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Critique de topocl


"- Tu vois comment on est, nous autres. Pas commodes, pas tant polis. C'est qu'on vit trop haut et trop à l'ombre, nous autres, parce qu'il y a trop de montagnes et qu'elles sont trop près de nous ; ça nous donne mauvaise mine, on est comme des pommes de terres qui sont restées trop longtemps en cave "

Ramuz met en mots , dans un de ses chers villages de la montagne suisse, la peur ancestrale et viscérale de la fin de tout.
Là-haut, tous les hivers on est habitués à ne pas voir le soleil, on est même assez fier d'endurer cela sans faiblir. Mais cette fois, Anzévui, vaguement sorcier, vaguement devin, l'a prédit, au retour du printemps , le soleil ne reviendra pas.
Il y a les sceptiques, il y a les indifférents, il y a ceux dont la mine devient de jour en jour plus en plus terreuse, qui ne sont plus guidés que par leur peur. Ceux qui en profitent, aussi. Qu'importe la Guerre en Espagne dont les lointaines nouvelles arrivent par la radio, si les dieux abandonnent St Martin d'en Haut ? Au fil des jours, au café ou dans les foyers, chaque brouillard prend un sens, et chacun se raccroche à ses propres croyances, qui son Dieu, qui l'alcool, l'argent, la solitude ou la famille.
Un hiver où la fin de l'espérance rôde, mais où Isabelle continue à rire et se coudre des robes...

Il y a de cette nature, rude et splendide, qui a toujours été leur joie et leur fierté, et qui d'un coup devient hostile, menaçante. Il y a de cette sagesse simple qui s'incline devant l'Ordre des choses, et rumine sa petite réponse plus ou moins digne à cette indignité annoncée. On ne laisse pas les vraies valeurs perdre leur sens, et sans révolte, sans question, on tâche de répondre par des gestes simples , dans la continuité de toute une vie, à cette menace écrasante. Mais la jeunesse et la joie ne s'en laissent pas conter, la relève est assurée.

Ramuz a toujours cette façon de parler de l'individu et du groupe, maniant le « on « et le « vous », de les mélanger bien fort pour donner naissance à une communauté à la fois humble et fière, où chacun pourtant a sa vie et ses espérances propres, où les mots comme les silences ont leur poids. Et de dire le temps qui passe dans la douleur d'un genou, la joie dans une naïveté tendre, la peur par une épaule qui se tourne dans le lit. Cette lecture est comme une marche en montagne, vers un but que chacun attend ou redoute, pleine de surprises, de pauses, de discussions. On y trouve une humanité tranquille transcendée par la nature, un passage de relais entre les générations, comme l'idée que la vie pourrait continuer, moyennant un peu de vigueur.
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