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Critique de Rodin_Marcel


Puzo Mario (1920-1999) – "Le Sicilien" – Robert Laffont, 1985 (ISBN 978-2221009840) (trad. de l'original "The sicilian" pubié en 1984)

J'avoue qu'à l'époque de la publication de ce roman policier, je n'y avais prêté aucune attention : après le battage publicitaire organisé autour du précédent roman de cet auteur, intitulé "Le Parrain" (original publié en 1969, trad. française publiée en 1970), puis autour du film tiré de ce même roman, il y avait de quoi renoncer, tant ceci apparaissait comme un pur produit de l'industrie romanesque kilométrique états-unisienne et hollywoodienne. Il aura fallu que je me retrouve fort imprudemment loin de mon antre et démuni du moindre livre pour me résoudre à lire ce volume.

Je dois reconnaître que ça se lit bien, avec une intrigue à la "Robin des bois" habilement menée et pleine de rebondissements. L'auteur sut mobiliser les bonnes vieilles ficelles du roman de cape et d'épée (évocation à plusieurs reprises de la légende de Charlemagne et Roland) pour mettre en scène ce bandit redistribuant aux pauvres ce qu'il prend aux riches, tout en défiant les autorités légales corrompues (genre Zorro). Jusque là, rien de bien neuf.

L'originalité provient de l'insertion, dans un telle trame, d'une façon de présenter l'histoire de la Sicile et de la Mafia dans la période qui couvre l'ère mussolinienne, passe par Libération par les troupes états-unisiennes en 1943 et va jusqu'à la reconstruction d'un État dit démocratique (les titres des chapitres arborent d'ailleurs des dates précises : 1950 ou 1943).

Dans les pages 114 à 119, l'auteur nous livre une interprétation de l'histoire de la Sicile et de la Mafia dans ces années-là, quelque peu simplifiée (si ce n'est simpliste) mais qui ne doit pourtant pas être bien loin de la vérité si l'on en juge par la situation actuelle : la Mafia est toujours là, elle a survécu à toutes les opérations "mani pulite" et continue d'assassiner en toute quiétude et impunité les juges un peu trop curieux (seuls les lampistes trinquent, ils sont là pour jouer leur rôle d'humbles fusibles). Tout juste soupçonnera-t-on que la mafia sicilienne est suffisamment affaiblie pour laisser une certaine place aux autres groupes mafieux d'autres régions italiennes.

La thèse de Puzo tient en quelques points (voir citations) :
dans un premier temps, le régime fasciste de Mussolini tenta d'éradiquer la mafia sicilienne car elle constituait un État rival intolérable dans un État fasciste ;
avec les revers consécutifs à la Deuxième Guerre Mondiale, le régime se vit obligé de concentrer son attention et ses forces sur d'autres fronts ;
la mafia en profita immédiatement pour relever la tête ;
au débarquement des troupes états-unisiennes, la Mafia était prête, et s'arrangea pour substituer aux représentants de l'appareil d'état mussolinien des maires et édiles tout droit sortis des rangs mafieux ;
largement incarné par des citoyens italo-américains, le commandement états-unisien ferma les yeux sur ce retour au pouvoir de la Mafia, et l'encouragea même.

Plus profondément, l'auteur montre combien une démocratie, empêtrée dans sa volonté de défendre les droits et libertés de tous ses citoyens, ne sait pas se défendre face à un groupe mafieux.

Ces thèses plutôt catégoriques seraient certes à nuancer, mais il suffit de voir aujourd'hui comment ces interminables procès relatifs à de gigantesques fraudes (fiscales, environnementales, etc) ou à d'autres agissements délictueux s'enlisent ou aboutissent à des non-lieux (le juge qui ne voit absolument rien à reprocher à Strauss-Kahn et son copain Dodo-la-Saumure) pour penser que vraiment rien n'a changé, bien pire, que cela aurait même tendance à empirer avec ces élites se gargarisant de mondialisation ?

Aucun doute : les mafias adorent la démocratie... les groupes terroristes aussi...
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