Pour dire le vrai, je n'ai pas beaucoup aimé ce texte qui, en brodant sur un évènement bien connu de la vie de
Whitman, nous présente une vision aseptisée et bien pensante du grand poète américain. On croirait par certains moments lire une de ces Vie des Saints, remplie de chromos édifiants. La lourde insistance de l'auteur à vouloir nous présenter
Whitman comme "fils de charpentier et lui-même charpentier" (suivez mon regard) dit assez bien l'intention du livre. Ou du moins, l'une de ses intentions. Comme également le silence assourdissant sur tout ce qui est sexualité, alors que c'est un des thèmes majeurs de l'oeuvre de
Whitman,
Feuilles d'Herbes ayant été jugé "obscène" par une grand partie de la critique et du public, au point de coûter un de ses emplois à
Whitman. Et que bien sûr la sexualité de
Whitman ait été au minimum ambivalente, certains de ses poëmes ne laissant que peu de doutes sur ses préférences. Pas un mot non plus sur l'engagement de
Whitman en faveur de l'égalité absolue entre hommes et femmes qu'il considérait comme la base d'une future démocratie réelle en Amérique.
Inutile de dire que
Whitman n'a jamais été charpentier, même si on imagine qu'il a pu occasionnellement donner un coup de main à son père. Il a successivement ou en parallèle été imprimeur, professeur, éditeur ou contributeur de revues et employé du gouvernement. Et écrivain bien sûr, et avant tout.
Si vous supportez ce révisionnisme "catho tradi" assez agaçant, ce court roman présente tout de même quelques solides qualités, en particulier dans sa seconde partie où les conséquences des boucheries de la guerre de Sécession sont évoquées avec des accents que
Dante n'aurait pas reniés. le style alterne de vrais moments de grâce et de poésie et quelques lourdeurs étonnantes. Et pour information ce n'est pas neuf jours que
Whitman passa à s'occuper des blessés de guerre mais près de trois ans, en alternant ce rôle avec un emploi dans l'administration fédérale, ce qui est suggéré de manière un peu trop implicite à la fin du livre.