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Critique de Arimbo


Ce roman terriblement poignant m'a laissé des sentiments mêlés: apitoiement sur le sort de l'héroïne, haine contre son horrible mari, mais aussi, irritation devant l'incapacité de l'héroïne à se libérer de l'emprise conjugale, et son penchant à s'évader dans une vie rêvée.
Mais, il faut croire, sans nul doute, que la réalité complexe qui nous est décrite, une femme supérieure à son mari mais qui est victime de sa manipulation sans pouvoir s'en libérer, est ce qui arrive dans la "vraie vie".
La description de l'emprise exercée par Jean-François, le mari médiocre, torturé, pervers et manipulateur, est terrifiante. Mais le lecteur voit aussi que son épouse, Bénédicte, femme brillante (agrégée de Français), malgré sa souffrance d'être dégradée par son mari et ses difficultés dans sa relation avec ses enfants, veut sauver les apparences et faire croire autour d'elle que tout va bien. Mais aussi qu'elle veut en quelque sorte rêver sa vie comme le font les héroïnes romantiques du 19ème siècle qu'elle affectionne. En quelque sorte une Emma Bovary, mais qui serait soumise à un mari pervers, ce qui n'est pas le cas d'Emma. Ainsi, elle ne voudra pas poursuivre sa liaison d'un jour et tout à fait merveilleuse avec Christian, un antiquaire rencontré sur Meetic. Elle préféra en garder précieusement le souvenir. Elle appréciera aussi sa retraite quasi mystique qu'elle vivra à l'Hôpital après sa tentative de suicide, où elle se mettra à écrire.
L'auteur dissèque avec beaucoup d'acuité et de profondeur psychologique le parcours de cette femme si attachante, qui mourra finalement d'un cancer.
La construction du roman, qui utilise le procédé d'auto-fiction (l'auteur rencontre l'héroïne, puis sa soeur), révèle progressivement toutes les facettes de l'histoire malheureuse de Bénédicte. Elle montre aussi toute l'attraction de l'héroïne pour l'imaginaire, la vie rêvée, à la fois dans la nouvelle de Villiers de l'Isle Adam, insérée au milieu du récit, et enfin dans le merveilleux dialogue onirique entre Bénédicte et Christian qui clôt le roman.
L'écriture est très belle, très raffinée, et avec un rythme qui accompagne parfaitement les sentiments d'exaltation, d'accablement ou de désespoir de l'héroïne. Les pages de la première rencontre avec Christian (ah, l'histoire de la flèche plantée dans la cible, si symbolique!), et de la rencontre rêvée du dernier chapitre, sont pour moi merveilleuses.
Au total, pour moi, un roman pas facile, mais qui m'a vraiment plu pour sa profondeur psychologique, sa construction ingénieuse et son écriture.
P.S. J'ai lu, tout à fait par hasard, que ce roman avait donné lieu après sa sortie en 2014 à une polémique (restée en fait sans suite) selon laquelle une des lectrices de l'auteur s'était reconnue dans cette histoire, ayant elle-même rencontré l'auteur et fait part d'une situation conjugale similaire à l'héroïne du roman (à part qu'elle n'est pas morte!) et de quelques phrases qu'elle lui aurait écrites être trouvées mot pour mot dans le récit. C'est quand même un peu court. Je trouve que ces accusations de plagiat ou de vampirisme qui se développent depuis quelques années (cf par exemple les accusations contre Houellebecq ou contre Darrieussecq) sont souvent navrantes. Combien de grands auteurs n'ont ils pas puisé dans la vie de leurs contemporains ou dans les récits des autres le matériau pour construire une oeuvre authentiquement originale, comme c'est pour moi le cas ici.
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