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Critique de Lesliseuses


Ce livre, « Les Porteurs d'eau », démarre le 11 mars 2001, tandis que les Talibans détruisent les deux Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, et il entremêle les fils de deux histoires merveilleuses (« merveilleuse » dans tous les sens du terme : qui suscite l'étonnement et l'admiration, mais aussi qui relève du prodige ou de la magie). L'une prend place en France, où Tom, Français d'origine afghane, se réveille un matin pour quitter le domicile conjugal et rejoindre son amante à Amsterdam. La deuxième se situe à Kaboul, où Yûsef se réveille une nouvelle fois aux côtés de sa belle-soeur, la femme de son frère, pour laquelle il éprouve des sentiments qui le dépassent, des sentiments qu'il ne sait pas nommer mais qui ressemblent à l'amour.

Parallélisme des formes, on suit ces deux hommes durant ces quelques journées historiques, l'Afghanistan, et en particulier l'histoire des Bouddhas, formant comme un fil rouge entre eux, les reliant invisiblement. Les affres de la séparation pour l'un ; les affres du sentiment amoureux non exprimé pour l'autre. Pour l'un comme pour l'autre, dit ou implicite, l'amour de l'Afghanistan et le rejet de ce qu'il est devenu sous la coupe des Talibans.

Tom vit à côté de sa vie. Et ce d'autant plus qu'il est souvent victime d'un phénomène de paramnésie qui lui donne une impression de « déjà vu » lorsqu'il vit. Tom incarne l'exil, le départ dans toute son entièreté. Départ de son pays pour fuir un régime politique, exil en France et « fuite » de son afghanité, qu'il rejette, départ de son domicile pour s'échapper de sa vie qui lui semble écrite à l'avance. « Tu n'es pas lâche mais las. Las de vivre dans la clandestinité à laquelle tu te sentais condamné pour l'éternité » (p. 55). Ou encore, un peu plus loin : « La triche, comme la trahison, comme l'infidélité, un combat contre la fatalité que les règles t'imposent » (p. 75). Cependant, cette fuite sera comme une seconde naissance ; au bout du chemin se trouve la révélation.

Yûsef, le Porteur d'eau, vit lui aussi à côté de sa vie. Il souffre et il aime en silence, sans trouver les mots libérateurs. « Il restait hanté par le pouvoir qu'elle avait sur lui jusque dans son sommeil. Aujourd'hui, la même peur s'empare de lui. Il se croit séquestré dans les rêves de Shirine. Il devient son esclave. Mieux vaut être prisonnier dans ses rêves à elle que dans ses cauchemars à lui se dit-il » (p. 135). Autour de lui, le soufi Hafiz, ou son ami bouddhiste Lâla Bahâri tentent de lui ouvrir les yeux, mais le chemin est long et difficile. Les mots lui manquent.

Histoires d'amour, histoires d'exil, histoires de langues. Au-delà de ces récits croisés, dans lesquels il y a finalement peu d'action mais que l'on suit pourtant en haletant, il y a les mots de Atiq Rahimi et sa poésie. Ce livre est magnifique (critique complète sur le blog lesliseuses.com).

Marie-Eve
Lien : https://lesliseuses.com/2019..
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