AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eric76


C'était à Verdun, au plus fort des combats. On l'a retrouvé coincé dans un trou, d'où seule sa tête dépassait de la boue. Il ne portait pas sa plaque d'identité militaire. Comment s'appelle ce malheureux survivant du champ de bataille ? Charles ? Gustave ? Robert ? Personne n'en sait rien, ni lui non plus. L'homme qu'il était avant s'est mis à l'abris du carnage, de la grande boucherie qui l'entourait, et s'est égaré dans les replis les plus profonds de sa mémoire. Sa vie n'est désormais « plus que des bribes de souvenirs et de connaissances qui ne lui disent rien de l'homme qu'il était vraiment ». Quelques images fugaces – le sourire tendre, protecteur, lumineux d'une maman, le regard sans vie de Maurice mort à ses côtés, une main tendre qui se pose sur son épaule, le fracas infernal des obus - se contentent de remonter à la surface du néant de son existence.
Un homme sans passé, sans mémoire, qui peut être n'importe qui, voilà l'espion idéal ! le général Joseph Durand, ce monstre froid et cynique ne s'y trompe pas. Il lui suffira d'un gros mensonge, d'une dissimulation honteuse pour faire de Charles ? Gustave ? Robert ? un jouet à sa disposition qu'il jettera sans vergogne dans une histoire qui n'est pas la sienne.
Charles ? Gustave ? Robert ? continue à vivre avec sa mémoire amputée et ses petits bouts de souvenirs auxquels il s'accroche désespérément. Dans un Berlin qui crève la faim et perd la tête, il tombe amoureux. Il voit ses amis succomber, déchiquetés par les balles, tandis que lui, sans nom ni passé, survit.
Sa petite histoire d'espion débutant vient alimenter et se confondre avec la Grande. Car si l'armistice est signé, si les armées sont rentrées chez elles, la guerre, elle, continue. Clémenceau rugit et veut briser les reins de l'Allemagne. Georges Lloyd ne songe plus qu'à commercer avec les vaincus. Wilson sermonne, prêche et rêve de sa Société des Nations qui anéantirait les périls nationalistes. Les juifs sont plus que jamais montrés du doigt, et les généraux allemands préparent en cachette leur revanche. Les dés sont déjà jetés, et tout est prêt pour la prochaine.
Un beau et bon livre, haletant, sans temps morts. Un vrai roman d'aventure. Quel personnage, notre amnésique, si naïf, si désemparé, qui cherche à tâtons dans la nuit les morceaux éparpillés de sa vie ! Les dernières pages sont intenses et tristes à pleurer quand, esseulé, vaincu, il s'en va trouver « un visage rond de vieux soleil ridé et un bon sourire ».


Commenter  J’apprécie          1287



Ont apprécié cette critique (116)voir plus




{* *}