AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colka


La lecture de ce roman m'a donné l'impression de plonger en apnée...
Plongée en apnée dans les arcanes du monde de la musique classique.
Plongée en apnée dans un drame familial aux accents de tragédie classique.
La narratrice, Ariane Claessens, grande pianiste à la renommée internationale, nous invite à la suivre dans les "dédales" de cette histoire qui a la noirceur d'un récit mythologique. Elle occupe le devant de la scène, tel un coryphée,et nous entraîne dans un sombre univers. Sa voix est forte et son regard acéré lorsqu'elle descend en flammes toutes nos idées reçues sur le monde aseptisé des grands solistes ou chefs d'orchestre internationaux. La fosse d'orchestre ? "Une arène" comme le lui souffle à l'oreille, son père, depuis qu'il est devenu directeur musical de l'OSR à Genève. L'orchestre ? "Une meute" dont il a fait la conquête à la manière d'un chef de guerre.
Dans ce monde de requins qui est aussi celui de l'entre-soi, Ariane Claessens s'est forgé une personnalité d'airain, frôlant l'alexithymie, derrière laquelle elle dissimule une fragilité névrotique qui la paralyse littéralement avant d'entrer en scène. J'ai été impressionnée par la façon dont l'auteur dissèque au scalpel les mécanismes de la peur. Ces passages sont oppressants et l'on partage vraiment ces moments de crise intense, de peur du vide, juste avant la chute ou la remontée providentielle à la surface.
J'ai beaucoup aimé aussi la façon dont il s'empare du mythe littéraire du "chien noir" pour incarner l'angoisse de son héroïne lors des moments qui précèdent chaque concert. C'est un petit chef d'humour noir !
Coup de chapeau également à la construction du roman qui permet de distiller à petites doses, le poison de ce drame familial, où le fameux Opus 77 de Chostakovich va faire figure de main du destin. C'est en effet, David, violoniste de génie et frère d'Ariane, qui doit l'interpréter sous la direction de son père, Claessens. Une scène superbe, fragamentée, à laquelle s'entremêlent des souvenirs d'enfance d'Ariane et de son frère, ainsi que des passages relatant le douloureux cheminement de Claessens vers la mort.
On ne peut imaginer famille plus dysfonctionnelle que celle des Claessens, une fois tombé le masque trompeur des apparences : le père narcissique et destructeur, la mère Yaël, une soprano qui va sombrer dans la dépression et la folie et le fils David qui va choisir le violon plutôt que les mots pour s'exprimer. Ce qui pourrait paraître caricatural ne l'est pas, car tout est évoqué par petites touches appuyées certes, mais rien n'est jamais certain, il subsiste des blancs, des doutes dans ce récit du délitement familial. Ce qui me reste en mémoire, ce sont des scènes très fortes où éclatent la souffrance, la peur - celle des adultes, celle des deux enfants - mais aussi la complicité fusionnelle et quasi incestueuse qui unit Ariane et son frère.
Ce roman aux allures de thriller psychologique m'a donc beaucoup impressionnée et je me suis laissé happer très souvent par le suspense qui s'instaure, alors que l'on connaît dès le début l'issue tragique de l'histoire.
Un bémol pourtant... L'écriture paroxystique de l'auteur l'entraîne parfois vers des effets de style qui m'ont paru superfétatoires. le recours constant par exemple à "Vous m'avez compris maintenant, n'est-ce pas ?" m'a vraiment agacée. de même certaines scènes m'ont paru trop convenues, comme celle où David enfant choisit le violon d'un musicien au lieu de rejoindre son père au piano !
"fausses notes" que je regrette... En consolation, l'écoute de ce fameux Opus 77, magnifiquement décrit dans le roman !
Commenter  J’apprécie          556



Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}