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Critique de beatriceferon


Anne Bréjinski comparaît devant un tribunal. Elle est accusée d'un crime abominable. Elle va nous en donner sa version.
Cet album, je l'ai lu dans une sorte d'état second.
Lorsqu'on l'ouvre, on est face à une planche sur le fond blanc de laquelle se découpe un magnifique et immense plant de tomates aux couleurs vert et rouge éclatantes . Quel choc, en tournant la page, de se retrouver plongé dans un univers noir et ocre, aux tons ternes et à la géométrie anguleuse. le personnage central, vêtu d'une marinière à lignes et d'un pantalon noir semble enfermé dans un cube de verre dominé par deux cercles gigantesques.
Nous voici entraînés dans une dystopie effrayante où le monde froid et dépouillé est divisé en secteurs numérotés et la population en trois catégories.
Anne travaille au service de l'État. Elle est agent d'épuration. Elle est chargée d'aller chercher des objets interdits afin de les « retrancher », c'est-à-dire les détruire dans un incinérateur. Ces articles sont des vestiges de notre monde actuel : tableaux, oeuvres d'art, livres...
Lors de cette mission, Anne voit tomber du volume qu'elle va éradiquer, un sachet de graines de tomates. Son crime : au lieu de le brûler, elle va semer et soigner les plantes.
Dans ce monde terrifiant, l'eau est devenue une denrée rare et précieuse. Lorsque le mari d'Anne rentre, ils ne boivent pas un apéritif, mais un simple verre de cette boisson de luxe réservée aux élites de la société.
Quand Anne met en terre les semences qu'elle a trouvées, rien ne se passe, car pour germer, la vie a besoin d'eau. Or, arroser les pousses, c'est détourner une partie de cet élément vital.
Il y a une forte opposition entre l'univers inhumain qui est représenté ici : d'une part, « le troisième cercle, secteur 28 Nord », bâtiments en ruines, êtres déguenillés, confinés dans une sorte de bunker ouvert aux quatre vents, l'appartement, chic, sans doute, du deuxième cercle, où vivent Anne et Boris, mais sévère, glacé, sans âme, et le manteau rouge vif de la jeune femme, seule tache de vie qui évoque le fruit du titre.
Dès qu'elle a trouvé la pochette, l'attitude d'Anne évolue. Un sourire se dessine sur son visage, elle attend avec impatience le moment où elle retrouvera le verre caché dans son bureau où elle a enfoui son trésor sacrilège et le bonheur qu'elle éprouve à voir la tomate germer, puis pousser, porter des fruits. Elle s'anime enfin, connaît diverses sensations, devient vivante, elle aussi.
En même temps, elle se fait remarquer par ses supérieurs, car elle oublie des missions.
Ce monde affreux est celui de la délation, de la sécheresse du coeur et des sentiments. Il fait peur car il montre où nous pourrions en arriver si nous ne changeons rien à nos habitudes : un univers gris, déshumanisé, désincarné. On y retrouve des allusions à des ouvrages tels que « 1984 » ou « Le meilleur des mondes », mais cette bande dessinée m'a paru plus effrayante encore, car elle met des images sur ce système cauchemardesque.
Un album à lire malgré son pessimisme.
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