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Critique de Patsales


Déjà, la Sicile, c'est beau, mais alors Taormimine c'est la quintessence de la destination touristique et de la dolce vita: mer et culture, farniente et sites à gogo… La destination choisie par Melvil pour se rabibocher avec sa moitié a donc tout du numéro gagnant.
Il faut dire que Melvil n'a rien pour lui, sauf son nom: chômeur de profession, vivant aux crochets de sa belle et séduisante épouse (dont le coeur bat clairement pour son papa), il sent bien qu'il a intérêt à ne pas se louper s'il veut garder sa Luisa.
Étonnamment, c'est pour obéir à sa femme qui veut se baigner sur le champ que Melvil va quitter l'autoroute, et enclencher la machine infernale. Étonnamment, car cette demande que Melvil ne cessera de reprocher à Louisa ne figure nulle part. En fait, le roman carbure aux clichés: femme fatale, mari faux-dur et vrai-mou, Siciliens tous mafiosi, inspecteur idéaliste; et Ravey fait dérailler cette familiarité vers l'étrange et l'inquiétant (comme cette soudaine capacité de son héros à comprendre l'italien). Cauchemar parfait, le roman (enfin, « roman » est un grand mot) passe de l'étude de moeurs (couple en sucette) au thriller (mais qu'a heurté la voiture du couple?) pour finir en farce bouffonne.
Si Louisa et Melvil s'appellent M. et Mme Hammet, c'est sans doute en hommage aux films noirs (Melvil(le) comme Jean-Pierre?) mais surtout au behaviourisme revendiqué par Dashiell Hammet: jamais de vulgaire psychologie dans ses polars!
Donc, si la voiture quitte l'autoroute sur une injonction jamais formulée, inutile de chercher une quelconque explication : Taormine doit être à une heure de l'aéroport à tout casser, et l'hôtel retenu par le couple s'appelle Via del Mare - pourquoi chercher une autre voie vers la mer? Rien ne justifie la sortie de route, rien si ce n'est la formule elle-même. de même qu'il fallait un couple qui bat de l'aile pour se la faire enfoncer et courir chez le garagiste. Et un choc pour que le lecteur finisse par percuter.
Melvil profite de ses avantages, et devra les payer avec intérêt pour avoir vécu dans un univers factice avant d'en découvrir, à son grand dam, l'envers du décor.
La plupart des écrivains qui ont des migrants parmi leurs personnages tentent de les rendre familiers au lecteur. Ravey inverse le processus: il transforme ses personnages qui nous sont au départ familiers en monstres banals auxquels nous ne voulons pas ressembler: regardez, semble-t-il nous dire, comme c'est facile de passer de l'autre côté.
C'est même un peu trop facile. Arrivés au dernier chapitre, nous tournons encore la page avant de découvrir, ébahis, que c'est la fin. Après la surprise, le rire: « Ah oui, pas mal ». Et puis? le problème des chutes, c'est qu'elles créent une clôture: le livre a une fin, il ne déborde pas sur notre monde; on peut le refermer et ne plus y penser. On a envie de dire: Tout ça pour ça?
En fin « Tout ça », hein, c'est beaucoup dire: je crois que je vais revenir à mon plat de prédilection: un pavé siouplaît.
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