Chacun, dans le petit monde étroit des ambassades de Pékin, évitait d'élever seulement la voix pour parler à un domestique, de crainte de froisser la susceptibilité socio-révolutionnaire d'un prolétariat chatouilleux, et surtout de peur de se retrouver sans cuisinier ou boy pour des semaines, voire des mois...
L'accusateur public était presque un enfant, dix-sept ans peut-être, une voix rauque que le micro et les hauts-parleurs amplifiaient, qui résonnait et tournait au dessus des visages tendus.
- Qui est l'infâme envoyé des Etats-Unis qui a tenté d'assassiner notre président ?
- Lui! répondit la foule d'une seule voix, le doigt tendu vers Mario.
- Qui est le scorpion venmeux qui mord en traître à la cheville ?
- Lui !
- Qui est... ?
- Lui !
Chaque fois les deux garçons qui lui tenaient les cheveux l'inclinaient jusqu'au sol.
Et le procès dura deux heures et demie dans le plein soleil. Mario suait, saignait, n'entendait ni ne voyait rien.
- Qui ?
- Lui ?
- Et que veut le peuple ?
- La mort !
Ce fut, encore une fois, un seul cri. Des photographes surgirent de l'assistance et vinrent mitrailler le condamné.