AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fava



Quand j'ai lu pour la première fois La Recherche, j'étais étudiante, et j'avais éprouvé une certaine fascination pour cette oeuvre, exceptionnelle par son style, par son ampleur, par l'originalité de son projet « autobiographique », par son approche du rôle de l'art en général et de la littérature en particulier. Cela avait été une lecture ardue mais intéressante.

Aujourd'hui (40 ans plus tard… !) mon ressenti est tout autre : en relisant Un amour de Swann, je n'ai guère éprouvé que lassitude, et parfois même exaspération.

CERTES …

· L'intérêt psychologique est indéniable. Il s'agit d'une analyse minutieuse, très approfondie et très juste,

o de la passion amoureuse lorsqu'elle confine à la « maladie »,

o mais aussi de la jalousie qui alimente la mauvaise foi et les conduites ridicules,

o des « intermittences du coeur »,

o de la mémoire involontaire, notamment de l'effet produit parfois par la musique. (Cette petite phrase de la sonate de Vinteuil, comme on l'entend bien !).

o Charles Swann est un personnage plutôt sympathique, un esthète raffiné et spirituel, un homme intelligent dont on a pitié quand on le voit souffrir, manipulé par une cocotte qui lui ment effrontément.

· L'intérêt sociologique est tout aussi flagrant :
o c'est la peinture saisissante et souvent acerbe des moeurs des classes aisées de la Belle Epoque,
o des mentalités snob ou mesquines,
o des femmes entretenues et de leurs amants,
o des conversations de salon (aussi affligeantes et méchantes chez les Verdurin que chez Mme de Saint-Euverte : « Ce M. Swann, c'est quelqu'un qu'on ne peut pas recevoir chez soi, est-ce vrai ?
– Mais... tu dois bien savoir que c'est vrai, répondit la princesse des Laumes, puisque tu l'as invité cinquante fois et qu'il n'est jamais venu… ».) …
· Enfin l'écriture est saisissante.
o Il y a de magnifiques descriptions,
o des comparaisons innombrables,
o une richesse de vocabulaire témoignant d'une immense culture,
o un style collant parfaitement à l'expression des méandres des états d'âme du héros (remarquable mélange des styles direct et indirect libre, par ex dans les pages où Swann a envie de retrouver Odette à Compiègne et dialogue avec lui-même : « Alors, je n'ai plus le droit de voyager ! » lui dirait-elle au retour, tandis qu'en somme c'était lui qui n'avait plus le droit de voyager ! ).
o de l'humour aussi, surtout dans les dialogues rapportés (ex : les traits d'esprit féroces de la princesse des Launes : « ces Cambremer ont un nom bien étonnant. Il finit juste à temps, mais il finit mal ! dit-elle en riant.
– Il ne commence pas mieux, répondit Swann.»…)

MAIS….
· L'analyse psychologique est si poussée, si minutieuse, qu'elle en devient insupportable, assommante.

o Cette introspection permanente devient de l'égocentrisme, pour ne pas dire du nombrilisme !

o Il n'y a pratiquement aucune action pour soutenir l'attention…

o Et la très intéressante réflexion philosophique sur la mémoire et le temps, qui fonde l'ensemble de la Recherche, est malheureusement pratiquement absente dans ce tome, ainsi que le rôle de l'écriture !

· Dans le domaine sociologique, déception aussi :

o dans ce tome, je note l'absence de tout cadre politico-historico-économique. Il n'y a aucune date, aucun contexte, aucune précision. de quoi vivent, par exemple, ces personnages, riches et oisifs, capables d'offrir voyages et rivières de diamants à leur maitresse, et allant de soirées en opéras ? Où est le reste de la société ?

o Aux antipodes du réalisme, Proust prend le parti de faire passer toute réalité à travers le prisme d'une vision personnelle, ici celle de Swann. Mais cette approche est du coup, à mes yeux, très réductrice…

· Quant à l'écriture…

o Pour une belle page, où une belle sensibilité s'exprime, combien de longueurs, de lourdeurs, de pages de trop !

o Combien de phrases qu'il faut relire 2 fois, et qui restent parfois incompréhensibles ! Moi, je suis adepte du « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement… » de Boileau, et j'ai toujours refusé de penser que complexité et obscurité étaient synonymes de profondeur !

Bon, j'ai vieilli… (L'oeuvre aussi, peut-être ?... !) Pardonnez ma franchise, mais je n'ai plus de temps à consacrer à ce type de lecture, qui ne m'intéresse plus que médiocrement, car trop coupé de mes centres d'intérêt. J'ai l'impression de perdre mon temps, et d'avoir tant d'autres choses à faire et à lire, plus importantes et plus urgentes… !

Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}