Citations sur Les vaines tendresses Études et Portraits littéraires, p.. (7)
Ces vers, je les dédie aux amis inconnus,
À vous, les étrangers en qui je sens des proches,
Rivaux de ceux que j’aime et qui m’aiment le plus,
Frères envers qui seuls mon cœur est sans reproches
Et dont les cœurs au mien sont librement venus.
Ô fleurs ! puisse longtemps votre annuel retour,
Par qui le soir du monde à son aube ressemble,
Rajeunir l’idéal et raviver l’amour ! (La révolte des fleurs)
" Ce qui dure "
Le présent se fait vide et triste,
Ô mon amie, autour de nous;
Combien peu du passé subsiste!
Et ceux qui restent changent tous:
Nous ne voyons plus sans envie
Les yeux de vingt ans resplendir,
Et combien sont déjà sans vie
Des yeux qui nous ont vus grandir!
Que de jeunesse emporte l'heure,
Qui n'en rapporte jamais rien!
Pourtant quelque chose demeure:
Je t'aime avec mon coeur ancien,
Mon vrai coeur, celui qui s'attache
Et souffre depuis qu'il est né,
Mon coeur d'enfant, le coeur sans tache
Que ma mère m'avait donné;
Ce coeur où plus rien ne pénètre,
D'où plus rien désormais ne sort;
Je t'aime avec ce que mon être
A de plus fort contre la mort;
Et, s'il peut braver la mort même,
Si le meilleur de l'homme est tel
Que rien n'en périsse, je t'aime
Avec ce que j'ai d'immortel.
Si peu d’œuvres pour tant de fatigue et d’ennui !
De stériles soucis notre journée est pleine :
Leur meute sans pitié nous chasse à perdre haleine,
Nous pousse, nous dévore, et l’heure utile a fui…
(...)
(Le temps perdu)
Tu les feras pleurer, enfant belle et chérie,
Tous ces bambins, hommes futurs,
Qui plus tard suspendront leur jeune rêverie
Aux cils câlins de tes yeux purs.
Ils aiment de ta voix la roulade sonore,
Mais plus tard ils sentiront mieux
Ce qu'ils peuvent à peine y discerner encore,
Le timbre au charme impérieux;
Parfois un vers, complice intime, vient rouvrir
Quelque plaie où le feu désire qu'on l'attise;
Parfois un mot, le nom de ce qui fait souffrir,
Tombe comme une larme à la place précise
Où le coeur méconnu l'attendait pour guérir;
Quel est l'ami qui sans colère
Se voit pour d'autres négligé?
Qu'on méconnaît sans lui déplaire,
Si bon qu'il n'en soit qu'affligé?
Quel ami dans un précipice
Nous joint sans espoir de retour,
Et ne sent quelque sacrifice
Où la mère ne sent qu'amour?