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Le roman débute dans une basilique genevoise où un dernier hommage va être rendu au chef d'orchestre de l'OSR (Orchestre de la Suisse romande), à la renommée internationale. Sa fille Ariane Claessens, pianiste émérite, contrairement à ce qu'on attend d'elle, ne va pas entamer la marche funèbre traditionnelle en mémoire de son père, mais le concerto pour violon N°1 Opus 77 de Chostakovitch, Opus qui va rythmer la vie de cette famille et également le roman, avec ses cinq mouvements : Nocturne, Scherzo, Passacaille, Cadence et Burlesque.
C'est elle la narratrice et elle va nous conter l'histoire de ces Claessens, cette (sa) famille qui a la musique dans le sang. À travers ses souvenirs, elle nous fait vivre la rencontre de ses parents. Comment Claessens, nommé ainsi tout au long du roman, alors pianiste, de passage à Tel-Aviv pour y donner le concerto pour piano de Tchaïkovski, rencontre la classe d'art lyrique de l'Académie de musique et va remarquer cette jeune soprano, au vibrato exceptionnel : Yaël. Ils vont tomber follement amoureux.
Claessens deviendra rapidement un chef d'orchestre réputé. Si sa fille, la belle Ariane est reconnue également dans le monde entier pour ses talents de pianiste, c'est David son frère aîné, jeune violoniste très prometteur qui lors du prestigieux concours "Reine Elisabeth" pouvant lancer sa carrière, va commettre l'inimaginable. C'est cet évènement et cette rupture qui vont être la trame de ce roman.
L'auteur a su ménager de belle manière un suspense autour de ce fait et lorsqu'il va le décrire, en nous faisant revivre cette finale où David doit interpréter cet OPus 77 de Chostakovitch sous la direction de son père, c'est vraiment un moment magnifique et sublime que j'ai vécu sans pour autant être une mélomane avertie. J'ai été bouleversée par la manière dont Alexis Ragougneau a su faire passer un souffle de beauté et nous faire vibrer en totale harmonie avec ce musicien. Avoir entrelacé la vie de Chostakovitch, ce compositeur, jouet de Staline "écartelé entre la terreur et la répression" et l'interprétation de son Opus 77 par David m'a fait ressentir de façon éblouissante et véridique cette musique.
Ce livre où la tension est palpable du début à la fin tient à la fois du roman noir, du roman psychologique et du roman d'amour, amour tellement pur entre le frère et la soeur : "nous étions là, David et moi, comme toujours, comme depuis l'enfance, nous protégeant mutuellement de l'orage. le frère et la soeur, yeux fermés, blottis l'un contre l'autre, jouant avec les notes comme avec la pluie martelant le toit de notre refuge secret, de notre grotte." C'est aussi un livre sur l'incommunicabilité entre les êtres et tous ces sentiments sont rendus très justement, très finement et souvent avec beaucoup de sensualité. de fort belles pages d'ailleurs décrivent les mains et leur pouvoir, des passages émouvants sur le toucher.
Si, dans Opus 77, l'auteur excelle à nous faire partager son amour pour la musique classique, il n'hésite pas à écrire : " Dans le monde de la musique classique, il y a ceux qu'on appelle les connaisseurs. Si l'on veut faire carrière, il est indispensable de les caresser dans le sens du poil. Ce sont eux qui décident du sort des solistes en déterminant ce qui relève du bon et du mauvais goût. "
Si je n'ai pas été conquise dès le début, cela n'a pas tardé car l'intensité va crescendo et j'ai vite été happée, bousculée pour finir conquise par ce roman puissant et intense.
Un roman de la rentrée littéraire que je recommande chaleureusement et je remercie vivement les éditions Viviane Hamy et Masse critique de Babelio pour me l'avoir fait découvrir !

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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°°° Rentrée littéraire 2019 #15 °°°

Dans la famille « Dévorés par la musique », je demande :
- le père, Claessens, chef d'orchestre international, un monstre boursouflé de narcissisme et despote familial
- la mère, Yael, soprano jadis brillante et solaire, désormais décrépite et à moitié folle
- le fils, David, violoniste absolu fuyant prématurément la vie, reclus en ermite dans un bunker
- la fille, Ariane, pianiste star, flamboyante narratrice qui va dénouer sous nos yeux souvent stupéfaits l'écheveau familial telle l'héroïne grecque éponyme dans le labyrinthe du Minotaure

C'est elle qui nous fait plonger dans le psychodrame familial dès le premier chapitre, une première littéralement scotchante qui m'a happée sans préliminaires : une basilique genevoise, l'enterrement du père, une assistance recueillie qui attend qu'Ariane entame la marche funèbre traditionnelle, la stupéfaction lorsque ce sont les notes du concerto de Chostakovitch pour violon qui s'élèvent de son piano.

Ce fameux Opus 77 est en fait la clé, la pierre angulaire pour comprendre cette famille, ses excès de passion qui l'ont détruite, ses comportements obsessionnels qui confinent à la folie, ses actes terribles car irréversibles.
On assiste alors à une véritable mise à nu des Claessens, orchestrée brillamment à travers la voix sans filtre d'Ariane. C'est d'une telle crudité, d'une telle violence que cela laisse souvent le lecteur abasourdi. Comme un combat total pour dominer l'autre avec au coeur, la filiation et plus précisément la relation père-fils. Dans ce chaos des sentiments, le personnage d'Ariane apparaît vite comme exceptionnel, celui d'une femme dont la puissance se déploie à la fois en tant qu'artiste, soeur et fille. Fascinante.

Entre la richesse de l'histoire et celle des personnages, ce roman avait tout pour me séduire. La force de l'écriture d'Alexis Ragougneau a fini de m'emballer, une écriture qui a de la personnalité et du souffle, les mots claquent, sidèrent le lecteur à mesure que les souvenirs d'Ariane remontent et que le passé s'écorche. D'autant plus que l'auteur a choisi une composition de haute volée, le récit étant rythmé par les 5 mouvements du concerto qui forment autant de chapitres ( nocturne – scherzo – passacaille – cadence – burlesque ). Chacun traduit l'émotion qui traverse le récit à ce moment-là, comme une dramaturgie révélée crescendo, celle de l'individu face au rouleau compresseur de la famille et plus généralement des attentes de la société.

Nul besoin d'être musicien ou même mélomane pour apprécier ce roman, même si dans mon cas, ce magnifique m'a donné une envie furieuse de découvrir l'opus 77 de Chostakovitch. Ce que j'ai fait. Je n'en applaudi que d'autant plus la virtuosité de cet écrivain.

Une lecture qui reste et vit en mois plusieurs semaines après l'avoir achevée.
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J'avais été bouleversé, en 2015, par l'ouvrage de Hélios Azoulay « L'Enfer aussi a son orchestre. La musique dans les camps » qui rappelait comment la musique avait rapproché et opposé les déportés et leurs gardiens dans l'univers concentrationnaire et qui révélait que Viktor Ullmann avait écrit une oeuvre posthume en hommage à Jeanne d'Arc.
J'ai retrouvé cette même émotion en lisant les pages qu'Alexis Ragougneau consacre au Concerto pour violon n°1 en La mineur opus 77 composé par Dmitri Chostakovitch en 1948, époque stalinienne, et créé en 1955 par l'orchestre de Léningrad et David Oïstrakh violoniste.

Et j'ai vécu ici aux cotés de la famille Claessens l'enfer d'une vie carcérale provoquée par le délire paternel qu'un orgueil diabolique conduit au harcèlement psychologique qui détruira la mère, internera David, le fils traumatisé, et fera d'Ariane « le plus complexe, le plus indéchiffrable, le plus parfait automate créé de main d'homme. »

Obsédé par le réel, passionné par le beau, je suis émerveillé par ce véritable chef d'oeuvre écrit par un écrivain que j'ai eu la chance de rencontrer lors d'une récente séance de dédicace et dont je suis en train le lire les autres publications aussi variées que passionnantes.

Evénement littéraire de cette rentrée, Opus 77 permet de faire un saisissant parallèle avec ce que subissent des sportifs, des mannequins, des artistes, « fils de » célébrités (ou de ratés), qui, devenus des marionnettes, dans les mains de leurs géniteurs, sont détruits par l'obsession parentale et le fric et les drogues qui polluent ces univers artificiels encensés par les médias « people ».

Cri d'alerte contre tous les asservissements ce roman magnifique est à lire par chaque éducateur.
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Je voudrais tout d'abord adresser un très , très grand merci à Babelio et aux éditions Viviane Hamy pour l'envoi de ce superbe roman dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
Alors , premier point : c'est l'un des plus beaux romans que j'ai découverts en cette rentrée littéraire et , plus précisément, l'un des plus " émouvants " de ceux que j'ai lus cette année ( 107 à ce jour.... )
Bon , ça c'est fait , c'est pour mon ressenti émotionnel.
Deuxième point : la musique . Ça fait un peu peur , non , quand on n'est pas mélomane, de se lancer dans un ouvrage où la musique classique va résonner, sublime et intransigeante , du début à la fin , être la seule préoccupation de la famille Claessens .Rassurez - vous , je suis ignare en ce domaine et , pourtant , je me suis littéralement " envolé " sur un " tapis volant " de notes sublimes ....J'ai plané .
Troisième point , lisez les dernières phrases et portez votre regard sur cette superbe et intrigante jaquette ...Un oeil plein d'un je ne sais quoi de mystère , d'inquiétude, de questionnement , une dissimulation DERRIERE un instrument ...
Dernier point , j'ai lu plusieurs romans de monsieur Ragougneau et il s'avère que je les ai bien aimés...En matière de lectures , la fidélité à un auteur , ça compte ...
Oui , très bien , très bien tout ça mais de quoi est-il question ?.....Oui , j'y viens , j'y viens , deux minutes....
Dire que ça commence bien , c'est à voir car tout débute dans une basilique où l'on célèbre...les obsèques du grand , trés grand chef d'orchestre Claessens . C'est sa fille , Ariane , qui va lui rendre hommage en interprétant l'Opus 77 de Chostakovitch , à la plus grande surprise de l'assistance , vous verrez pourquoi .Vous ne connaissez pas l'Opus 77 ?ouah !!! La culture , alors ? Ben , pour tout vous dire , moi non plus mais on en apprend des choses au cours de ce roman , on y apprend notamment que ce compositeur et son concerto rythment la vie des Claessens ...Les Claessens . Celui qui git dans le cercueil, c'est lui , le père , un chef extraordinaire . Respecté , c'est certain , aimé , à voir . Il y a la narratrice , Ariane , la fille ,pianiste de talent , star des salles les plus célèbres au monde , jolie rousse au visage fermé , celle qui va tout nous dévoiler . Yael , l'épouse , dont les pensées ont quitté le monde et David , violoniste , sans doute le plus doué de tous , David dont l'oeil vous regarde sur la jaquette....
Une belle famille , liée par l'amour de la musique , le succès , la gloire .....Enfin , c'est ce qu'on dit ....car ce n'est pas si simple et , en tout cas ,trop long à vous expliquer là , maintenant , le soleil brille et je sors me promener ...Et vous ? Ben j'en ai dit assez non... Pour en savoir plus , c'est votre problème, vous n'avez qu'à vous lancer dans cette lecture . Vous verrez , je suis certain qu'à la fin , vous serez conquis et conquises et vous vous direz que je ne vous ai vraiment , mais vraiment pas donné une punition , au contraire .
Un coup de coeur pour moi et , à lire les critiques des ami(e)s babeliotes , un coup de coeur partagé.
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Merci à Babelio et aux Editions Viviane Hamy pour leur confiance.


Lors de la messe de funérailles du célèbre chef d'orchestre Claessens, sa fille, la narratrice, elle-même pianiste de renommée internationale, entame au piano la très difficile pièce pour violon et orchestre de Chostakovitch : Opus 77. Tous ceux qui comptent dans le monde de la musique classique sont réunis, comme pour un dernier spectacle où chacun s'observe, se jauge, guettant l'éloge ou la critique, prêt à basculer en un instant du sourire au coup de griffe. Tous, sauf David Claessens, le fils, violoniste prodige en son temps, devenu fils et musicien prodigues, en raison, d'une part de dévastateurs secrets de famille, d'autre part, de l'intransigeance de son art et de son indifférence aux conventions du Ghota musical.


Pendant qu'elle joue, Ariane Claessens se remémore : son enfance avec son frère David dans cette famille vouée à la musique, l'exigeant apprentissage du piano pour l'une, du violon pour l'autre, leur relation complexe à leur père, la lente destruction de leur mère, chanteuse lyrique peu à peu réduite au silence… Et surtout la griserie et les pièges de la dévorante célébrité, la pression et la peur de faillir, les règles d'un microcosme qui ne tolère aucune déviance à ses normes, une compétition impitoyable et sans fin où le talent ne peut percer et durer qu'avec la reconnaissance de la profession.


Tout le récit s'articule autour de cet Opus 77, composé par un Chostakovitch victime du totalitarisme soviétique, oeuvre dramatique et dissonante, véritable cri de rébellion contre la censure et l'oppression : « Jamais peut-être musique n'a davantage symbolisé le combat de la lumière face aux forces obscures. »


Car c'est précisément à ce combat entre ombre et lumière, qu'après y avoir vu leurs parents s'y brûler les ailes, se retrouvent confrontés le frère et la soeur. Ariane réussit à mener sa carrière, en choisissant la conformité et en murant ses états d'âme au plus profond d'elle-même, devenant « le plus complexe, le plus indéchiffrable, le plus parfait automate jamais créé de main d'homme ». David, dont le talent est tout à fait exceptionnel, mais parce qu'il fait fi des us et des avis de ses alter egos, s'exclut, s'isole et s'immole.


A travers cet excellent livre qui sait maintenir l'intérêt du lecteur de bout en bout, résonne toute la question de la liberté individuelle et artistique dans notre société, où les stratégies mercantiles, mais aussi la contrainte croissante du politiquement correct, finissent par lisser et formater la création.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un roman musical intense et poignant!

Ariane, pianiste soliste internationale nous conte l'histoire de sa famille : le père pianiste puis chef d'orchestre, la mère, cantatrice, et le frère David, qui choisit à six ans son instrument : le violon.

Ils sont beaux, ils sont doués, mais voilà l'image qu'ils renvoient au monde a un verso bien plus sombre.

Le seul mot que les enfants ont entendu de la bouche de leur père est « recommence !». Si la narratrice a malgré tout fait son chemin dans cet univers sans pitié, le fils lui s'en tire moins bien. Mutique, solitaire, il s'étiolera sous la pression. Quant à la mère, sa voix d'éteindra avec son âme.

Tout cela est en place au début du récit : l'écriture intervient ensuite pour construite un puzzle qui se dessine peu à peu, accompagné par les citations d'oeuvres musicales, avec en tête le premier concerto pour violon de Shostakovitch, dont l'écoute est indispensable en cours de lecture.

C'est brillant, émouvant, et superbement conté.


Très belle découverte.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Vous avez lu peut être La Solitude du coureur de fond d'Allan Sillitoe ou vu le beau film de Richardson qui en a été tiré.

Alors vous vous souvenez de Tom Courtenay qui interprète le personnage de  Collins, jeune délinquant détenu en maison de redressement,   qui obtient , au vu de son endurance physique,  la permission de s'entraîner à la course de fond et de porter les couleurs de sa prison d'adolescents  dans une joute qui va opposer celle-ci à une Public School de petits bourgeois anglais, bien imbuvables dans leur blazer / cravate...

Il s'entraîne donc seul,  goûte, pendant ses entraînements,  à une liberté sous caution et gagne la confiance de son pervers de directeur jusqu'au jour de la course.... où soudain,  alors qu'il a distancé largement tous ses concurrents, il s'arrête , volontairement, juste avant la ligne d'arrivée.

Ultime sursaut de sa rébellion et de son refus de toute manipulation, de toute récupération.

 Une liberté absolue qui aura son coût mais qu'il oppose à tous, "riant au ciel riant d'une agréable audace" dirait Agrippa  D Aubigné...

Quel rapport avec Opus 77 me dites vous? Elle yoyote, michfred, voilà qu'elle confond les bouquins...

Non non. J'ai encore ma tête,  même si c'est un peu tout ce qui me reste, rassurez vous...

Opus 77 , construit sur les 4 mouvements du concerto numéro 1 pour violon,   opus 77 de Chostakovitch, est l'histoire d'une passion, d'un assujettissement et d'un affranchissement.

Dimitri Chostakovitch a écrit et fait jouer son concerto sous Staline.
Le Petit Père des Peuples n'a pas aimé. 
Ni le concerto ni la liberté de son tempo. Ni son auteur, le musicien le plus populaire de l'URSS.
Le compositeur a tenu bon, malgré brimades, mise à l'index et menaces de goulag.
Le Petit Père des Peuples est mort avant d'avoir sa peau.

Refus et rebellion du fils.  Mort du père.  Passion de la musique: voilà tout le sujet de cet Opus 77.

Pas n'importe quel père : un père Moloch, un père tout-puissant. Un Minotaure en son Labyrinthe attendant ses victimes expiatoires pour mieux les dévorer.

Claessens, le père,  le chef d'orchestre, a déjà dévoré sa femme, Yael, voix vibrante et fragile désormais vouée au silence. Il a  assigné à sa fille, belle, rousse et glacée,  sa place au piano . Elle le remplace depuis que ses mains à lui le trahissent, et qu'il a dû troquer le clavier pour la baguette.

 Reste le fils, David,  qui a refusé cette place occupée par sa soeur et a choisi le violon comme arme pour défier le Père en son Labyrinthe. Et qui a préféré au violon prestigieux offert par le Père   un violon mystérieux offert par un père de substitution, son vieux professeur de violon, le doux, l'intimidé, le furtif  Krikorine. Un Russe à  l'histoire sombre . Tiens, tiens..

 La soeur  aime son frère d'amour. À la mort du père, qui ouvre le récit, elle s'offre à nous, lecteurs , pour dérouler son fil et nous guider dans le Labyrinthe.  Un fil d'Ariane. C'est comme ça qu'elle s'appelle, la soeur, Ariane. Tiens, tiens...

Depuis Freud on sait combien les grands mythes grecs éclairent les détours obscurs de l'inconscient.

 Et la musique du compositeur rebelle qui osa affronter Staline  sert de structure et de leit- motiv au développement enchevêtré de ce long fil d'Ariane, et  de support à  l'histoire de ce David face à  Goliath.

 On a tort de mépriser le pouvoir des faibles quand ils affrontent les forts.
Voyez le Chêne et le Roseau. David et Goliath. Thésée et le Minotaure. David et Claessens.

Ou Collins,  le coureur de fond , et le directeur de sa prison, dans le film de Richardson.

J'ai adoré ce livre subtil, magnifiquement écrit , qui fait "entendre" la musique classique  y compris à  des néophytes  dans mon genre, et qui tisse avec art et complexité une intrigue digne d'un roman policier, avec alertes, suspense et fausses pistes, pour un récit qui descend dans les profondeurs de l'âme humaine et des conflits qui la déchirent.

Un récit qui dit le pouvoir du refus.

Et résonne étrangement pour moi aujourd'hui , comme une parabole.


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Pour cette partition, je vais imiter mes camarades de l'école des fans et inscrire un 10 sur ma petite ardoise.
Il y a bien longtemps, un petit crétin s'était fait exclure de son cours de musique en cinquième pendant un bon trimestre pour avoir recyclé sa flûte en sarbacane. A l'époque, il aurait boycotté cet Opus 77 avec dédain, saupoudré d'un panache ridicule :
- J'ai pas vu les 76 premiers épisodes. Je ne vais pas lire un livre qui parle de cette musique de vieux.
35 ans plus tard, le petit crétin est devenu grand, et si le pipeau reste le seul instrument qu'il maîtrise dans certaines circonstances, il a quand même un peu évolué. Il est désormais capable de prendre Mozart en stop sur un trajet d'autoroute et d'assister à un opéra de quatre heures sans anesthésie générale.
Je glisse cet intermezzo personnel avant même le premier morceau pour excuser l'oubli de mon cahier de solfège.
Si nous parlions un peu de cette petite merveille de roman.
Claessens, chef d'orchestre à l'aura gloutonne, vient de mourir. Sa fille, Ariane, pianiste célèbre en charge de l'hommage funèbre et narratrice de cette histoire, va dénouer le fil de la fanfare familiale.
A la baguette, il y a ce pater familias, tellement narcissique qu'il n'a plus de prénom. Il est Claessens, le Claessens.
Eclipsée par l'ombre démesurée du géant, son épouse, cantatrice catatonique dont la lumière s'est peu à peu tamisée, ne répond plus à l'appel et ne sait plus vraiment comment elle s'appelle.
De ce cocktail déséquilibré naquirent Ariane, beauté polaire au coeur protégé par un triple vitrage et son frère David, violoniste surdoué, rebelle au modèle paternel. Il vit retiré dans un bunker.
Entre eux, la musique remplace la parole. Les sentiments ne se communiquent que par l'interprétation et les émotions par les silences qui accompagnent les interludes.
Si le génie de certains est de mettre les émotions en musique, le talent d'Alexis Ragougneau est de réussir l'alchimie inverse, les portées s'évadant ici des partitions pour se muer en phrases mélodieuses qui structurent le roman en respectant les mouvements de l'Opus.
J'ai été particulièrement séduit par la capacité du roman à nous décrire l'isolement des personnages qui sont prisonniers de leur art, condamnés à l'enfermement pour tenter d'atteindre la grâce artistique.
La force du récit est également de ne pas rester introspectif. Les scènes très réussies qui décrivent les sensations des interprètes pendant qu'ils jouent permettent au lecteur de quitter son strapontin de spectateur et lui donne l'illusion de monter sur scène.
En coulisses, l'auteur interroge aussi une éducation qui impose l'excellence à outrance au prix de l'affection. Les mobiles affichés sont toujours la réussite et le bonheur futurs des enfants mais n'est-ce pas aussi un moyen de gonfler l'orgueil de certains parents et de venger des échecs ou des ambitions abandonnées ? Ici, Claessens retrouvera une figure paternelle quand il tombera de son piédestal, aux premières notes de son requiem.
Comme beaucoup de lecteurs, j'ai accompagné la lecture de ce roman par l'écoute de ce concerto qui dure une trentaine de minutes. Il est l'oeuvre de Chostakovitch, compositeur russe de la période soviétique. Il fut accusé par le pouvoir communiste de faire « une musique totalement étrangère au goût du peuple » et le parti en fit même « un ennemi du peuple ». Pour ma part, j'ai apprécié ce morceau en passant devant un rond-point .
Vous ne sifflerez peut-être pas les notes de ce concerto sous la douche mais je vous conseille la lecture de ce roman entêtant.
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Dès mon enfance, mes parents m'ont immergé dans la musique classique et depuis. chaque année, le concours international reine Élisabeth est un événement incontournable.
Rien d'étonnant dès lors que ce livre m'ait tenté !

J'ai accompagné sa lecture par les morceaux cités, l'opus 77 de Chostakovitch avant tout mais aussi Funérailles de Liszt, la Norma, la sonate n* 16 de Mozart et tant d'autres.

Opus 77 nous décrit une famille de musiciens, le père, Claessens, renommé chef de l'Orchestre de la Suisse Romande, la mère Yaël, cantatrice, la fille, Ariane, pianiste de réputation mondiale et narratrice du récit et enfin le fils, David, violoniste prodige.

La musique est présente partout mais le principal intérêt du roman réside en la description des relations entre ces divers personnages, la relation de couple des parents, la relation entre le frère et sa soeur, et enfin la relation compliquée entre le père et le fils.
Un autre personnage est important et nous est présente avec sympathie, un vieillard d'origine arménienne, Krikorian, qui servira de mentor au fils.
Il me faut citer aussi la relation du musicien avec son instrument, et la comparaison que fait la narratrice entre le violon et le piano.

Et bien entendu, le silence ! L'importance de celui-ci dans la musique, dans une minute de silence et celui dans lequel se terre David.

le récit débute par les obsèques de Claessens où Ariane, au piano, décide inopinément d'interpréter une version pour piano de l'opus 77.
Ce faisant, elle se remémore et nous relate tous les moments qui ont jalonné l'histoire de sa famille, elle nous dévoilera petit à petit, en laissant planer en nous les interrogations, ce qui s'est passé lors de la finale du Concours Reine Elisabeth.

C'est un livre que j'ai aimé, il est bien construit, chaque chapitre s'aligne sur les mouvements du concerto pour violon, sa lecture est aisée, la psychologie des divers personnages est bien présentée.



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Je voudrais vous parler d'une famille presque ordinaire : il y a le père, la mère, la soeur, le frère. Je vous présente la famille Claessens. C'est une famille à peu près ordinaire, sauf que la musique les unit, quelque chose de très fort. C'est une famille presque ordinaire, avec ses tracas quotidiens, ses joies, ses tourments, mais voilà ! la musique est entrée un jour dans cette famille, par le père que tout le monde, même les enfants appellent Claessens, maestro respecté, adulé, craint, pianiste célèbre, devenu sur les dernières années chef d'orchestre. La mère Yaël, vingt ans de moins que le père, était une jeune cantatrice israélienne prometteuse lorsque Claessens jeta son dévolu sur elle à la faveur d'une audition pour un opéra en Israël.
La soeur Ariane devient rapidement une jeune pianiste de renommée internationale.
Le frère David, dédié au violon n'était pas que virtuose. Il avait un don inouï. Tout était fait pour qu'il connaisse non pas la réussite ni le succès, non pas la gloire ni la célébrité, mais l'effleurement du ciel, la légèreté d'un oiseau dans le poids du monde, la grâce des gestes, l'apesanteur et les séismes que seule la musique peut apporter. Par rébellion sans doute, il refusa le piano et saisit un jour un violon et son archet.
Tout était fait pour lui offrir un destin exceptionnel, jusqu'au jour où...
Opus 77, écrit par Alexis Ragougneau, est un roman extraordinaire où l'on peut ouvrir plusieurs portes, presque de manière simultanée. Celle de la musique tout d'abord qui occupe une place centrale dans le récit. Celle de la famille ensuite, pas n'importe laquelle, celle où les enfants ont leur chemin dicté, tout tracé, vers une vocation dont le sens peut-être leur échappe encore... C'est une forme de tyrannie qui est ici dénoncée, celle d'un maestro, d'un père aussi, surtout d'un père, au service de la dictature de l'art, une déformation totale de la vocation originelle de ce que devrait justement être l'art.
Celle des effondrements, enfin...
Ici, la musique, vertu portée de manière ancestrale et mythique par les muses, devient presque un venin, un monstre, un chien noir qui aboie dans la nuit.
Le roman est une longue confidence, celle écrite comme une lettre par la narratrice, Ariane à son frère David qu'elle a perdu de vue depuis cet événement dont on connaîtra la nature vers la fin du livre, David enfermé depuis lors dans un bunker où le violon demeure désormais suspendu, prenant de la poussière...
Le roman débute sur l'enterrement de Claessens, décédé d'un cancer. Nous découvrons déjà ici toute l'hypocrisie du monde artistique, pleurant, réuni dans la basilique Notre-Dame de Genève, où est célébrée la cérémonie. Contre toute attente, Ariane joue à l'issue de la cérémonie l'Opus 77, concerto pour violon composé par Chostakovitch.
C'est une histoire de virtuoses, entre lumière et obscurité. Étrangement, sur un roman dédié à la musique, le silence ici est imposant. Ce silence est là dans le retrait du fils, presque à jamais dans son bunker, dans la poussière qui se pose et se dépose sur son vieux violon arménien, dans l'impossibilité aussi d'un père de communiquer, d'une famille, dans le silence d'une mère qui s'éteint comme une fleur dans une sorte de réclusion elle aussi presque volontaire, parce qu'elle n'a pas trouvé sa place.
Les secrets de famille sont des sonates assourdissantes et cacophoniques.
La musique est-elle vouée à cela, tandis que l'agent d'Ariane vend la beauté de celle-ci, sa séduction avant son talent, avant la musique ? On finirait par donner raison à David... On finirait par donner raison aux bunkers... À l'enfermement...
L'originalité du récit est sa musicalité : rythmée par les cinq mouvements du concerto qui figurent les chapitres (nocturne, scherzo, passacaille, cadence, burlesque).
Il y a une émotion qui traverse de manière crescendo, allegro, ces différents chapitres, comme des marches, comme une dramaturgie, comme une symphonie déconcertante.
Ce roman se lit presque comme un thriller psychologique, avec la tension qui ressemble à celle de la corde d'un violon. Nous sommes emportés sur une partition enivrante, celle de l'Opus 77.
J'ai aimé la sensualité des mains posées sur un clavier ou serrant l'archet d'un violon, j'ai été ému par les pas d'un vieux pianiste célèbre, perdu dans le brouillard de son âge, croyant encore être un virtuose, l'étant sans doute encore un peu...
J'ai aimé la musique d'Alexis Ragougneau, sa voix, ses mots, ses effleurements, la manière de dire ce qui atrocement manqua ou fut de trop aux membres errants de cette famille...
J'ai aimé ce beau personnage de Krikorian, d'origine arménienne, traversant les nuits barbares et soviétiques, revenant vers la lumière, portée peut-être par celle-ci, fragile désormais depuis les geôles et les coups, faiseur de rêves et de musiques... Aimant la vie plus que tout, rencontrant David et lui offrant peut-être autre chose que l'apprentissage de la musique, autre chose que le génie – d'ailleurs le génie ne s'offre pas -, quelque chose de plus fort encore...
Je me suis demandé s'il fallait connaître la musique pour apprécier la beauté de ce roman. Je pense qu'aimer la musique classique est déjà un magnifique bagage pour visiter ce roman.
Le silence après Alexis Ragougneau, c'est encore Alexis Ragougneau...
Roman lu dans le cadre du prix Cezam 2020.
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