AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de tamara29


‘'Aline'' ou ‘'Chronique d'un amour annoncé'' tel pourrait être le sous-titre de ce court roman de Charles-Ferdinand Ramuz, son premier roman, édité en 1905. Un des grands classiques sur le drame amoureux.
Aline est une belle jeune fille, simple et sage, vivant dans un petit village suisse, avec sa mère Henriette, une vieille femme un peu traditionnelle, s'usant au travail. Issu d'une famille d'agriculteurs plus aisée, Julien Damon vit dans le même village. Apprendre le nom du jeune homme tandis que qu'on ne connait que le prénom de la jeune fille suffit à poser le rang social des deux jeunes gens.
Lui, c'est un peu le coq du village. Et quand on a dit cela, on se dit qu'on connait la chanson… On imagine aisément que les chabada bada vont tourner au vinaigre au rythme d'un autre refrain… ‘'Les histoires d'amour finissent mal… en général''. Et on suit Ramuz dans ces débuts amoureux tout en craignant déjà la fin.

Ramuz nous décrit avec minutie l'évolution des sentiments des deux jeunes gens. Des sentiments qu'on a déjà connus, où l'autre -comme de manière inversement proportionnelle à notre attachement- déjà se détache, déjà se lasse et regarde déjà ailleurs. Commencent alors pour le jeune homme les petits mensonges, les évitements, les non-dits, sans aucun scrupule, rejetant presque les torts sur la jeune fille trop naïve et amoureuse. Aline, c'est vrai qu'elle est un peu naïve. Mais c'est la naïveté d'une adolescente de 17 ans qui découvre l'amour, qui tombe amoureuse pour la première fois, et se laisse séduire par ce Julien, ce beau parleur égoïste qui aime faire le Don Juan et aller papillonner rapidement ailleurs. [On pense également au concept de cristallisation que Stendhal a défini dans « de l'amour » en 1822, cette idéalisation de l'être aimé au début de la relation amoureuse.]

Ce roman de 144 pages est un condensé parfaitement maitrisé sur l'histoire d'amour qui, peu à peu, se transforme en tragédie. Un récit qu'on pourrait croire, de prime abord, raconté simplement, comme ce qu'il se passe dans tous les petits villages où le temps (suisse ou d'ailleurs) et les tâches quotidiennes s'écoulent au rythme du soleil et de la nature. Une simplicité pourtant bien orchestrée, avec Ramuz en fin observateur des aléas amoureux, presque pointilliste.
Ramuz expose les pensées des deux jeunes gens qui se font de plus en plus dissonantes... Il raconte aussi les corps, les sensations diverses qui se conjuguent avec les émotions. Pour dépeindre le déroulement implacable et comme pour aider le lecteur à mieux le ressentir, l'auteur intègre en parallèle la description de ce qui les entoure (le temps qui change, les animaux, les moissons…). Comme si la nature elle-même menait la même danse (ou inversement), comme si c'était dans l'ordre des choses et que cela faisait partie d'un cycle naturel. le début et la fin de toute chose. Et c'est comme si étaient posés les principes des lois de la nature, de l'amour, de la vie.
Et cette atmosphère poétiquement douloureuse nous prend au coeur. le lecteur ne peut s'empêcher d'éprouver -bien entendu- beaucoup d'empathie pour cette pauvre Aline tombée amoureuse du mauvais garçon. Par ce minimalisme, l'auteur réussit à tout intensifier.
Si j'ai trouvé certains chapitres de la dernière partie un peu moins intéressants (à moins que je n'aie souhaité inconsciemment une autre fin), ce roman n'en reste pas moins de très grande qualité et il annonce déjà ses futurs romans.

Ce récit pourrait être transposé à notre époque, presque 120 ans après sa première parution, en ajoutant les nouvelles technologies d'aujourd'hui, et il résonnerait de la même manière. Parce que Ramuz a subtilement raconté l'amour, les premiers émois et les tragédies sentimentales intemporelles. La quintessence du drame amoureux.
Commenter  J’apprécie          290



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}