable à celui du temps. On peut ouvrir les veines du temps, et alors il coule hors du corps et déborde dans l'eau chaude, dans la serviette roulée en boule, dans les cris des proches et l'horreur curieuse de ceux qui n'en sont pas.» p10
( chronique «Le sang chante, la terre est en liesse»)

Son «nationalisme» (entre guillemets car ce mot n'a pas la connotation péjorative qu'on lui prête chez nous. Pour comprendre ce qu'il nous dit, ce dont il rêve, il faut abandonner tous nos préjugés occidentaux vis à vis de la Russie) se renforce par réaction face à la destruction et au pillage de toute la société russe tombée aux mains de mafieux qui ont volé les biens de l'état et les exploitent à leur seul profit, la grande braderie des années 1990, les années Eltsine que Prilepine qualifie de «bordel démocratique». Quand l'URSS a disparu ce n'est pas à cela que s'attendait le peuple russe humilié et appauvri par un libéralisme sauvage.


«Le pays est exhibé comme un animal qu'on vient de tuer à l'abattoir, les quatre fers en l'air, les entrailles ouvertes : approche-toi et viens te réchauffer les mains.
La réalité est évidente, elle s'autoproclame ; inutile de se plonger dans un livre pour faire tomber le voile de nos yeux et tout comprendre. Tout est visible -- il suffit de regarder.»
p 72 73(chronique «Encore un coup du petit Poucet»)

Zakhar Prilepine me séduit par son langage emporté, violent, imagé, sans détours dans lequel percent des notes de poésie, de tendresse et d'humour. Et oui, il peut en déranger plus d'un... Mais qu'il séduise ou dérange il mérite d'être lu.
Merci à Babelio dans le cadre de Masse Critique et aux éditions La Différence pour m'avoir offert ce livre qui m'a fait découvrir un auteur russe que je vais continuer à lire.
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