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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Black Science, Tome 6 : Argonautes du futur (épisodes 26 à 30) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome pour cette histoire complète en 9 tomes. Celui-ci comprend les épisodes 31 à 34, initialement parus en 2017, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Matteo Scalera, avec une mise en couleurs réalisée par Moreno Dinisio. Il comprend également les couvertures originales de Scalera, ainsi que les couvertures variantes réalisées par Kaare Andrews, Mike Hawthorne, James Harren, Philip Tan, Marcio Takara, ainsi que 12 pages en noir & blanc.

Dans une forêt, à l'automne un homme âgé dans la force de l'âge travaille à retaper le toit de sa cabane. Alors qu'il s'apprête à enfoncer un clou d'un coup de marteau bien placé, il est pris par surprise par quelqu'un qui l'interpelle par son prénom Chris. Ce dernier lâche son maillet qui tombe par terre. Chris décide de descendre par l'échelle et rejoint Grant McKay qui est venu lui rendre visite avec un pack de bières. Les 2 hommes vont s'installer confortablement sur le patio, l'un dans son fauteuil à bascule, l'autre dans la balancelle. Il prenne chacun une bière et commence à papoter. Chris explique qu'il avait choisi de se retirer de la société, mais qu'il a pris goût à discuter de temps à autre avec Grant. Ce dernier fait une remarque cryptique à son envie de rentrer chez lui, mais que c'est trop compliqué. Chris le rabroue en lui disant que tant qu'à discuter, autant être franc. Il se lance et explique qu'il a mis son frère en difficulté. Il se souvient de ce moment sur une autre Terre, où son frère était trituré par les vrilles de Har'Logh le profanateur.

Après avoir réussi à s'échapper, Grant McKay avait réussi à récupérer une combinaison complète, avec casque protecteur et jetpack. Il s'était lancé dans l'action avec son frère, et tentait de la sauver des vrilles du monstre. Comme d'habitude la situation a empiré : Har'Logh le profanateur a éjecté des boules de poils de son corps, autant de rejetons assoiffés de violence et de carnage, débitant des insanités comme leur père. Ils doivent leur salut à une décharge d'énergie tirée par Atomic Lad (Nate McKay) qui fonce droit sur Har'Logh le profanateur et l'envoie valdinguer à des centaines de mètres. Grant McKay serre son fils dans les bras, heureux de le retrouver vivant. Quand il relève la tête, il découvre une navette aérienne avec d'autres alliés : Shawn, Pia et une superhéroïne. Malheureusement un autre superhéros a été mortellement touché et meurt dans les bras de Nathan qui le considérait comme un père. Avant de mourir, ce superhéros confie son amulette de pouvoir à Nathan. Tout le monde monte à bord de l'aéronef. Shawn explique à Grant qu'il dispose de la machine nécessaire pour arrêter l'invasion des zirites, mais qu'il manque l'algorithme quantique qui permet de la programmer. Il demande à Grant de se mettre tout de suite au travail pour l'écrire. Grant doit lui expliquer ce qui est arrivé à son intelligence, et pourquoi il ne peut pas le faire.

S'il prend le temps d'y penser, le lecteur se rend compte à quel point Rick Remender a tissé une riche tapisserie qu'il n'est plus possible de prendre en cours de route, mais qu'il est très facile de reprendre d'un tome à l'autre, indépendamment du temps qui s'est écoulé entre leur parution. Il retrouve donc de nombreux personnages sans avoir d'effort particulier à faire : Grant McKay bien sûr, ses enfants Pia et Nathan McKay, sa femme Sara Mckay, les autres membres de son équipe Kadir Aslan, Shawn mais aussi des personnages secondaires récurrents comme la rancunière Doxta, l'hallucinant mélange de caricature comique et d'horreur premier degré Har'Logh le profanateur, le Prosélyte Blokk, et des races extraterrestres comme les zirites et les dralyn. le fait qu'il puisse instantanément resituer tout le monde en dit long sur la maîtrise narrative du scénariste pour avoir créé des personnages aussi mémorables et avoir su installer les éléments rendant la mémorisation facile et transparente. Cela en dit également long sur le talent de l'artiste qui leur a donné une apparence inoubliable et distincte.

Bien sûr, le lecteur est revenu pour l'intrigue parce que Grant Mckay avait encore réussi à se retrouver dans une situation plus catastrophique que les précédentes, et pourtant il avait déjà fait fort. Bien sûr, Rick Remender fait en sorte que son tome s'ouvre sur une scène décalée et inattendue, une mise en bouche sans rapport avec le suspense final du tome précédent. Il y réussit à merveille avec ce papotage détendu à la douce lumière orangée des feuilles d'automne, en savourant une bière entre potes. Scalera & Dinisio se complètent à merveille : les couleurs habillent les dessins avec une élégance et une pertinence sans pareil. le lecteur est tout de suite accroché par ce besoin de se mettre à l'écart, de se retirer de la foule, et par l'évidence de consacrer ces moments à des choses qui en valent la peine, de ne pas perdre son temps en banalités creuses et inutiles. Il est tout aussi content de retrouver l'action pétante, et de savoir comment McKay a pu s'en sortir encore une fois, à quel prix, et quelle pourra bien être l'ampleur de la catastrophe suivante. Il n'est pas venu pour rien. Remender & Scalera sont dans une forme éblouissante : inventivité du scénario, exubérance des dessins, rythme rapide. Même sans ça, le lecteur aurait été comblé avec la contre-attaque de Har'Logh le profanateur. Ses rejetons sont mignons à craquer, de jolies peluches en forme de boule de poil, avec des expressions gore et obscènes incisives. Rien que pour ça, ce tome rejoint l'étagère des indispensables, et il n'est pas nécessaire d'y réfléchir plus avant : le lecteur retient son souffle tout en souriant.

S'il refeuillète ces épisodes après coup, le lecteur se rend compte que Matteo Scalera s'investit plus dans la représentation des personnages, s'affranchissant régulièrement de représenter les arrière-plans. Mais en fait cela ne se remarque pas dans le feu de la lecture. Moreno Dinisio a encore progressé dans l'efficacité et la pertinence de sa mise en couleurs. Il sait accentuer les effets de vitesse, donner l'impression de la présence de décors en reprenant les couleurs principales sous forme de camaïeux de couleur, utiliser à bon escient les effets spéciaux. du coup, les pages sans décors ne donnent pas l'impression d'être vides, mais au contraire d'être plus efficaces, focalisées sur l'essentiel. Il fait montre de la même habileté lors des séquences de dialogue où l'artiste privilégie les gros plans. À ces moments-là, Scalera accentue les expressions des visages et le mouvement des personnages pour donner plus d'intensité à leurs émotions, avec un effet d'empathie très fort, le lecteur ressentant l'urgence et la force émotionnelle. Pour les scènes d'action, Matteo Scalera se concentre sur l'aspect spectaculaire, que ce soit la vitesse des mouvements, ou l'ampleur des affrontements. le lecteur n'est pas près d'oublier un vol en jetpack à tournoyer pour éviter de se faire choper par Har'Logh le profanateur, l'arrivée d'Atom Kid avec une vélocité qui décoiffe, l'arrivée du prédicateur Blokk avec son armée de fanatiques, la montée en charge du projecteur construit par Kadir Aslan, l'arrivée de la cavalerie, etc. le spectacle est formidable, à couper le souffle.

Rick Remender est lui aussi en pleine forme faisant monter d'un cran l'intrigue, avec l'éventualité de se soustraire des couches de l'oignon, pour pouvoir échapper aux conséquences de toutes les situations catastrophiques s'accumulant depuis le début du récit. le scénariste n'en néglige pas pour autant ses personnages, assurant ainsi que le lecteur trouve des points d'ancrage où se projeter, et qu'il se sente impliqué émotionnellement. Ce dernier se doutait bien que le moment de Sara McKay finirait par arriver, et cela commence à prendre forme. Les autres personnages continuent de se confronter ou de se réconforter. Impossible de résister au fait que Kadir Aslan continue de perdre son calme sous la pression, à la nécessité pour Grant McKay de se justifier devant plusieurs de ses proches pour essayer de prouver qu'il n'est pas le méchant de l'histoire dans une sorte de compétition verbale entre lui et Kadir Aslan. Il continue également de développer l'historique de certaines relations avec de brèves scènes dans le passé (par exemple quand Grant et Brian étaient enfants). de temps à autre, le lecteur se rend également compte qu'une phrase d'un personnage vient nourrir un ou l'autre des thèmes développés depuis le début de la série. Ainsi, Grant McKay est amené à constater que finalement que les zirites ne sont pas mauvais par essence. Ils ne font que mettre en oeuvre les actions nécessaires pour propager leur race, ce qui est l'objectif de toute vie. À autre moment, Brian constate que son frère n'en finalement qu'à sa tête, sans se préoccuper des conséquences, ni pour lui, ni pour les autres, totalement absorbé par sa capacité à créer. Ces moments réflexifs ne sont pas calqués artificiellement à chaque moment plus calme, mais sont des réflexions pertinentes et opportunes, totalement personnelles.

Bien sûr, arrivé au septième tome, le lecteur s'est déjà beaucoup investi dans cette série, et il sait qu'il ne reste plus que 2 tomes après celui-ci. Il y a donc une forme d'accoutumance et de familiarité confortable à retrouver ces personnages. Mais il ressent d'entrée de jeu que son plaisir de lecture ne provient pas du confort de se retrouver dans une histoire ronronnante, mais de l'énergie qui s'en dégage, de la proximité émotionnelle avec les personnages, de l'inventivité des rebondissements, des enjeux toujours plus importants, des catastrophes toujours plus imminentes et inéluctables, et de la narration visuelle spectaculaire et efficace.
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