« Je me suis longtemps demandé comment connaître la signification du truc sans commettre de pêché. Et par la suite, comment le truc entrait-il dans le sentiment d’amour ? Était-il l’amour à lui tout seul ? Comment les grands se servaient-ils de leur truc ? Un peu ? Souvent ? Où donc ? Comment on manoeuvrait ? Un jour, on se trouve avec le truc qui pointe vers la poignée de la commode, gros, comme un manche de marteau. Comme un imbécile. […] Pas de notice. Puis, le truc redevient comme une cheville de meuble et il n’y a pas plus d’explication […] C’est comme une attaque. De sexe. On sait pas si c’est la chaleur, la nourriture ou quoi. Comme un pet. Sauf que ce n’est pas un pet. On s’est senti comme un borgne, ou avec six doigts, ou trois genoux, pendant un moment assez long. »
Martin, qui « essaie de restituer les émotions et les doutes de sa jeunesse dans les années 1940 »
Les archives autobiographique entraînent une double approche de l’histoire de l’intime : elles apportent, d’une part, des éléments sur l’évolution des représentations et des pratiques amoureuses et sexuelles et elles donnent l’occasion, d’autre part, d’identifier les façons d’écrire et de dire l’intime.
Le verbe flirter, en concurrence, depuis les années 1960, avec la métonymie « sortir avec » est remplacé dans la décennie suivante [1970] par le verbe « draguer ». À la différence de flirter, draguer n’impose pas a priori des limites à ne pas dépasser.
Les mouvements se découpent en trois temps, celui de l’intime feutré durant l’entre-deux-guerres, de l’intime questionné entre 1940 et 1965, puis de l’intime exhibé durant les « années 68 ».
Certes, l’amour est le grand sentiment mis en avant au XXe siècle de sorte que les individus des années 1920, comme ceux des années 1970, croient en l’Amour, au « grand amour ». Mais à bien y regarder, plusieurs modèles d’amour se mettent en place et finissent par se concurrencer au XXe siècle : l’amour romantique et l’amour pragmatique de l’entre-deux-guerres se combine avec l’amour fusionnel des années 1940–1950. Dans les « années 68 », un modèle d’amour plus individuel apparaît sans que les gens renoncent totalement au rêve fusionnel, ni au pragmatisme. Jusqu’en 1975, le mariage demeure l’institution où s’expriment sexualité et amour […].
De Parlez-moi d’amour à Déshabillez-moi, la parole sur l’intime s’est complexifié et les attentes des individus, en particulier, celles des femmes, ont changé.
De 1965 à 1975, l’intime est exhibé […] Tout cela n’aurait pas été possible sans la puissance des moyens de communication modernes et la création d’une culture de masse qui diffuse modèles et représentations sexuelles. C’est ainsi que la sexualité devient une science, une technique et le produit d’une consommation de masse.
[Dans les années 1960] les femmes écrivent au Planning [familial] non pour elles-mêmes mais pour leur couple. Elles souhaitent l’épanouissement sexuel de leur conjoint pour éviter les problèmes conjugaux, voire l’adultère, mais n’envisagent pas leur propre plaisir.
En règle générale [dans les années 1960], les femmes sont perturbées parce qu’elles ont peur de tomber enceinte et les hommes parce qu’ils ne peuvent avoir de relations sexuelles satisfaisante et fréquentes.
…. Les « mères célibataires » viennent d’obtenir le droit d’être appelées « Madame » par l’administration en 1961…