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Critique de michfred


Encore une merveille due à la plume ensorcelée de Ramuz!

Une grande tension, une plongée crépusculaire dans une attente terrifiée: celle d'un petit village du Valais, Saint Martin d'en-haut, si encadré de sévères montagnes que le soleil y disparaît quasiment pendant cinq mois.

Alors, quand Anzévui, le vieux sage, prédit sa disparition définitive, c'est l'effroi.

Le compte à rebours commence.
Patiemment, douloureusement, ironiquement, Ramuz scrute les coeurs et les corps face à cette disparition annoncée.

Il y a les prudents qui amassent, entassent, prévoient, thésaurisent. Les désespérés qui se noient dans leur chagrin et dans l'alcool. Les malins qui profitent du désarroi général pour tirer leur épingle du jeu. Les courageux qui risquent leur vie pour se forger une opinion. Les généreux qui tentent de redonner l'espoir aux autres. Les pessimistes qui se résignent et font leurs adieux. Les optimistes qui les rabrouent. Les amoureux de la vie pleins de sève, de rire et de déni.

Peu à peu, le lecteur, magnétisé par ce huis-clos hivernal et montagnard, en vient à douter, à redouter, à vaciller.

Fable politique d'une apocalypse réelle- la seconde guerre menace? Fable métaphysique sur la force ou la fragilité de notre foi dans la vie?

Peu importe : le roman de Ramuz, une fois encore, tire sa puissance de conviction de sa langue- ces étranges formes semi - passives qui présentent les personnages comme à distance, comme s'ils étaient épiés par une instance narrative mystérieuse, voilée, et oppressante - "ils étaient vus" , "on l'a aperçue ".

Ou encore cette fausse maladresse dans le tâtonnement des images - " elles ont été comme quand la rosée, à la pointe de l'herbe, brille dans le jour"- , qui sort les mots de leur gangue pour les faire soudain étinceler dans la lumière!

Ou ces temps verbaux baladeurs, tantôt présent, tantôt passé, qui secouent le sablier rituel de bien étrange manière..

J'ajoute des descriptions magnifiques, des descriptions de mouvement comme si elles étaient d'un chorégraphe, de paysages comme si elles étaient d'un peintre, de bruits comme si elles étaient d'un musicien...

Ramuz est une sorte de magicien qui s'empare d'un sujet tout simple-une prédiction jette le trouble dans un village perdu- et en fait une symphonie majestueuse, avec prélude, mouvements, motifs, et final éclatant.

Un bijou, tour à tour ténébreux et solaire!
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