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Critique de panurge


DEUX TENEBREUSES AFFAIRES
Place tout d'abord à la marquise de Brinvilliers (1630-1676)....
Marie-Madeleine Anne d'Aubray, violée à 7 ans, entretenant des relations incestueuse avec ses frères, richement dotée, mariée à un joueur coureur de jupons, amante passionnée de Godin de Sainte Croix, alchimiste, menant à l'excès une vie de luxe, mangeant sa fortune, soupçonnée d'avoir empoisonné son père, ses deux frères et sa soeur...
Un quadruple assassinat perpétré à l'aide d'un poison dont elle a appris à connaître les effets, à contrôler l'activité à administrer sans que son action puisse être mise en évidence à l'ouverture du corps...comme en témoigne le contenu du coffret-lettres et fioles compromettantes-, assurance vie et moyen de chantage de l"'excellent" Sainte-Croix, toujours soucieux de préserver sa vie et ses intérêts.
Marie-Madeleine avoue, retrouve la foi et meurt sereinement, en quasi odeur de sainteté, sous l'épée du bourreau..Le corps et la tête sont alors brûlés au bûcher (on n'y allait pas de main morte à cette époque !).

Telle Saint Denis, la marquise sort de scène...Entre maintenant La Voisin...
Catherine Deshayes (1640-1680), chiromancienne, empoisonneuse, "faiseuse d'anges", pratiquante à sa façon-les messes noires dites par l'abbé Guibourg et auxquelles elle aurait participé s'accompagnaient de mise à mort d'enfants-...
La Voisin, figure emblématique d'un réseau de "devineresses", avorteuses, empoisonneuses, alchimistes, adoratrices de Satan, réseau mis à jour par le lieutenant général de Police La Reynie (1625-1709) aidé de l'exempt Desgrez-véritable prototype du flic enquêteur façon PJ-,extraordinaire réseau de malfaiteurs, affaire criminelle hors normes qui tourne rapidement au scandale d'Etat.
L'affaire des Poisons prend alors son envol (1679-1682).
Elle entremêle crédulité (prédiction de l'avenir, retour d'affection, passion amoureuse, gains au jeu, martingales, rendus de décisions de justice, mort (s) à venir...tout ce qui fait le décor d'une vie se déplaçant sur l'estrade*), drames liés aux grossesses non désirés (La Voisin déclarera avoir mis au four ou enterré plus de 2500 foetus-Wiki), meurtres (maris imposés, dangereux, fous, trop vieux, rivales détestées, besoins d'argent, réglements de comptes lors des successions....), pratiques en rapport avec la sorcellerie donc avec l'adoration du Malin.
On y trouve donc des marginaux citadins jeteurs de sorts, assassins, pervers défroqués qui fournissent les services en fonction de telle ou telle demande formulée par des personne- majoritairement des femmes- issues de toutes les couches de la société, y compris la Cour.
Une Chambre Ardente, tribunal criminel exceptionnel, est créée.
Au fur et à mesure des aveux, des noms apparaissent-Madame de Vivonne, Madame des Oeillets, Madame de Dreux, le Maréchal de Luxembourg....
Toute personnne suspectée peut faire l'objet d'une lettre de cachet, d'une prise de corps, d'un embastillement. Rien n'arrête la Justice du Roi...surtout qu'à travers celle-ci se dessine une lutte politique entre Louvois et Colbert.
Survient alors l'inimaginable, l'improbable, l'impossible...Madame de Montespan (1640-1707), maîtresse en titre du Roi Soleil, à la faveur déclinante aurait eu recours aux messes noires pour empêcher (jusqu'où ?) Louis XIV de la quitter. Certaines informations deviennent confidentielles, uniquement connues de la Reynie, Louvois, et du Roi.
Les châtiments seront terribles : 36 condamnations à morts ; mise au secret sans jugement (la Chambre est dissoute) de toutes les autres accusatrices et accusateurs de la Favorite-donc du Roi-dans des forteresses inexpugnables et dans des conditions épouvantables d'incarcération.
Le 22 février 1680, la Voisin est brûlée vive.
Fin et sortie de la Locuste** parisienne.
Cette terrible épopée criminelle, mélange baroque d'atrocités épouvantables sur fond de misère humaine et d'obscurantisme intellectuel, est remarquablement racontée par Claude Quétel.
L'historien montre comment le poison sert de révélateur à la souffrance individuelle et collective, aux appétits inhumains, met fin à l'âge des sorciers, fait entrer la Société dans le monde de la police et de la sanction criminelle, reflète l'évolution de la pratique du pouvoir royal, dessine une nouvelle image du roi soleil dont la devise "nec pluribus impar" exige la perfection.
il sait aussi raconter les détails, les passions, les intérêts, les ascensions et les chutes....
Enfin son ton, sa façon d'articuler les épisodes ont un goût de polar particulièrement agréable...
Un tour de force pour une aussi terrible histoire !



*Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau : la vie n'est qu'une ombre qui marche ; elle ressemble à un comédien qui se pavane et s'agite sur le théâtre une heure ; après quoi il n'en est plus question ; c'est un conte raconté par un idiot avec beaucoup de bruit et de chaleur, et qui ne signifie rien (Macbeth-Acte V, scène V).
**Empoisonneuse de la Rome antique, au premier siècle ap. J.-C.
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