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Critique de lilymoods


C'est un livre bien étrange et beau que Notre château. Aussi étrange qu'une maison vide devienne lieu de vie là où tout appelle à la mort, là où l'on ne peut se défaire du souvenir des aïeuls qui l'avaient autrefois habitée. Dans cette étrange maison vivent deux adolescents : un frère et une soeur. Seuls. Sans parents. Depuis la mort de ces derniers dans un accident de voiture, ils ne sortent plus. Jamais. A l'exception du frère qui se rend chaque semaine à la librairie du centre-ville. Un jour, contre toutes attentes, il a l‘impression d'apercevoir Véra, sa soeur. Dans le bus 39 un 31 mars. Comment est-ce possible? L'histoire est simple. Etonnante autant qu'intrigante. On voudrait savoir, comme lui, ce qu'il en sera de cette sortie... Réelle ou fantasmée ? Ponctuelle ou régulière ? Quel secret cache-t-elle ?
Pour comprendre comment vivent en ce lieu des enfants abandonnés à leurs peurs, il nous faut tendre l'oreille, réussir à saisir les bribes prononcés par ces êtres en transfert qui se parlent peu mais ne peuvent se quitter, vivant là à la marge du monde, dans une bulle qui ne contient rien d'autres que de grandes pièces immaculées et des livres en souvenirs. Là, une impressionnante bibliothèque trône, seule véritable âme qui vive…
Et il nous faudra entendre véritablement les mots inlassablement répétés par les protagonistes, jusqu'à comprendre qu'ils rassurent ceux qui s'en saisissent comme d'un bouclier, jusqu'à ce que le lecteur lui aussi s'en imprègne et parvienne à saisir l'effroi dans lequel les personnages se figent. Apparaît ainsi la poésie d'une voix introspective qui tente de reconstruire ce que l'apparition furtive de Véra a déconstruit.
Car ce jour-là, silencieusement, l'équilibre factice longuement acquis entre ces deux êtres interdépendants a été mis à mal. L'espace de la maison est totalement investi et comme avancerait pas à pas une enquête, une muette observation des gestes de chacun y est faite. Chaque détail compte. Il s'agit de continuer à vivre malgré le dernier lien rompu, la confiance ébranlée… Suspendus, dans l'attente du drame qui pourrait être un nouveau commencement, nous les suivons le coeur battant, dans cette étrange demeure, aussi étrange que nos indicibles peurs. Sorte d'incarnation d'un rempart contre l'angoisse, Emmanuel Régniez affirme au seuil de son texte: « Je soigne ma mélancolie en me racontant des histoires qui pourraient me faire peur. »
Voilà pourquoi, bien longtemps après, des questions subsistent à la lecture de ce livre. Et c'est ce qui plaît, ce qui en fait un texte étrangement à part, une bulle fantastiquement close où le lecteur est ailleurs. La maison devient un laboratoire de l'humain. On y observe l'être entre ses quatre murs, à l'âge où il se forme, et on se demande comment ce sera quand sa douleur n'y sera plus contenue.
Quel incroyable pouvoir ont les écrivains de parvenir à mettre à distance leurs peurs et les nôtres conjointement ! Tenir en nos mains ce livre est un premier pas. Dès la première ligne, Régniez nous invite à franchir un seuil, guidés jusqu'à la fin de la visite, comme en un château hanté, par de superbes et perturbantes photographies des habitants en noir et blanc. Dans cette drôle de maison qui nous reste étrangère, qui nous fascine autant qu'elle nous fait frissonner, nous y trouverons peut-être bien davantage que ce à quoi nous pouvions nous attendre. Parce qu'en frôlant les limites du réel, l'auteur nous convie à entendre la petite musique d'un lieu qui est le miroir d'un monde intime que nous ne cessons également d'habiter plus ou moins consciemment, plus ou moins facilement…

Lien : http://unlivrepour.blogspot...
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