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Critique de Lucilou


J'ai dû apprendre à aimer les tragédies classiques et celles de Racine. Leur rigidité formelle, leur sacro-sainte règle de trois… Tout cela me laissait une impression de froideur et pire encore : me laissait froide. C'est que j'avais rencontré le drame romantique, et les tragédies antiques. Et Shakespeare. Surtout Shakespeare.
Un jour de désœuvrement, j'ai toutefois ressorti Racine de ma bibliothèque pour lui redonner une chance, sans trop savoir pourquoi. Je venais de finir le très beau roman « Titus n'aimait pas Bérénice » et je le soupçonne de m'avoir poussé vers les volumes classiques de ma bibliothèque…
Cette fois, je suis entrée dans l'oeuvre sans mal et pour la première fois, la beauté des vers m'a frappé. Je me suis plu à les lire à voix haute, à les chuchoter voire à en répéter certains. Racine est un orfèvre, mais un orfèvre qui fait dans la pureté, dans la limpidité… Et puis, et c'est là le point de où se réunissent ma surprise et mon éblouissement, cette perfection formelle n'est pas sans feu, ni sans douleur. Pour la première fois de ma vie, j'ai été percutée de plein fouet par une tragédie classique, par sa beauté et par sa violence feutrée. J'ai éprouvé la douleur, la colère, la haine des personnages. Avec eux, comme eux, j'ai été engloutie par les passions interdites et aussi interdites soient-elles, je les ai accompagné jusqu'au bout.
L'argument de la pièce est connu, Racine l'a emprunté. Il l'a sculpté à sa manière. Phèdre, l'épouse du roi Thésée s'est éprise d'Hyppolyte, le fils de ce dernier. Amour incestueux et donc impossible… Pour la souveraine, la passion côtoie l'épouvante, puis le dépit… car le jeune homme la rejette : aimer l'épouse de son père ? Trahir son père et son roi du même coup ? Faire rougir les dieux ? Et puis… quand bien même… il n'aime pas Phèdre, qui l'effraie avec sa déclaration et l'amour fou qui surgit de son regard et son instinct de possession. Non, lui, c'est Aricie qu'il aime, la jeune et belle, et pure Aricie. Leur amour est bien réel et sans noirceur… Phèdre alors passe du désespoir à la haine et ce qui pourrait être un triangle amoureux banal touche au sublime et à la fureur, magnifié par la langue de Racine.
J'avais dit « jamais ! » et pourtant, je me suis inclinée… Et pourtant, j'ai aimé ! La deuxième chance fut la bonne.
Toutefois, ce nouvel amour n'en replace aucun et c'est un amour sage et sans tempête, quand je le compare à ma passion pour Shakespeare et les drames romantiques…

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