Double découverte pour moi l'auteur Barlen Pyamootoo , île Maurice, et Walt Whitman l'un des grands poètes américains du 19 è siècle.
1862 , le 16 décembre, Walt Whitman apprend en lisant le journal que son frère George a été blessé lors de la bataille de Fredericksburg. Ni une ni deux, baluchon à l'épaule, il quitte Brooklyn pour Washington où son frère doit être hospitalisé. 9 jours durera ce périple et sa vie sera bouleversée.
J'ai beaucoup apprécié l'écriture de Barlen Pyamootoo. Sensibilité, justesse de ton, respect sans aucun doute de la personnalité et de la pensée de Walt Whitman tout sonne juste. Un auteur que je vais suivre c'est certain, un poète que je ne peux qu'aller découvrir.
Brooklyn, 1862, le poète Walt Whitman lit dans un quotidien le nom de son frère George parmi les blessés de la bataille de Fredericksburg. Il décide de se rendre à son chevet, tout en craignant le pire, et au terme d'un périple en train et en bateau, il parcourt les hôpitaux de Washington à la recherche de son frère cadet. Ses connaissances d'infirmier et sa grande empathie pour les souffrances humaines l'incitent à proposer ses services, tout en continuant à chercher George.
Sur un sujet ténu, Barlen Pyamootoo, auteur mauricien, et certainement grand admirateur du poète américain, conduit un très beau récit qui doit reposer autant sur les écrits de Whitman que sur sa propre imagination. L'important n'est pas de savoir ce qu'il a créé de toutes pièces, mais de s'immerger avec lui totalement dans l'époque et les lieux visités, de partir avec Walt Whitman à la recherche de son frère et de son inspiration perdue.
Il y a des livres dont on parle partout, et les autres, ceux qui se font discrets, et qui restent à l'ombre, mais pourtant quel dommage, lorsque ce sont des petites merveilles comme celle-ci ! Il est sorti au printemps dernier, et peut-être le moment était-il mal choisi, car si Dominique n'avait pas écrit un billet très tentateur sur ce court roman, il me serait sans doute resté inconnu. le style un peu déroutant au début, original, sobre et poétique, s'accorde pleinement au sujet. Même les voyageurs d'un train de New York à Philadelphie semblent être des poètes ! Cette très belle écriture m'a rappelé Ali Zamir et Dérangé que je suis.
Et puis, il y a le personnage principal, un homme profondément bon, plein d'humanité, et pour qui nul n'est inférieur ou négligeable… Il semble déteindre sur son entourage, et les gens qu'il croise participent de cette humanité. Inutile de dire que cela fait du bien, ce genre de personnage. Toutefois, les réalités de la guerre de Sécession, les bruits, les cris et les odeurs ne sont pas absents du roman, ni bien sûr les paysages qui inspiraient auparavant le poète.
Le sujet (le poète, la guerre et la création) m'a donné envie de lire ce roman, mais je n'en resterai pas là avec cet auteur !
Pour dire le vrai, je n'ai pas beaucoup aimé ce texte qui, en brodant sur un évènement bien connu de la vie de Whitman, nous présente une vision aseptisée et bien pensante du grand poète américain. On croirait par certains moments lire une de ces Vie des Saints, remplie de chromos édifiants. La lourde insistance de l'auteur à vouloir nous présenter Whitman comme "fils de charpentier et lui-même charpentier" (suivez mon regard) dit assez bien l'intention du livre. Ou du moins, l'une de ses intentions. Comme également le silence assourdissant sur tout ce qui est sexualité, alors que c'est un des thèmes majeurs de l'oeuvre de Whitman, Feuilles d'Herbes ayant été jugé "obscène" par une grand partie de la critique et du public, au point de coûter un de ses emplois à Whitman. Et que bien sûr la sexualité de Whitman ait été au minimum ambivalente, certains de ses poëmes ne laissant que peu de doutes sur ses préférences. Pas un mot non plus sur l'engagement de Whitman en faveur de l'égalité absolue entre hommes et femmes qu'il considérait comme la base d'une future démocratie réelle en Amérique.
Inutile de dire que Whitman n'a jamais été charpentier, même si on imagine qu'il a pu occasionnellement donner un coup de main à son père. Il a successivement ou en parallèle été imprimeur, professeur, éditeur ou contributeur de revues et employé du gouvernement. Et écrivain bien sûr, et avant tout.
Si vous supportez ce révisionnisme "catho tradi" assez agaçant, ce court roman présente tout de même quelques solides qualités, en particulier dans sa seconde partie où les conséquences des boucheries de la guerre de Sécession sont évoquées avec des accents que Dante n'aurait pas reniés. le style alterne de vrais moments de grâce et de poésie et quelques lourdeurs étonnantes. Et pour information ce n'est pas neuf jours que Whitman passa à s'occuper des blessés de guerre mais près de trois ans, en alternant ce rôle avec un emploi dans l'administration fédérale, ce qui est suggéré de manière un peu trop implicite à la fin du livre.
A petits pas, je suis entrée dans ce livre, tout petits mêmes. Je l'ai trouvé tout d'abord maladroit, des formes un peu lourdes, des temps approximatifs, une approche complexe et puis..
miracle, le récit m'a emportée.
Walt Whitman, le poète de mes études ..-- j'ai racheté un exemplaire de son oeuvre majeure récemment – était bien là, précis et tendre.
Le point de départ de ce court récit est l'épopée de Walt Whitman, parti à la recherche de son frère George, blessé à la bataille de Fredericksburgh pendant la guerre de Secession.
Laissant sa famille à New York, Walt a plus de quarante ans, il s'embarque pour Washington, train et bateau, rencontre des soldats et des amis perdus de vue, craint de trouver son frère mal en point, et arrive sur les lieux dans un état plutôt dépressif.
Il retrouve George en pleine santé, contrairement aux soldats autour, se sent parfaitement inutile et décide de venir en aide à tous ces malheureux blessés, à l'article de la mort pour certains.
Ils échangent, parlent de leur vie avant, il les écoute, prend des notes : c'est l'occasion de la description des moments précieux qu'ils gardent en souvenir, des paysages de leur jeunesse, des repas pris en famille, des espoirs d'une vie meilleure mis à mal par ces amputations et ces blessures qui ne se refermeront jamais.
Des passages très poétiques mêlés à ceux beaucoup plus rudes des morts prochaines inéluctables.
Un petit livre qui laissera des traces et me fera rouvrir « leaves of grass ».
Je connais mal Walt Whitman et je pense que certaines allusions dans le récit m'ont échappées. Mais le texte est magnifique et sensible. Comment l'auteur, mauricien, que je ne connais pas non plus a t-il imaginé ce récit. Mais l'a t-il imaginé ?
Avant toute chose, se dit-il en reprenant le fil de ses idées, ce que son père lui a appris, c’est de dire avec tes propres mots ce que tu penses au fond, même quand personne ne t’écoute vraiment, et c’est tant mieux si tu finis par te contredire, le monde te semblera alors plus vaste et plus varié que tu ne l’imaginais. Il lui a aussi transmis quelque chose comme l’amour des gens du peuple et la foi en la démocratie, et c’est bien pourquoi il a fait paraître la toute première édition des Feuilles d’herbe le jour de l’indépendance de son pays, ce qui a beaucoup plu à son père et peut-être même atténué ses souffrances, en tout cas sa joie faisait plaisir à voir quand il lui a offert son livre. Il l’a humé comme l’air frais du matin et caressé du bout de ses doigts amaigris par la maladie avant de l’ouvrir et de le parcourir, les yeux voilés de larmes. Mon cœur se remet enfin à battre, lui a-t-il confié d’une voix étouffée, et maintenant je peux partir en paix, sans le moindre regret.
C’est qu’ils sont généralement taiseux, ceux qui reviennent de la guerre. C’est comme revenir de l’enfer après y avoir enterré ses rêves d’innocence et appris sur soi-même des secrets qu’on ne dévoilera jamais. Et ça donne une bande de gosses désemparés dans un monde devenu trop vieux pour eux. Et bien entendu aucun moustachu parmi eux pour lui rappeler George.
Toute une vie en à peine deux semaines, se dit-il en regardant une dernière fois vers le camp qui apparaît en contrebas. Les arbres semblent s’être rapprochés des tentes comme pour former des barreaux d’une prison. Il y a deux semaines, se souvient-il, je flânais dans les rues de Brooklyn et de Manhattan, les mains enfouies dans les poches de mon pantalon. J’aimais les pas nonchalants et les rigueurs de l’hiver, puis un jour j’ai quitté la maison familiale, convaincu d’y retourner le lendemain avec George, et maintenant tout me paraît si loin, comme sur un autre continent. C’est frappant de s’apercevoir à quelle vitesse on peut changer de vie.
Rien de tel que la vue des flots et l’odeur du rivage pour vous requinquer. Il relève le rabat de son chapeau vers l’arrière pour mieux admirer les docks et leurs murs de granit brut, les ateliers où l’on coule du métal, les cheminées avec leurs panaches de fumée âcre, les quais en bois grossier où picorent des oiseaux à bec noir et les bateaux à l’ancre qu’en un moment d’extase il longe à grands pas.
Mourir en dormant, si toutefois il parvient à fermer les yeux, pense-t-il en hochant la tête pour la remercier et en se mordant les lèvres pour s’empêcher de pleurer quand elle lui souhaite une bonne nuit et de beaux rêves, et s’éveiller, s’il n’est pas abandonné de Dieu, ailleurs que sur un champ de bataille ou un lit d’hôpital.
Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell