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Critique de Domichel


Un livre de photos urbaines est par essence un peu difficile à raconter, et y apporter une critique constructive paraît secondaire.
Celui déposé au pied de mon sapin à Noël est un fort beau livre par la qualité de sa présentation, couverture rigide, vernis mat, intérieur papier de bon grammage, couché semi-brillant qui donne un bel aspect aux photos en grande quantité. Sur la page de gauche une première photo début XXe siècle (en noir & blanc), en regard sur la page de droite une autre de la même perspective début XXIe siècle (en couleurs) ; chaque double-page est légendée à gauche en anglais et à droite en français. Un petit reproche cependant, les prises de vues ont du être effectuées dans un délai très court ; en effet certaines photos sont gâchées par des événements ponctuels comme un camion de déménagement cachant une perspective, ou des tentes dressées sur la place principale masquant ainsi la fontaine la plus remarquable de la ville ! Il était certainement possible de revenir quelques jours plus tard pour reprendre la photo plus dans son contexte véritable. C'est un peu dommage…
Passé l'aspect technique, l'ouvrage que je viens de terminer porte sur ma bonne ville de Nantes, à laquelle je voue une affection particulière. “Petit-Beurre” de naissance depuis plusieurs générations, je suis très attaché au berceau qui a vu naître Jules Verne, Pierre Cambronne, Aristide Briand, Anne de Bretagne ou encore Claire Brétécher, et quelques autres…

Nantes a subi de nombreuses transformations, car au-delà de ces villes côtières qui ont beaucoup souffert des bombardements de la seconde guerre mondiale, elle est traversée par la Loire qui par de nombreux bras errants au fil des caprices géologiques et à la confluence de l'Erdre (dont François 1er avait dit qu'elle était la plus belle rivière de France), ma ville donc, était surnommée jusque dans les années '20 “ la Venise de l'Ouest”, en raison des nombreuses îles la composant. Or à partir des années '30 les différents bras de Loire ont été comblés et l'Erdre détournée dans son dernier kilomètre pour rejoindre en souterrain la Loire plus en amont. Ces comblements, ont eu pour conséquence d'unifier les différents quartiers, cependant l'architecture et les noms des rues, allées, avenues, cours, quais, rappellent toujours l'ancien tracé qui date de moins d'un siècle.

À partir de là, les différentes photos, prises du même endroit et à 100 ans d'intervalle ne manquent pas d'intérêt et figurent bien les changements de cette ville dont la vie s'articulait autour de l'eau, et qui est traversée maintenant par des flots de véhicules, de la trottinette folle au tramway imposant, (encore que de ce côté-là, l'accès au centre est plus marqué par les interdictions que dans le passé). Les immeubles épargnés par les bombardements ont peu changé, ce qui est bien ; ceux reconstruits après guerre dans l'urgence étaient plus fonctionnels que remarquables ; et les plus récents marquent le manque d'imagination des architectes qui préfèrent les blocs de béton aux meurtrières verticales que les immeubles de caractère.
En de nombreux endroits la végétation a considérablement profité et cache aujourd'hui des bâtiments dégagés auparavant. Et de nouveaux quartiers se sont développés aux abords du port dont la construction navale a disparu et les bateaux apportant les denrées autrefois ont été remplacés par des containers arrivant par la route ou le train. Outre la différence dans le traitement des photos noir & blanc et couleur, la mode et les véhicules ont considérablement changé, et il faut prendre le temps d'examiner en détail les immeubles pour mesurer leurs réfections et les enseignes aujourd'hui disparues.
Sans tomber dans un passéisme béat, on ne peut s'empêcher de trouver une vraie poésie dans ces vieilles cartes postales, à travers ces gens qui traversaient tranquillement une rue et s'arrêtaient pour regarder le photographe, voire prendre la pose ; les vieux tramways ou trains traversant la cité n'étaient pas si massifs et croisaient encore des charrettes à bras ou des haquets tirés par des chevaux. L'architecture s'inventait dans l'élégance et la recherche, les boutiques étaient habillées de bois sculpté et les peintres en lettres exerçaient leur talent au fronton des magasins avant l'apparition des néons aux couleurs violentes.
À l'inverse, la vie trépidante ne laisse plus le temps au gens de lever le nez pour voir l'authentique autour d'eux. Les parkings envahissent les espaces verts qui disparaissent tous les jours un peu plus. Les magasins sont tous les mêmes et pas seulement à Nantes. Allez faire un tour à Bordeaux, à Tours ou Aix-en-Provence, les mêmes chaînes de magasins y essaiment et le caractère de chaque cité disparaît derrière l'uniformité du consumérisme galopant. « C'était mieux avant ? » oui en quelque sorte, mais ne boudons pas notre plaisir de voir notre ville changer en mieux par certains aspects grâce à de nombreux équipements modernes.
Si vous ne connaissez pas Nantes, venez-y et arpentez les rues avec à la main un de ces livres qui vous feront revivre un passé pas si lointain mais déjà empreint de nostalgie.
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